Gymnastique Canada met fin à son association avec Ian Moss

Ian Moss parle avec des journalistes à l'extérieur du palais de justice de Sarnia, pendant le procès pour agression sexuelle de l'entraîneur Dave Brubaker, qui a été remplacé par Alex Bard (Photo d'archives).
Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes
Le conseil d’administration de Gymnastique Canada a confirmé le départ du chef de la direction, Ian Moss, jeudi, une décision qui survient alors que des voix s'élèvent pour demander des changements majeurs dans la structure de gestion de l'organisation.
Nous avons clairement entendu tous les méfaits culturels et comportementaux qui ont nui aux personnes et à notre sport. Nous reconnaissons et admettons les répercussions de ces actes répréhensibles et nous allons de l’avant, aujourd’hui
, a déclaré le président par intérim du conseil d’administration de Gymnastique Canada, Bernard Petiot.
Ian Moss occupait ce poste depuis le mois de septembre 2018.
Il y a encore beaucoup de chemin à faire, ce serait présomptueux pour moi de dire que c’est suffisant, reconnaît Bernard Petiot. Un des éléments sur lequel on va travailler, c’est l’élément de communication puisque cet aspect de confiance, de transparence, touche particulièrement la qualité de l’information, comment elle est transmise. C’est une des priorités qu’on a d’améliorer nos pratiques dans ce champ spécifique là.
L’élément qui va assurer le succès, c’est la qualité de la coopération et de la collaboration qui doit exister entre la fédération canadienne et ses partenaires provinciaux. Plus ce rapport-là est étroit, plus la communication est constante, plus les mécanismes sont cohérents, entendus et concertés, plus on aura l’assurance qu’il y aura un meilleur impact et un meilleur suivi des cas ou des dossiers.
La décision survient 15 jours seulement après la démission du président du conseil d’administration, Jeff Thomson, pour des raisons personnelles. Ce dernier était la cible de critiques depuis la publication d’un rapport dévastateur produit par la firme McLaren Global Sports Solutions de l’avocat canadien Richard McLaren. Le document décrivait un climat de méfiance au sein de la fédération et demandait un changement de culture à Gymnastique Canada.
Nous avons beaucoup de travail à faire. De nouveaux postes de direction et une gouvernance renouvelée représentent des étapes importantes pour aller de l’avant. Le rapport de McLaren nous a donné un cadre pour un changement et un engagement accru en faveur de la responsabilisation, de la transparence et de l’excellence dans le domaine du sport sécuritaire
, a ajouté Petiot.
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Gymnastique Canada souhaite un processus de transition harmonieuse
avec Ian Moss. La fédération canadienne confirme le recrutement d’un nouveau président ou d’une nouvelle présidente du conseil d’administration, en plus d’annoncer l’ajout de nouveaux membres et d’un membre supplémentaire.
Parmi les autres annonces, il y a l’arrivée d’une nouvelle directrice du sport sécuritaire, Kacey Neely, dont le mandat est d’établir une culture nationale.
La doctorante en psychologie du sport se chargera du cadre de travail de Gymnastique Canada et assurera l'élaboration d'une approche nationale en matière de sport sécuritaire, en collaboration avec tous les OPT, les clubs et les partenaires externes
.
L’engagement envers le sport sécuritaire à tous les niveaux est sans précédent et nous espérons que notre nouveau processus de vérification approfondie des leaders de la haute performance avant leur embauche permettra d’établir un plus grand lien de confiance avec les athlètes, leur famille et la communauté
, a déclaré Kacey Neely.
Un nouveau processus de vérification des embauches de dirigeants nationaux de la haute performance pour éviter des promotions litigieuses comme celle d’Alex Bard, un entraîneur reconnu pour ses gestes inappropriés sur de jeunes gymnastes.
Une annonce qui rate la cible
Le départ de Moss survient des mois après que Gymnasts for Change Canada, un groupe de défense formé de plusieurs centaines d'anciens gymnastes et d'autres actifs, eut demandé son départ.
C’est ce qu’on demandait depuis des mois déjà
, rappelle la cofondatrice de l'organisation, Amelia Cline, lors d'une entrevue à CBC News. Les gymnastes avaient rédigé une lettre ouverte à Sport Canada en mars 2022 pour demander qu'une enquête fédérale se penche sur la culture toxique dans leur sport.
Selon nous, ç’a été beaucoup trop long avant d’y arriver, mais c’est une première étape. Il faut aussi noter qu’il [Ian Moss] est démis de ses fonctions alors que le message à la communauté est qu’il a été un leader en matière de sécurité dans le sport, et c’est problématique sachant qu’il y a des preuves à l’effet qu’il a fermé les yeux sur des allégations envers un entraîneur qu’il a ensuite promu dans l’équipe nationale.
« On voit un discours qui est véhiculé, et qui l’a été depuis des décennies, voulant que des gens puissent démissionner discrètement avec des accolades sans qu’ils soient tenus imputables de leurs actions, alors qu’ils contribuent à ce que nous percevons comme une culture toxique. »
Cline a été l’une des intervenantes à s’exprimer lors d’audiences devant le Comité permanent de la condition féminine, en novembre 2022. Elle réclamait, de concert avec d'autres organismes présents, dont Global Athlete, la création d’une enquête judiciaire indépendante pour faire la lumière sur les cas d’abus et de harcèlement dans le milieu sportif canadien. Selon l'ancienne gymnaste, aujourd'hui avocate, l’annonce d’aujourd’hui n’est qu’une autre preuve de la nécessité d’une initiative nationale.
Si l'on ne s’attaque pas aux racines de la crise actuelle, non seulement en gymnastique, mais dans les sports à l’échelle nationale, nous n’arriverons jamais à des solutions qui engendreront des changements significatifs. Les démissions de chefs de direction ne sont qu’une façade, ils ne s'attaquent pas aux sources du problème.