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Chronique

Une hockeyeuse qui touche 150 000 $, ça ne change pas le monde, sauf que…

Daryl Watts dans l'uniforme du Six de Toronto.

Daryl Watts sera la joueuse la mieux rémunérée dans la PHF cette année.

Photo : Photo offerte par Toronto Six

En dévoilant son salaire cette semaine, Daryl Watts a peut-être changé à jamais la trajectoire du hockey professionnel féminin.

Dans une conférence prononcée au début des années 1970, le météorologue Edward Lorenz avait piqué la curiosité de la communauté scientifique en soulevant l’hypothèse que le battement d’ailes d’un papillon au Brésil puisse provoquer une tornade au Texas. Cette théorie a plus tard été connue sous le nom d'effet papillon.

Or, au début de la semaine, la nouvelle attaquante du Six de Toronto a peut-être fait le petit geste qui engendrera la tornade dont le hockey féminin avait tant besoin pour prendre son envol.

Elle a tout bonnement révélé qu’elle touchera un salaire de 150 000 $ US (200 000 $ CA) la saison prochaine. Cela en fera la mieux payée de l’histoire du hockey professionnel féminin.

Le Six est l’une des sept équipes canadiennes et américaines de la Premier Hockey Federation (PHF). Depuis cette saison, Montréal est représentée par une nouvelle équipe, la Force.

La Canadienne de 23 ans est une véritable dynamo offensive comme en témoignent les 136 buts et 161 passes qu'elle a amassés en 172 matchs, dans la NCAA, avec Boston College et l’Université du Wisconsin. En comparaison, sa moyenne de points par match était légèrement supérieure aux 81 buts et 100 passes de Marie-Philip Poulin durant ses 111 rencontres à l'Univeristé de Boston.

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Envisageant la possibilité d’abandonner le hockey après ses études, Watts a raconté qu’elle avait changé d’idée en constatant que la PHF avait annoncé, en décembre dernier, que le plafond salarial de ses équipes allait passer de 750 000 $ à 1 500 000 $ à compter de la saison 2023-2024. Cette amélioration majeure des conditions de travail lui a fait réaliser qu’il lui serait désormais possible de toucher un salaire décent pour pratiquer son sport.

D’ailleurs, cette hausse du plafond salarial positionne avantageusement la PHF dans le contexte du sport professionnel féminin nord-américain. À titre d’exemple, la NWSL au soccer a établi son plafond salarial à 1,375 million pour la saison 2023. Pour sa part, la WNBA a fixé son plafond salarial à 1,42 million pour la prochaine saison.

Watts a expliqué qu’elle n’avait pas dévoilé son salaire par vanité, mais plutôt pour faire réaliser aux jeunes filles qui pratiquent le hockey qu’il existe une voie réelle vers la professionnalisation et qu’il est désormais permis de rêver.

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Cette annonce expose par le fait même la situation ridicule, ou devrait-on dire la navrante guerre de clocher, dans laquelle le hockey féminin s’enfonce depuis plusieurs années.

En 2019, la Ligue canadienne de hockey féminin (CWHL) a mis fin à ses opérations en raison de difficultés financières. Cette ligue sans but lucratif était essentiellement financée par des mécènes et les salaires qui y étaient versés variaient entre 2000 et 10 000 $, alors que le plafond salarial des équipes était fixé à 100 000 $.

La disparition de la CWHL a fait en sorte que la Ligue nationale de hockey féminin (NWHL) était la seule ligue professionnelle féminine à subsister. La NWHL, qui offrait à l’époque des conditions aussi peu avantageuses que la CWHL, a par la suite changé de nom et est devenue la PHF.

La défunte CWHL comptait sur un fort contingent de joueuses des équipes nationales canadienne et américaine. Et quand le circuit canadien a fermé ses portes en 2019, les joueuses de la CWHL ont refusé de se joindre à la NWHL.

Elles ont plutôt formé l’Association des hockeyeuses professionnelles (PWHPA) en exigeant que soit mise sur pied une véritable ligue professionnelle qui leur permettrait de se consacrer à leur sport à temps complet tout en profitant d’un encadrement optimal.

Le rêve de l’époque consistait à voir la LNH lancer et financer une ligue féminine semblable à la WNBA. Cependant, la LNH a toujours refusé de s’impliquer dans un projet qui aurait pour effet de mettre en faillite la PHF.

Depuis quatre ans, donc, les joueuses de la PWHPA participent à des tournées et disputent des matchs en Amérique du Nord. Ces tournées sont grassement financées par des commanditaires, mais elles ne créent pas de base solide pour le hockey féminin. Et depuis ce temps, la PWHPA continue de refuser tout rapprochement avec la PHF. Et cela, même si la PHF fait des bonds de géant et même si cette union des forces servirait les intérêts supérieurs du hockey féminin.

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Mardi dernier au Centre Bell, Gary Bettman a rappelé qu’il avait tenté à plusieurs reprises de réconcilier les deux parties, mais qu’il n’y était pas parvenu.

Si on veut que le hockey féminin connaisse du succès, il faut bénéficier du meilleur effort de chacun. Parce que lancer une ligue n’est pas facile, a-t-il plaidé.

Au milieu de cet invraisemblable dialogue de sourds, Daryl Watts arrive et agite doucement son contrat en disant : Hé, les filles, la ligue dont vous rêviez il y a quatre ans est en train de prendre forme. J’ai un contrat de 150 000 $ pour le prouver.

Qui sait, cette intervention sera peut-être un jour considérée comme un moment tournant. Car depuis quelques jours, il y a sans doute beaucoup de hockeyeuses de haut niveau qui se demandent combien elles pourraient toucher en jouant dans la PHF la saison prochaine.

Pendant que cela est encore possible, les leaders de la PWHPA devraient donc sérieusement songer à signer un accord de paix dans l’honneur et l’enthousiasme, parce que si la PHF continue de progresser à ce rythme, les joueuses de la PWHPA, une par une, finiront probablement par changer de camp de toute façon.

Un bandeau annonçant le balado de Radio-Canada Sports : Tellement hockey

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