Après un contrat record, place à la saison de la confirmation pour la PHF

La Premier Hockey Federation (PHF) a démarré ses activités en 2015.
Photo : Gracieuseté : PHF-LORI BOLLIGER
La signature record de Daryl Watts avec le Six de Toronto, dans la Premier Hockey Federation (PHF), fascine depuis son annonce la semaine dernière. Avec un salaire de 200 000 $ CA par année, la Canadienne deviendra la hockeyeuse la mieux payée du monde. Si certains y voient le nouveau contrat de référence au hockey féminin, d'autres sont d'avis qu'il s'agit d'une preuve du potentiel de la PHF.
L'attaquante de 23 ans vient de terminer son stage universitaire avec panache. Ses 136 buts et 161 passes en 172 matchs, avec Boston College et l’Université du Wisconsin dans la NCAA, témoignent du talent de la Torontoise.
Plus que l’ajout d’une vedette, son arrivée en grande pompe dans la PHF incarne le succès grandissant de cette ligue professionnelle vieille d’à peine sept ans, croit la commissaire Reagan Carey.
Ce contrat, c’est le résultat des investissements de nos partenaires et un signal de l'élan que prend la PHF. Beaucoup de choses ont évolué rapidement pour nous, et on est très fiers de la progression du hockey féminin professionnel. J’aime dire qu’on veut devancer l'avenir, et les salaires consentis à nos joueuses font partie de la croissance de notre ligue
, dit-elle.
Cette croissance se chiffre par millions. En janvier 2022, les propriétaires des sept équipes de la PHF annonçaient un investissement de 25 millions. Cet argent a déjà permis d’offrir de l’équipement et des services médicaux aux joueuses, d’accroître le calendrier à 84 matchs par saison et d’augmenter l’effectif de joueuses par équipe.
Surtout, l’investissement permettra de doubler le plafond salarial de la PHF la saison prochaine. Il passera de 750 000 $ US à 1 500 000 $, une augmentation de 900 % depuis 2021. Le plafond salarial se situait alors à 150 000 $. C’est aussi un plafond salarial plus élevé que celui de deux autres ligues professionnelles féminines, la WNBA au basketball et la NWSL au soccer.
« On a dépassé l’étape de se donner des raisons d’y croire : cette saison, on commence à le prouver. »
Pour la troisième année d'affilée, la PHF sera donc capable d'offrir plus d'argent aux joueuses. La ligue exige que les sept équipes dépensent au minimum 75 % du plafond pour les salaires des hockeyeuses. En 2023-2024, cela correspondra à un salaire moyen de 49 000 $ pour un effectif de 23 joueuses.
La croissance, ça commence par un engagement fort de notre conseil d’administration, continue Carey. Cet investissement est un symbole de notre volonté de créer un modèle durable. Le hockey professionnel féminin devient une réalité. Mais évidemment, pour que notre succès soit durable, on doit continuer de croître et de générer des revenus.
Diversifier les revenus
Pour l’heure, la PHF dépend principalement du portefeuille de ses propriétaires, des commanditaires et des revenus à la billetterie. La panacée porte toutefois un nom : la télévision.
À Montréal, la Force, qui en est à sa première saison, est la seule équipe de la PHF à compter sur un contrat de télé couvrant l’ensemble de ses matchs. Un symbole de réussite pour la nouvelle franchise, dont l’objectif est d’obtenir du succès sur la glace, mais aussi en tant qu’organisation
, révèle Kevin Raphaël, le président du club de la métropole.
L’idée, c’est d’offrir un environnement professionnel pour développer les joueuses québécoises, indique Kevin Raphaël. Je suis très content de ce qui se passe en ce moment, et on va attendre la fin de la saison pour faire un véritable bilan. On veut impressionner les gens qui viennent nous voir, et avoir une chance de gagner chaque match.
Pour y parvenir, la Force compte sur 15 Québécoises, dont la capitaine Ann-Sophie Bettez, et sur un calendrier qui fait voyager. L’équipe joue ses matchs à domicile dans toute la province, soit à Montréal, Gatineau, Québec, Rimouski, Rivière-du-Loup, Saint-Jérôme et Sept-Îles.
