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Chronique

Le CIO devrait-il devenir la police de la paix dans le monde?

Le drapeau des Jeux olympiques et celui de la Russie, côte à côte

Le CIO avait demandé aux fédérations sportives de bannir de toutes les compétitions les Russes et les Bélarusses dans la foulée de l'invasion de l'Ukraine.

Photo : Reuters / Mark Blinch

Depuis la sortie de Volodymyr Zelensky, qui a demandé au président du Comité international olympique (CIO), Thomas Bach, de ne pas contempler l’idée de permettre aux délégations russe et bélarusse de participer aux Jeux de Paris, les opinions divergent. La mienne a aussi évolué dans la dernière semaine.

Je suis le premier à critiquer le CIO pour son manque de courage devant la Russie qui aurait dû, selon moi, être bannie sans compromis des Jeux olympiques depuis 2016 pour son système étatique de dopage. Toutefois, lorsqu’on demande au CIO de bannir un pays pour en avoir attaqué un autre, c’est là que je me pose de sérieuses questions.

Cela n’est pas une chronique politique, et loin de moi l’intention de diminuer l’agression sauvage à laquelle nous assistons en Ukraine.

Lorsqu’on parle de dopage ou de corruption dans le but de modifier les résultats, cela vient directement détruire l’intégrité de l’activité en soi. Mais lorsqu’on parle de guerre, je ne pense pas qu’on devrait s’attendre à ce que le CIO devienne la police internationale. Mon premier réflexe était différent, ensuite j’étais confus. Plus je pensais, plus j’écoutais, et plus mon opinion allait dans l’autre direction.

En lisant tout ce qui s’écrit sur le sujet, on voit aussi qu’il y a beaucoup trop d’amalgames. On doit traiter ces deux choses séparément : d’un côté, la Russie qui triche, et de l’autre, celle qui envahit. Je comprends ceux qui disent qu’on ne devrait pas laisser les despotes se servir des Jeux olympiques pour dorer leur image, ce qu’on appelle maintenant le sportswashing. Et, oui, les Jeux olympiques sont politiques, mais cela ne justifie tout de même pas l’idée de voir le CIO prendre la place de l’ONU.

Pensez-y : si le CIO intervenait ici en empêchant la participation de la Russie et du Bélarus, il devrait maintenant agir ainsi pour tous les futurs conflits internationaux. Le CIO devra donc évaluer qui est l’envahisseur, qui est l’instigateur et quel était le motif. Ensuite, faudrait-il établir un seuil critique de victimes pour justifier une telle sanction? Et si le conflit est religieux, les règles seront-elles différentes?

Regardons un peu le passé récent pour se faire une tête. Si on pense ainsi pour le conflit en Ukraine, est-ce qu’il aurait fallu interdire la participation des Américains aux JO lors du conflit en Irak? Certes, le contexte est différent, mais les règles du nouveau gouvernement international CIO ne devraient pas avoir un biais occidental.

Et que fait-on lors d’un conflit comme la deuxième guerre du Congo, dans laquelle neuf pays étaient engagés de 1998 à 2003 et qui a fait des millions de victimes?

Deux hommes rient.

Le président du Comité international olympique, Thomas Bach, (à droite) en discussion avec le président russe, Vladimir Poutine, en 2015 (photo d'archives)

Photo : Getty Images / Harry Engels

Revenons au dilemme présent. Dans l’optique d’être juste et équitable, certains ont même suggéré qu’on filtre les athlètes admissibles selon leur implication sur le terrain ou, pire encore, selon leurs commentaires publics dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Constatez-vous à quel point on met les pieds sur un terrain glissant si on va dans cette direction?

Les athlètes russes, malgré eux, faisaient partie prenante du dopage systémique. Cependant, de là à prétendre que tous les athlètes russes et bélarusses soutiennent l’invasion en Ukraine et qu’ils devraient tous être imputables des actions de leur président, il y a une marge. On viendrait assurément pénaliser des centaines d’athlètes qui n’ont rien à voir avec cette guerre et qui n’en veulent pas.

L’autre point à considérer est que la demande de Zelensky, soutenue par quelques pays européens, est une suspension jusqu’à la fin de la guerre. Si la guerre se termine quelques mois avant l’ouverture des JO de Paris, il serait trop tard pour que ces athlètes se qualifient.

Tant pis pour eux?

On parle ici d’êtres humains qui n’ont rien à voir avec les agissements de leur gouvernement et pour qui le sport est souvent la seule porte de sortie vers un avenir meilleur. Je sais, les Ukrainiens, eux, perdent des milliers de vies dans cette guerre, mais il serait un peu naïf de croire qu’une interdiction de participer aux JO de Paris sauverait même une seule vie ukrainienne.

Si Thomas Bach décide de les laisser participer aux Jeux, un compromis intéressant serait d’enlever toutes références à la Russie dans le nom de la délégation, pas de drapeau modifié qui ressemble au vrai par une journée de tempête, pas de chansons traditionnelles de l’ère soviétique pour remplacer l’hymne national. RIEN. On laisse les athlètes admissibles participer sous une bannière de paix ou quelque chose du genre.

Ça sera à Poutine de décider s’il veut envoyer ou pas une délégation dans ces conditions.

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