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Chronique

Le vrai faux départ de Lance Stroll

Le pilote, de face, roule sur un circuit et tourne à gauche.

Fernando Alons dans l'Aston Martin AMR23 à Bahreïn

Photo : Getty Images / Clive Mason

Lance Stroll ne pouvait choisir un pire moment pour se blesser. Avec Fernando Alonso comme coéquipier, le Québécois doit se montrer à la hauteur. Ça commence très mal.

Il n’a pas piloté l’AMR23 en essais présaison à Bahreïn et ne sait donc pas comment la mettre à sa main pour rouler dans les points. Et c'est précisément ce qu’on attend de lui en 2023, inscrire des points et faire progresser la voiture.

L'Espagnol l’a dit clairement après les trois jours d’essais, samedi.

Nous avons besoin de Lance pour savoir si mes premières impressions sont reliées au travail d’Aston Martin, ce qu'il aurait pu nous dire. Ou si elles sont reliées à mon arrivée dans une nouvelle auto, dans une nouvelle équipe. Que ce soit la pédale de frein, la direction assistée, ce genre de choses. Donc, il nous manque, et nous espérons qu’il reviendra vite, a-t-il indiqué.

Alonso joue très bien ses cartes. En expliquant que Lance a son rôle à jouer dans les orientations et les décisions techniques à prendre, il met de la pression sur son coéquipier. Typique du double champion de F1.

Curieusement, l’équipe n’a pas souhaité donner de détails sur la nature de la blessure apparemment mineure de Lance.

Le directeur de l’équipe a simplement dit qu’il s’était fait mal au poignet en faisant du vélo. Et il a pris la peine d’ajouter un commentaire surprenant.

C'est une blessure de nature privée, et c’est à Lance d’en parler s’il veut le faire, a précisé Mike Krack.

Lance était à l’entraînement, il n’était pas en vacances, c'est un accident de travail. Comment cette blessure peut-elle être privée et mineure, alors qu’elle a compromis ses essais et le travail de l’équipe à Bahreïn?

À moins que la raison donnée ne soit pas la vraie, mais une explication inventée pour cacher quelque chose. On a déjà vu des organisations inventer des raisons pour protéger des athlètes.

Selon des sources locales, il se serait blessé au poignet droit et aurait été pris en charge par un chirurgien connu dans le milieu des courses de moto.

À Bahreïn, Aston Martin a fait appel à son pilote de développement et de réserve, le Brésilien Felipe Drugovich, le champion de F2 en titre. Le Belge Stoffel Vandoorne, l’autre pilote de réserve, était pris par ses obligations en formule E.

Et le Brésilien n'a pas raté l'occasion d'aider l'équipe, au point qu'elle a déjà confirmé qu'il serait le remplaçant de Lance Stroll si ce dernier devait déclarer forfait ce week-end.

Gros plan sur un pilote concentré, visière levée, dans l'habitacle de sa monoplace.

Felipe Drugovich dans l'Aston Martin AMR23 à Bahreïn

Photo : Getty Images / Peter Fox

Felipe Drugovich était un choix avisé, car il avait déjà roulé dans l'AMR21 et dans l'AMR22. Il a donc une base de comparaison qui pourra guider les ingénieurs.

Aston Martin n’a pas raté son entrée en scène à Bahreïn. Alonso a tourné près des temps de Red Bull lors des deux premiers jours. Avec le plein d'essence, il a reculé à 1,14 seconde.

Au-delà du chrono de samedi, c’est surtout la simulation de course qu’il a faite samedi qui a rassuré l’équipe. Il a en effet fait 57 tours sous les projecteurs en trois séries de tours, en pneus mi-durs (C3) d’abord, puis dans les deux types de pneus durs (C1 et C2), et il semble que les pneus aient très bien tenu le coup, contrairement à Ferrari notamment dont les pilotes ont souffert d'une forte dégradation des gommes.

