Bras de fer entre l’Ukraine et le CIO
Volodymyr Zelensky
Photo : via reuters / Handout .
Volodymyr Zelensky est furieux après la déclaration de Thomas Bach. Le président du Comité international olympique (CIO) envisage maintenant de réintégrer les athlètes russes et bélarusses dans les compétitions internationales.
À la suite de la réunion du comité exécutif du CIO, Thomas Bach a déclaré : Aucun athlète ne devrait être interdit de compétition sur la seule base de son passeport.
Il n’en fallait pas plus pour déclencher l’ire du président de l’Ukraine.
« J’invite M. Bach à Bakhmout pour qu’il voie de ses propres yeux que la neutralité n’existe pas. Il est évident que tout drapeau neutre des sportifs russes est taché de sang. »
Le président Zelensky évoque maintenant la possibilité d’un boycottage des prochains Jeux olympiques à Paris. Dans la même déclaration, il semonce Thomas Bach et son organisation.
Ce n’est qu’une question de temps avant que le Kremlin se mette à profiter de la souplesse sans grand principe du CIO pour affirmer que le monde est d’accord pour faire des concessions à l’agresseur
, a affirmé le président ukrainien.
Mykhaïlo Podoliak, principal conseiller du président Zelensky, y est allé lundi d’un gazouillis incendiaire.
Le CIO est un promoteur de la guerre, du meurtre et de la destruction, a écrit M. Podoliak. Le CIO regarde avec plaisir la Russie détruire l’Ukraine et offre ensuite à la Russie une plateforme pour promouvoir le génocide.
De graves accusations
Les accusations sont assez graves et c’est assez exceptionnel, car le président Zelensky considère le CIO et Thomas Bach comme des promoteurs de guerre, dit le spécialiste de l'olympisme Armand de Rendinger. Jamais un ton pareil ou rarement a été employé envers le mouvement olympique.
D'ailleurs, le Comité international olympique rejette dans les termes les plus forts
, la déclaration de M. Podoliak et d'autres propos diffamatoires
, qui ne peuvent servir de base à une quelconque discussion constructive
, a indiqué un porte-parole à l'AFP.
En entrevue à Radio-Canada Sports, Armand de Rendinger n'en démord pas, le CIO est un mouvement politique et ses positions le sont aussi.
Il faut le reconnaître, le CIO et le mouvement olympique sont avant tout politiques, martèle l'expert français. Le CIO est politique au niveau des athlètes et au niveau des états. Sa position envers la Russie, que certains trouvent laxiste, on peut la comprendre au niveau économique. C’est un enjeu que l’on va découvrir bientôt, car il risque de pénaliser les prochains Jeux à Paris.
« Si les athlètes russes devaient être bannis des Jeux en 2024, les conséquences pourraient être dramatiques pour les organisateurs. »
Ce qu’il faut savoir, c’est que la billetterie a déjà été ouverte et beaucoup de billets sont prévendus, souligne Armand de Rendinger. Les principaux acheteurs viennent de Russie, de Chine ou de pays que l’on ne qualifie pas de démocratie. Alors, sans les athlètes russes, cela poserait de réels problèmes au niveau de l’équilibre économique des Jeux.
Le spécialiste français reconnaît que, dans son geste, Thomas Bach ne veut pas se fâcher avec les puissants de cette planète, surtout pas avec son ami Vladimir Poutine. Au nom du mouvement olympique, il veut défendre une certaine neutralité.
Thomas Bach est l’ami de tous, surtout des chefs d'État des grandes puissances, indique Armand de Rendinger. On l'a vu à Sotchi avec Poutine, avec le président chinois à deux reprises aux Jeux de Pékin. À chaque fois, il s'est organisé, pour se justifier, que le mouvement olympique est un promoteur de paix et d’ouverture sur le monde. L’invitation aux athlètes russes va dans ce sens. Et qu'importe ceux qui pensent que la présence des athlètes russes dans les compétitions internationales légitime la Russie.
Le CIO et son écosystème
Pour Armand de Rendinger, le CIO navigue sur des plaques tectoniques
et suit donc un cap en fonction du jeu des différents acteurs de son mouvement. Ce n’est pas surprenant de voir les comités nationaux africains et asiatiques féliciter Thomas Bach pour sa décision de réintégrer les athlètes russes.
Ces deux continents que sont l’Afrique et l’Asie sont des partenaires, des tributaires, voire des alliés de la Russie, ce n’est donc pas un hasard de les voir soutenir Thomas Bach, rappelle le spécialiste. Encore une fois, le président du CIO réussit à créer une unité olympique avec ces soutiens. Ce qui est tout de même paradoxal. Encore une preuve que le mouvement olympique est un écosystème qui veut maintenir l’équilibre à tout prix.
La Grande-Bretagne et le Danemark ont condamné la position du CIO et de Thomas Bach. Pour Armand de Rendinger, d'autres pays vont suivre le mouvement.
Il y aura certainement un effet domino, pas seulement pour satisfaire le président Zelensky, mais dans l’intérêt de chacun des pays, croit le spécialiste. S'il existe une certaine union européenne face à l’invasion russe, existera-t-elle contre la présence des athlètes aux Jeux olympiques? C'est un autre débat. Quant à un impact du boycott de l'Ukraine, je n'y crois pas.