Le lutteur montréalais Sami Zayn en tête d’affiche de la WWE

Sami Zayn (à gauche) et Roman Reigns en des temps plus heureux.
Photo : Getty Images / Alex Bierens de Haan
Montréal n’a pas accueilli d’événement de lutte aussi important en plus d’un quart de siècle. Et un Québécois en sera la tête d’affiche.
La WWE présente Elimination Chamber
, samedi, au Centre Bell, le dernier rendez-vous avant la grand-messe qu’est WrestleMania. Le Montréalais Sami Zayn fera partie de la grande finale contre Roman Reigns, qui en sera à son 903e jour comme champion de la WWE, un bon indice de la valeur qu’on lui accorde dans cet univers scénarisé où le champion est la vedette la plus rentable aux guichets.
La métropole a accueilli des spectacles télévisés, mais c’est la première fois depuis septembre 2009 que la WWE y présente un événement majeur, du type qu’on achetait jadis à la carte avant que les plateformes de diffusion en ligne changent la donne.
Et on fait confiance à un Québécois pour le combat principal de la soirée. Quand on compile les noms des participants aux finales des trois seuls événements majeurs que la WWE a présentés au Centre Bell, on constate que Sami Zayn se joint au gratin du divertissement sportif : Bret Hart contre Shawn Michaels en 1997, Dwayne The Rock
Johnson contre Hulk Hogan en 2003 et CM Punk contre l’Undertaker en 2009.
C’est vraiment la consécration pour Sami Zayn, soutient l’auteur et historien de la lutte québécoise Patric Laprade. On a beaucoup parlé de Kevin Owens dans les dernières années, peut-être un peu plus que Sami. Il a été mieux utilisé dans les scénarios – il a été champion universel. Mais cette semaine, c’est celle de Sami Zayn, entre l’invitation au match du Canadien et la finale d’Elimination Chamber. Tout le monde au Québec est en train de découvrir Sami Zayn, d’apprendre qu’il y a un autre Québécois à la WWE.
La présence de Zayn en finale n’a rien d’une récompense gratuite ou d’un bonbon offert aux amateurs locaux. Le Montréalais est au cœur de ce que Laprade appelle l’histoire qui fait le plus jaser depuis des années à la WWE
.
Au printemps dernier, Zayn a commencé à se faufiler au sein d’un groupe nommé Bloodline, composé de Reigns et de ses cousins, les Uso. Zayn a fini par gagner leur confiance, mais puisqu’on parle ici de lutte professionnelle, il faut bien que la camaraderie éclate violemment un jour.

Dans les scénarios de la WWE, Sami Zayn (à gauche) a dû frapper Roman Reigns (au centre) avec une chaise pour protéger son ami Kevin Owens (hors cadre).
Photo : Joe Camporeale-USA Today Sports
Quand Zayn a refusé de participer à une agression en règle du Bloodline contre son ami – et parfois ennemi – de toujours Kevin Owens, le mois dernier, Reigns ne l’a pas digéré. Et nous voici à Montréal pour un choc inévitable, tant en raison du fil de l’histoire qu’à cause des données comptables.
En consultant le site spécialisé Wrestlenomics, qui compile les cotes d’écoute de la lutte à la télévision américaine, on peut constater deux choses : depuis le printemps, l’émission à laquelle est associée Sami Zayn attire un public nombreux et de plus en plus jeune, et les segments dans lesquels il figure, particulièrement ces dernières semaines, sont systématiquement les plus populaires, notamment dans la tranche d’âge 18-49 ans si chère aux commanditaires.
Que ça dure aussi longtemps, ce n’était pas prévu, souligne Laprade. Et c’est le travail de Sami qui a fait en sorte que ç’a cliqué avec la foule à ce point-là. […] Tout le monde a été bon, mais Sami était le gars qui ne cadrait pas dans l’histoire, et il a réussi à faire de quelque chose de temporaire une histoire longue, au point de faire la finale d’un gros événement.
On le savait que c’était un bon lutteur. Mais les gens ne savaient peut-être pas combien c’était un bon comédien, quelqu’un qui pouvait amener un scénario du point A au point B.
Les cotes d’écoute sont d’autant plus impressionnantes que la WWE, dans la presse économique, est sous les projecteurs pour plusieurs mauvaises raisons.

Vince McMahon a pris la direction de la WWE en 1982.
Photo : Getty Images / Ethan Miller
Il y a d’abord le retour au bureau de Vince McMahon, qui avait pris sa retraite
dans la tourmente en juillet dernier, visé qu’il était par des allégations d’inconduite sexuelle. À titre d’actionnaire dominant de l’entreprise, l’homme de 77 ans a orchestré sa propre réélection au conseil d’administration dans l’unique but, officiellement, de préparer une vente. Trois membres du conseil ont été expulsés dans la foulée, et deux ont choisi de démissionner.
Parmi les acheteurs potentiels, on trouverait le fonds public d’investissement de l’Arabie saoudite. La WWE organise des événements dans ce pays depuis 2018, avec toutes les accusations de sportswashing – l’utilisation du sport par un régime pour dorer son image – que cela implique.
Compte tenu de ses origines syriennes et des tensions entre les deux pays, Sami Zayn n’a jamais participé à ces spectacles. Patric Laprade ne croit pas non plus que cet enjeu puisse influer sur les scénarios de la WWE. Et il n’est pas surpris que les fidèles demeurent au rendez-vous malgré les controverses.
Il y a des gens qui veulent juste regarder une émission de télé et se laisser divertir par les histoires, et c’est tout. Et c’est correct, aussi, affirme-t-il. L’histoire de Sami, son avantage, c’est qu’elle rejoint l’amateur qui regarde juste la lutte parce qu’il aime ça, mais aussi celui qui se renseigne sur le milieu, qui écoute des balados, qui lit des infolettres. L’intérêt pour l’histoire ne me surprend pas. Elle est bonne à ce point-là. Quand d’anciennes vedettes comme l’Undertaker encensent Sami Zayn, c’est vraiment tout le monde qui croit en l’histoire et qui voit à quel point il est excellent là-dedans.
Laprade serait cependant très surpris
qu’on choisisse Zayn comme successeur à Reigns dès samedi.
Mais ça ne veut pas dire que WrestleMania va être décevant pour nos Québécois, parce que si les rumeurs sont vraies, on aura Sami et Kevin Owens contre les Usos pour les titres par équipe, souligne Laprade. Deux Québécois champions du monde par équipe, ça ne s’est pas vu depuis les Quebecers [Jacques Rougeau et Pierre-Carl Ouellet] en 1993-1994. Il y a un exploit à aller chercher là.