Si l’équipe est 5e au classement, elle se retrouve en tête au chapitre de l’assistance, des ventes de chandails et des ententes de commandites. Malgré tout, la Force ne serait pas en mesure d’offrir à une joueuse un contrat semblable à celui signé par Daryl Watts, selon Kevin Raphaël.
Bien que l’arrivée de Watts soit un méga avancement
pour le hockey féminin, son impact sur la masse salariale représente 10 % du budget maximal d’une équipe, rappelle Kevin Raphaël, qui ajoute qu’il faudrait une situation exceptionnelle pour que la Force octroie un contrat aussi massif.
Je veux bâtir une équipe à saveur locale, où tout le monde peut marquer. Je ne veux pas que ce soit l’équipe d’une seule personne, mais que ce soit un programme pour les joueuses québécoises. Reste que je suis très content pour elle. Son contrat, c’est bon pour la ligue, c’est bon pour le hockey féminin, c’est bon pour la télévision et ça nous inspire aussi.
Une ligue pour les gouverner toutes
Aujourd’hui, inspirer
semble au cœur de l’attrait de la PHF. Membre du Pride de Boston depuis l’été, l’attaquante Élizabeth Giguère a choisi cette ligue parce qu’elle lui permet entre autres de faire de l’argent pour vrai, en pratiquant le sport qu’elle aime.
Quand tu grandis en tant que fille qui joue au hockey, tu penses toujours au défi de jouer pro, admet Giguère. Dans les dernières années, j’ai pu voir combien le hockey féminin progresse rapidement. Avant, je ne croyais jamais que je pourrais gagner ma vie en jouant au hockey, et aujourd’hui je le fais sans avoir besoin d'une job à côté.
En apprenant la valeur du contrat signé par Daryl Watts, Élizabeth Giguère s’est permis de rêver pour elle, mais aussi pour les jeunes hockeyeuses, qui peuvent désormais aspirer à des montants d’envergure. Car l’argent n’est plus un sujet tabou au hockey féminin : c’est désormais une possibilité, et un véhicule pour attirer les plus grands talents.
[Un salaire de] 200 000 $, c’est plus que juste de l'argent pour vivre. Une fille qui rêve un jour de jouer pro et qui voit ça… C’est difficile à formuler, c'est incroyable. Daryl, c’est le premier domino. On va certainement voir d'autres gros contrats comme ça.
Originaire de Québec, la hockeyeuse de 25 ans avait le choix de se joindre à la PHF ou au circuit concurrent de la PWHPA et son Dream Gap Tour, qui accueille des vedettes comme Marie-Philip Poulin, Hilary Knight et d’autres athlètes olympiques de renom. La formule de match de démonstration privilégiée par la PWHPA s’éloigne toutefois du calendrier complet proposé par la PHF, qui représente un attrait majeur pour Giguère.
Au vu des vedettes qui composent les quatre équipes de la PWHPA, une fusion avec la PHF apparaît comme une solution inévitable pour assurer la pérennité du hockey féminin professionnel et attirer un plus grand bassin d’amateurs.
C’est même l’objectif de la PHF, avoue la commissaire Carey, qui rêve de nouveaux commanditaires, de salaires plus élevés, et d’une plus grande couverture médiatique. Mais chaque chose en son temps, estime-t-elle.
Les choses évoluent rapidement et c’est très positif, mais on doit faire attention au rythme auquel on va. Je crois fortement en l’idée d’une ligue unifiée et on est ouverts à en discuter avec la PWHPA. Mais en attendant, on se concentre à créer un modèle durable, qui permet aux meilleures hockeyeuses de vivre en tant qu’athlètes professionnelles. Qu’on ait une seule ligue demain, ou deux ligues pour encore cinq ans, on travaille dans la bonne direction. Tout le monde qui s’implique dans le hockey féminin le fait parce qu’il y croit.
L’adage dit qu’il faut le voir pour le croire. Que les sceptiques soient avertis : la PHF entend continuer d’en mettre plein la vue.
Avec les informations de Raphaël Guillemette