Les joueuses dans l’ombre du scandale de Hockey Canada

Les Canadiennes ont remporté la médaille d'or contre les Américaines au hockey lors des Jeux olympiques de Pékin.
Photo : Getty Images / Tasos Katopodis
Si vous écrivez les mots « Hockey Canada » dans votre moteur de recherche préféré, il y a peu de chance que vous tombiez sur un article qui traite de la victoire de l’équipe canadienne féminine au dernier championnat mondial disputé en septembre.
Ou encore sur un texte portant sur la médaille d’or olympique ou même sur le titre mondial remporté en août 2021, à Calgary.
L’addition de ces trois conquêtes nous donne pourtant un résultat fort impressionnant de trois médailles d’or en 13 mois. Après des années de domination des Américaines et deux années au cours desquelles le hockey féminin a été mis à rude épreuve en raison de la pandémie, notamment, il y avait de quoi faire jaser.
Et pourtant, on parle bien peu de Marie-Philip Poulin et de ses coéquipières autour de la machine à café.
On a eu une très belle année au hockey féminin et malheureusement, ç’a été dans l’ombre de tout ce qui s’est passé, confie Poulin à Radio-Canada Sports. Quand on a un gala censé célébrer l’année qu’on a eue et qu’on ne parle que du scandale, c’est très décevant.
Les hauts dirigeants de Hockey Canada se sont effacés de la place publique depuis le mois de juin, quand le règlement à l’amiable, avec la victime d’un viol collectif qui aurait été commis par huit joueurs juniors, a été révélé.
Les membres de la direction n’ont depuis répondu à aucune question des médias. Mis à part leurs comparutions, laborieuses, devant le Comité permanent du patrimoine canadien à Ottawa, on ne les a presque pas revus en public.
Or, Scott Smith, le président et chef de la direction qui a quitté Hockey Canada mardi, est celui qui a remis les médailles d’or aux Canadiennes après leur finale au Danemark au mois de septembre, quand plusieurs réclamaient sa démission depuis des mois.
Quand on demande à Marie-Philip Poulin comment elle a réagi en recevant sa médaille d’un dirigeant contesté, elle se mord les lèvres avant de répondre.
Sur le coup, tu ne sais pas trop comment réagir. Après, avec un peu de recul, on se regardait et on se demandait ce qui s’était passé, confie-t-elle. On ne sait pas ce qui se passe derrière les portes, comment ça se déroule à la fédération internationale pour déterminer qui donne les médailles, mais sur le coup, avec tout ce qui se passe, disons que sa présence suscitait beaucoup de questions.
Disons que j’ai préféré recevoir ma médaille des mains de Marie-Philip aux Jeux olympiques et c’est une tradition qu’on devrait peut-être garder, renchérit Ann-Renée Desbiens. En même temps, Scott Smith a fait de bonnes choses dans le passé pour Hockey Canada, mais c’est certain que la gestion de la crise n’a pas été idéale de la part de bien du monde. Ce n’était pas l’idéal qu’il soit là, mais c’est un humain aussi qui a eu beaucoup de mauvaises journées au cours des derniers mois.
La lumière au bout du tunnel
Le départ de Scott Smith, ainsi que celui de l’ensemble des membres du conseil d’administration, a été salué par la classe politique. Les changements annoncés représentent une bouffée d’air frais pour les joueuses.
On a vécu des mois difficiles et c’est la même chose pour bien des employés de Hockey Canada, affirme l’attaquante Laura Stacey. On a vécu des jours sombres, mais on voit la lumière au bout du tunnel et on espère qu’il y aura des changements profonds. On veut tous continuer d’avancer et être meilleurs.
Les joueuses s’entendent néanmoins pour dire qu’il ne s’agit que d’un début.
Ça va prendre beaucoup plus de diversité au conseil d’administration et dans la haute direction, insiste Marie-Philip Poulin. Ça prend de nouvelles idées, c’est vraiment important pour que la culture du hockey change. On va faire un pas vers l’avant avec le nouveau CA. On espère que les bonnes personnes seront nommées et élues.
Ça fait longtemps que le changement devait être apporté avec Smith, mais ce n’est pas une raison de célébrer, affirme Ann-Renée Desbiens. Il y a encore beaucoup de travail à faire. Ce sont des changements qui prennent du temps et j’ai hâte de voir le processus. J’aimerais que ça prenne moins de temps, mais il faut faire preuve de patience.
Les filles espèrent que les valeurs véhiculées par les joueuses de l’équipe nationale féminine seront au cœur des changements apportés. Elles ont confiance en Gina Kingsbury, la directrice des opérations hockey de l’équipe féminine.
On va continuer de jouer notre hockey et de véhiculer les valeurs du hockey féminin pour influencer les autres, explique Laura Stacey. On doit tous et toutes travailler ensemble. Un pas à la fois.
Ann-Renée Desbiens espère que la crise mènera Hockey Canada à une meilleure gouvernance, mais, aussi, que de la base au sommet de la pyramide du hockey, les jeunes joueurs et joueuses seront mieux éduqués.
Il faut qu’on soit collectivement meilleurs. Ce sont des situations qui ne devraient jamais arriver, que ce soit au travail, dans le sport ou à l’école.