Le comportement des pneus de l'AMR23 a été jugé exceptionnel, ce qui a fait dire à la presse spécialisée qu’Aston Martin pourrait disputer le troisième rang à Mercedes-Benz ce week-end à Bahreïn.

Voire mieux, car Aston Martin aurait commandé de nouvelles pièces à la suite de l'analyse des essais présaison.

Une monoplace roule de nuit sur un circuit sous les projecteurs.

Fernando Alonso dans l'Aston Martin AMR23 sur le circuit de Bahreïn durant les essais présaison

Photo : Getty Images / Mark Thompson

Alonso s’est montré optimiste pour la suite des choses.

Nous avons emprunté de nouvelles avenues en matière de réglages et on a chaque fois trouvé du positif, a-t-il fait remarquer. C’est clair qu’on doit changer de philosophie avec la nouvelle voiture. C'est préoccupant dans un sens, car il nous faudra quelques courses pour maximiser le potentiel de la voiture.

Info ou intox? Alonso est très bon pour envoyer la concurrence sur de fausses pistes par presse interposée. Mais à la lumière des essais, Aston Martin est clairement l’équipe qui a fait la plus forte impression.

Les analystes classent l'équipe de Lawrence Stroll juste derrière le trio habituel de Red Bull, Ferrari et Mercedes-Benz.

En configuration de qualification (peu d'essence embarquée), Fernando Alonso a tourné près des temps de Red Bull, et Felipe Drugovich n’a pas démérité non plus, réalisant le 10e chrono de la dernière journée à +1,77.

L'Espagnol aurait aimé rester en piste toute la journée de samedi, mais l’équipe canado-britannique avait besoin de faire tourner le Brésilien pour le préparer au premier grand prix de la saison. Au cas où…

Lance Stroll devra attendre

Quel est l'intérêt d'Aston Martin de mettre Lance Stroll dans la voiture à Bahreïn, alors qu’il n’a pas roulé à Sakhir sous les projecteurs? Aucun. L'équipe a tout avantage à travailler les réglages de Drugovich pour le premier week-end de la saison, afin que les deux voitures marquent des points.

L’écurie donnerait ainsi plus de temps au Québécois pour soigner son poignet et évaluer sa résistance dans le simulateur avant de l’envoyer en piste. Elle sera peut-être tentée de le laisser sur la touche lors du Grand Prix d'Arabie saoudite, du 17 au 19 mars, sur le circuit piégeux de Jeddah, et d'annoncer son retour en Australie.

Felipe Drugovich a dit en entrevue que les deux pilotes de réserve (Vandoorne et lui) seront sur place pour le début de la saison. Aston Martin compte visiblement donner le volant de Lance au Brésilien et le poste de réserviste au Belge.

C'est important pour moi d'apprendre de ce que fait Fernando (Alonso). C'est bon que je puisse me comparer à lui. Je suis chanceux d'avoir eu cette occasion. Je vais faire tout en mon pouvoir pour rester dans l'auto, a dit le Brésilien sur le site de l'équipe.

S'il réussit son examen de passage en F1 au premier grand prix de la saison, Drugovich pourrait très bien remplacer Lance au grand prix suivant. Le Brésilien a une grosse carte à jouer, et il donnerait des munitions à Mike Krack pour tenter de convaincre Lawrence Stroll de lui faire confiance.

Si Aston Martin connaît un bon début de saison avec Alonso et Drugovich, ça pourrait faire très mal à Lance Stroll.

Le Québécois en est à sa septième saison en F1, et il n’a pas encore montré qu’il pouvait prendre le rôle de meneur dans l’équipe. C’est pour cela que son père est allé chercher des champions du monde, pour l'aider à progresser et pour assurer à l’équipe une excellente visibilité médiatique.

Un homme en chemise ouverte et avec lunettes de soleil sourit et regarde vers sa gauche.

Combien de temps Lawrence Stroll va-t-il donner un volant de titulaire à son fils?

Photo : Getty Images / Mark Thompson

L'homme d'affaires canadien a réalisé un coup de maître en volant Fernando Alonso à Alpine Renault, qui hésitait à lui donner un contrat à long terme.

