ChroniqueBaseball Québec innove en s’attaquant à la pénurie d’arbitres

Les arbitres de baseball se font rares depuis quelques années.
Photo : Gracieuseté de Baseball Québec Outaouais / Nancy Dion
À travers l’Amérique du Nord, de nombreuses fédérations sportives font face à une inquiétante pénurie d’arbitres. Et, malheureusement, ce problème est accentué par l’intransigeance des parents, des entraîneurs et des joueurs envers les officiels. Dans l’espoir de briser ce cycle négatif, les dirigeants de Baseball Québec ont décidé d’innover.
Ainsi, à compter du printemps, tous les entraîneurs des équipes de catégories 9U et 11U, ainsi que tous les joueurs de catégorie 13U seront occasionnellement appelés à camper le rôle d’officiel au premier but lors des matchs de leur équipe.
Ce projet, fort astucieux, a officiellement été présenté jeudi soir aux associations de baseball mineur québécoises, à l’occasion d’un webinaire. Cette orientation fait suite à une lettre ouverte que le directeur technique de Baseball Québec, Sylvain Saindon, avait publiée l’automne dernier à l’intention des parents et des membres de la fédération. Cette lettre était un véritable cri d’alarme.
Depuis la saison 2019, le nombre de jeunes baseballeurs(ses) s’est accru de près de 6 % (environ 2000 joueurs) au Québec tandis que le nombre d’arbitres a décliné de… 37,5 %! J’espère que vous voyez venir le mur aussi bien que nous!
, avait écrit Saindon.
Le directeur technique de BQ avait notamment invité les parents de la forte majorité silencieuse à intervenir dans les gradins auprès de ceux qui chahutent constamment les officiels. Après réflexion, les dirigeants de la fédération ont toutefois décidé qu’il fallait aller au-delà de la sensibilisation et qu’il y avait urgence d’agir.
Baseball Québec regroupe quelque 2500 équipes, mais elle compte désormais sur moins de 1500 arbitres pour superviser tous ces matchs.
À Laval la saison dernière (Laval est une région médiane en ce qui a trait à l’arbitrage), plus de 60 % des matchs des catégories 11U et 13U ont été supervisés par un seul arbitre. Dans plus de 24 % des matchs de catégorie 11U et dans 9 % des matchs de catégorie 13U, il n’y avait pas d’arbitre du tout et les entraîneurs ont dû prendre la relève.
Un comité1 a donc été formé afin de réfléchir à la meilleure façon de créer une nouvelle culture faisant en sorte que le développement des arbitres soit dorénavant perçu de la même façon que celui des joueurs : avec indulgence et empathie. Par ailleurs, le comité cherchait une façon de développer un intérêt pour la fonction d’arbitre parmi les membres de BQ.

Un arbitre à l'œuvre durant un match de baseball.
Photo : Darryl Gershman
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Le résultat de cette réflexion est le suivant :
- Dans les catégories 9U et 11U, à chaque manche, un entraîneur de l’équipe défensive se joindra au duo d’officiels en place. L’entraîneur aura comme seule responsabilité de déclarer si un frappeur-coureur sera sauf ou retiré sur un jeu au premier coussin. Pour leur part, les deux
vrais
officiels superviseront le reste de la rencontre comme d’habitude. Au fil du match, tous les entraîneurs devront assumer le rôle d’arbitre en rotation.
Les dirigeants de BQ croient que cette collaboration favorisera une plus grande complicité entre les officiels et les entraîneurs. Quand ils occuperont le rôle d’arbitre au premier coussin, les entraîneurs seront aussi mieux positionnés pour conseiller leurs joueurs en défense. Ils n’auront donc pas besoin de crier leurs recommandations à partir du banc.
- Dans la catégorie 13U, à chaque manche, un joueur de l’équipe offensive sera appelé à agir comme arbitre. Ce joueur sera celui qui aura frappé le dernier lors de la manche précédente. Le joueur-arbitre portera un dossard sur lequel sera inscrit un message positif. Comme les entraîneurs, le joueur-arbitre n’aura qu’à déterminer si le frappeur-coureur est sauf ou retiré au premier coussin. Quelle que soit sa décision, les équipes vivront avec. Si jamais le joueur-arbitre doit se présenter au bâton durant la manche, il ira frapper et l’officiel responsable de l’avant-champ prendra simplement la relève.
