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Sport sécuritaire : les millions d’Ottawa n’atteignent pas la base

Un athlète se tient avec ses bras, tête à l'envers, sur une barre horizontale.

Des gymnastes ont demandé à la ministre des Sports du Canada de geler le financement de leur fédération.

Photo : Reuters / SUSANA VERA

Radio-Canada

Une enquête de CBC Sports révèle que l’aide financière d’Ottawa visant à endiguer les abus qui nuisent à la pratique du sport sécuritaire partout au pays rate sa cible, car elle ne sert la cause que des athlètes et des entraîneurs de l’élite.

En 2022, le gouvernement fédéral a alloué 16 millions de dollars sur les trois prochaines années pour offrir une pratique du sport plus sécuritaire et exempte d’abus physiques, psychologiques ou sexuels.

Cette enveloppe doit servir à la mise sur pied du Bureau du Commissaire à l’intégrité dans le sport, un organe indépendant devant enquêter sur les plaintes des athlètes. Tous les sports fédérés doivent y adhérer pour conserver leur financement d'Ottawa.

Le problème est que ce type de ressources n’atteint jamais les clubs locaux où sont inscrits des centaines de milliers d’enfants et où la vaste majorité des cas d’abus sont commis.

Multitudes d’exemples

La vaste enquête mise sur pied il y a quatre ans par CBC News et CBC Sports a révélé que plus de 200 entraîneurs – la majorité au niveau local – ont fait face à des accusations d’agressions sexuelles commises à l’endroit d’athlètes placés sous leur direction.

Depuis, 83 entraîneurs de plus ont été accusés ou reconnus coupables de telles agressions dans une panoplie de sports dans plusieurs provinces et territoires.

Parmi les cas les plus médiatisés, on retrouve un entraîneur de tennis à Toronto, un entraîneur de patinage artistique de Saint-Jean, à Terre-Neuve-et-Labrador, un trio d’entraîneurs de basketball rattaché à une école secondaire de Montréal et un entraîneur de football à Winnipeg. Et ceux-ci ne représentent encore qu’une infime portion de tous les cas répertoriés.

En entrevue à CBC, la ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, a reconnu qu’il y avait encore beaucoup à faire.

« Le monde du sport en général est encore en pleine crise parce que nous prenons encore connaissance de situations d’abus et de mauvais traitements. Et je ne crois pas qu’on en a vu la fin. »

— Une citation de  Pascale St-Onge, ministre fédérale des Sports
Pascale St-Onge parle en Chambre.

La ministre des Sports, Pascale St-Onge, a été accusée d'inaction par le passé concernant les cas d'abus de jeunes gymnastes.

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Dorce est de constater qu’à ce jour, la part du lion des ressources visant la prévention des cas d’abus vont aux organisations nationales et ne descendent pas les étages vers la base de la pyramide, les petits clubs et leurs joueurs ou les athlètes les plus jeunes.

Cela demeure un angle mort dans le système (sportif canadien). Plus de 99 % des cas surviennent au niveau communautaire, mais plus de 90 % de l’attention et des efforts servent le niveau élite, a dit Marco Di Buono, président de la Fondation Bon Départ mise sur pied par Canadian Tire.

Appels répétés

Au cours des derniers mois, les appels pour la mise en place d’une structure indépendante pour la réception et la gestion des plaintes des athlètes se sont multipliés pour dénoncer les abus sexuels, le comportement déplorable de certains parents, l’intimidation et la culture toxique dans son ensemble.

Une lettre a notamment été adressée au premier ministre Justin Trudeau par une douzaine de chercheurs et de professeurs du monde du sport.

En début de semaine, trois gymnastes et athlètes olympiques parmi les plus connus au pays, Kyle Shewfelt, Rosannagh MacLennan et Ellie Black ont réclamé la démission du directeur général et du président du conseil d’administration de Gymnastique Canada.

En octobre, 500 gymnastes réunis sous la bannière de Gymnastes pour le changement ont écrit à la ministre St-Onge pour, une fois de plus, réclamer la mise sur pied d’un cadre indépendant afin d’enquêter sur la culture toxique et sur les abus de mineurs ayant cours dans le monde de la gymnastique au Canada.

Jusqu'à maintenant, le gouvernement a balayé toutes ces requêtes du revers de la main.

Des dirigeants se lèvent

Kirsty Duncan, ex-ministre libérale des Sports et députée d’Etobicoke-Nord, reconnaît que le système archaïque canadien n’avait pas été conçu pour protéger les athlètes.

« Nous ratons notre cible. Nous pouvons faire mieux. Disséquons le système et trouvons les réponses afin que nous n’ayons pas ces mêmes conversations dans 4 ans, dans 8 ans ou dans 10 ans. »

— Une citation de  Kirsty Duncan, députée libérale d'Etobicoke-Nord

Pour Noni Classen, directrice du Centre canadien pour la protection de l’enfance basé à Winnipeg, il y a un manque flagrant d’imputabilité à tous les niveaux de la gestion du sport.

Si quelqu’un s’amène avec une récrimination précise, nous ne savons pas quoi faire. Les gens hésitent à aller au cœur du problème en abordant directement les cas d’abus sexuels. Et c’est ce à quoi nous devons répondre au lieu de nous éparpiller à gauche et à droite, a affirmé Mme Classen.

Le directeur général sortant à Water Polo Canada, Martin Goulet, parle d’une situation très frustrante. Quand un cas est dénoncé publiquement, la population blâme aussitôt les fédérations nationales en les accusant de ne pas faire leur travail, a-t-il lancé.

Ou alors, la ministre St-Onge montre les fédérations du doigt, quand nous n’avons aucune autorité sur les organisations ou les clubs locaux, a-t-il ajouté.

Dans les provinces, on peine à protéger les athlètes parce qu’il n’y a pas de mesures de contrôle entourant l’embauche des entraîneurs ni personne au niveau local pour appliquer les normes et les critères de sélection.

Il n’y a pas de processus universel d’embauche. Il n’a pas de processus d’évaluation des bénévoles et c’est ce qui m’effraie le plus, a renchéri Phil McKee, directeur général de la Fédération ontarienne de hockey.

Pour le directeur général de la Fédération de basketball de l’Alberta, Paul Sir, tout revient à une question d’argent.

« Je suis en poste depuis 15 ans. Et en 15 ans, notre enveloppe gouvernementale a fondu de 45 %. Nous avons de moins en moins de moyens, tandis que les demandes liées au sport sécuritaire ne cessent d’augmenter. »

— Une citation de  Paul Sir, directeur général de la Fédération albertaine de basketball

Dans la majorité des cas, le dossier du sport sécuritaire est référé au niveau local, là où les enfants les plus jeunes sont les plus vulnérables aux abus sexuels et aux mauvais traitements.

À ce niveau, les organisations sont majoritairement dirigées par des bénévoles à qui l’on demande déjà beaucoup. Ils font déjà de leur mieux pour que les ligues fonctionnent bien.

Enfin, Marcia Morris, directrice générale du Conseil du sport de la Ville d’Ottawa, reconnaît que le sport sécuritaire n’est pas un sujet léger. Ce n’est pas simple de trouver une solution et de savoir quand et comment l’appliquer. Je ne crois pas que c’est parce que les gens s’en balancent. Je crois qu’on les a ignorés et il n’y a plus de temps à perdre, a soutenu Mme Morris.

Je crois que lorsque l’on est coincés, on se met la tête dans le sable en espérant que rien n’arrivera, a-t-elle conclu.

Avec les informations de CBC News et de CBC Sports

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