M. Stroll avait les moyens et a accepté les demandes du double champion du monde. Mais en l’engageant, il a peut-être mis son fils sur une voie de garage. Il l’installe un peu plus dans son rôle de pilote de soutien.

Si Sebastian Vettel avait une approche de grand frère pour Lance, ce ne sera pas du tout la même relation avec Alonso. Il a cette fois comme équipier un véritable adversaire. Et sa blessure au poignet le fragilise encore plus.

On entend déjà Lance Stroll dire que s’il a du mal à s’approcher des temps d’Alonso, c’est qu’il a le poignet sensible, qu’il a raté les essais présaison, le premier grand prix et peut-être le deuxième, et qu’il n’a pas encore mis l’AMR23 à sa main, que ça va lui prendre un peu de temps.

Deux pilotes de F1 en combinaison applaudissent la présentation de leur monoplace pour la saison 2023.

La présentation de l'AMR23 à Silverstone avec Lance Stroll et Fernando Alonso

Photo : Aston Martin / Zak Mauger

Lawrence Stroll dit vouloir gérer son équipe de F1 comme une de ses entreprises, avec l’objectif de faire de l’argent, pas d’en perdre. Les investissements doivent à un certain moment rapporter. Et l’homme d’affaires canadien sait que chaque point marqué au classement des constructeurs se transforme en dollars.

Le titre des constructeurs en 2020 a valu à Mercedes-Benz un montant de 135 millions de dollars américains (source F1Chronicle). L'équipe Racing Point (aujourd'hui Aston Martin) avait touché 60 millions.

Ces montants du classement des constructeurs représentent 77 % des revenus des équipes. Les 23 % restant viennent de la redistribution à parts égales aux 10 équipes des revenus des droits de télévision et des ententes commerciales.

Lance Stroll est le pilote qui a fait faire le moins d'argent à son équipe en 2020, un montant estimé de 33,3 millions de dollars américains contre 232,2 millions pour son coéquipier de l'époque Sergio Pérez (source TotalF1). C'est dire le peu d'intérêt qu'on porte au pilote québécois, dont le volant est protégé depuis son arrivée en F1 en 2017.

La nouvelle usine et les pièces du puzzle

Le complexe de Silverstone est l’avant-dernière pièce à mettre en place sur la table afin que l’équipe puisse atteindre son but, soit se battre pour le titre. Lawrence Stroll s’est donné cinq ans pour y arriver, soit jusqu’à la fin de 2025.

L’équipe ouvrira le premier des trois bâtiments de sa nouvelle usine à Silverstone en mai 2023. C'est l'usine où les monoplaces seront dessinées et construites.

Le deuxième accueillera la nouvelle soufflerie et sera inauguré à l'automne de 2024. Enfin, le dernier bâtiment, qui sera construit sur l'emplacement de l'usine actuelle, comprendra les salles d'exposition et de conférence et les espaces détente du personnel. Les trois seront reliés par des passerelles.

Graphique de la nouvelle usine vue de haut

La future usine de l'équipe Aston Martin

Photo : Aston Martin Racing

La dernière pièce qu'il devra trouver et placer dans son puzzle, c'est un pilote no 2 capable d’appuyer l’effort de l’équipe et de marquer des points, quelles que soient les circonstances.

Lawrence Stroll a déjà dit à propos de son fils qu'ils avaient fait tout ce chemin ensemble, et cette aventure en F1, ils la vivraient tous les deux. Le père veut gagner le titre avec son fils au volant. C'est un objectif louable, mais est-ce réaliste?

Si Lance souffre de la comparaison avec Alonso en 2023, et c’est ce que tout le monde prédit, comment l’équipe pourra-t-elle justifier de garder le Québécois de 24 ans comme pilote titulaire? L'obstination de Lawrence Stroll à garder son fils pourrait fragiliser l'objectif de l'équipe de se battre pour la victoire et, par ricochet, son plan d'affaires.

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