De cette manière, chaque parent sera périodiquement appelé à vivre ce que les dirigeants de BQ appellent l’expérience arbitre
. On espère voir se développer une plus grande empathie envers la fonction d’arbitre ainsi qu’une solidarité entre les parents qui verront tour à tour leur enfant prendre des décisions au cours de la rencontre.
Tant pour les entraîneurs que pour les joueurs, ces règles ne seront en vigueur que durant le calendrier régulier. Lors des séries éliminatoires, seuls les vrais
arbitres de BQ prendront des décisions au cours des matchs.
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Des arbitres officiant durant un match.
Photo : Radio-Canada / François Le Blanc
À moyen terme, les dirigeants de Baseball Québec espèrent assainir leur sport et rehausser la qualité de l’expérience de tous ceux qui seront impliqués dans des matchs de baseball.
En grandissant dans la structure, tous les joueurs auront vu leur entraîneur arbitrer; tous les joueurs auront eux-mêmes arbitré; et les parents auront vu les joueurs et entraîneurs arbitrer. Les arbitres ne seront plus considérés comme une caste à part. Tous comprendront qu’ils font partie du match
, peut-on lire dans un document qui a circulé à l’interne au cours des dernières semaines.
Les représentants des associations ont d’abord semblé surpris quand on leur a présenté ce projet jeudi.
Par contre, nos gens sont bien conscients de la problématique que nous vivons. Avec le recul, je dirais même que nous aurions dû adopter de telles pratiques un an plus tôt
, estime Sylvain Saindon.
Plusieurs systèmes d’arbitres bénévoles ou d’arbitres d’un jour existent aux États-Unis, et un aménagement semblable à celui préconisé par BQ existe en Australie. En plus de confier une partie de l’arbitrage aux entraîneurs et aux joueurs, Baseball Australie fait aussi appel aux parents.
Les membres du comité formé par BQ ne connaissaient toutefois pas ces programmes étrangers lorsqu’ils ont mené leurs travaux. Ils ont donc imaginé une solution répondant aux problèmes spécifiques qu’ils avaient identifiés.
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Sylvain Saindon révèle d’ailleurs que Baseball Québec songe à aller encore plus loin afin d’améliorer la culture du baseball et d’en rendre la pratique plus conviviale.
Nous envisageons notamment la création d’une plate-forme qui permettrait aux arbitres, après chaque match, de décerner une note d’agréabilité aux équipes qu’ils viendraient de côtoyer. Après un certain nombre de mauvaises notes décernées à une équipe, les dirigeants des associations ou de la région seraient mis au fait de la situation.
Si une équipe n’est pas agréable à arbitrer, elle n’est généralement pas agréable à affronter non plus pour les équipes adverses. Ça crée une ambiance lourde dans le parc. Nous envisageons donc le recours à ce genre d’outils pour que nos matchs se jouent mieux, de A à Z
, explique le directeur technique.
À mes yeux, ce projet, c’est juste du beau et juste du bon
, renchérit le directeur général de BQ, Maxime Lamarche.
Nous sommes dans la découverte et dans le plaisir. Les jeunes ne seront pas exposés aux commentaires négatifs des parents parce que ce seront leurs propres enfants qui rendront des décisions. Ça donnera probablement la chance à des jeunes de découvrir que l’arbitrage peut s’avérer un emploi d’été intéressant. Et surtout, il est fort possible que les joueurs ressentent davantage de respect pour les arbitres après avoir eux-mêmes occupé cette fonction
, fait valoir le DG de la fédération.
1 Le groupe de travail qui a réfléchi à cette refonte de l’arbitrage était composé de Martin Simoneau (président de la région de la Rive-Sud), Marc Durand (journaliste), Jean-François Hamelin (formateur d’arbitres de BQ), Joël Vaillancourt (entraîneur de la région de l’Outaouais), Robert Brousseau (directeur des opérations de BQ) et Sylvain Saindon (directeur technique de BQ).