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Chronique

Hockey Canada et le viol collectif banalisé

Le logo de Hockey Canada sur une veste rouge

Hockey Canada aurait couvert des allégations d'agressions sexuelles concernant des membres d'Équipe Canada junior 2018, selon TSN.

Photo : Radio-Canada / Martin Weaver

Au cours des 24 dernières heures, les Canadiens ont appris avec stupéfaction que les dirigeants de Hockey Canada, la plus prestigieuse fédération sportive au pays, trouvent tout à fait approprié de couvrir de graves allégations d’agressions sexuelles impliquant huit de leurs athlètes.

Le confrère Rick Westhead, de TSN, a révélé jeudi qu'Hockey Canada vient de régler à l’amiable une affaire d’agressions sexuelles qui auraient été commises contre une jeune femme par un groupe de huit hockeyeurs d’âge junior, dont plusieurs membres de l’édition 2018 d’Équipe Canada junior.

La jeune femme, identifiée par les initiales E.M., aurait été agressée à répétition dans une chambre d’hôtel de London, en Ontario, en juin 2018, après la tenue d’un gala de la Fondation de Hockey Canada et la présentation d’un tournoi de golf. Les membres d’Équipe Canada junior avaient été honorés à cette occasion parce qu’ils avaient remporté l’or au Championnat du monde six mois auparavant.

Dans une poursuite intentée contre Hockey Canada, la Ligue canadienne de hockey (regroupant les trois circuits juniors majeurs) et les huit agresseurs présumés, la jeune femme réclamait des dommages totalisant 3,55 millions de dollars. Les présumés agresseurs n’étaient pas nommés dans les documents consultés par TSN.

La présumée victime alléguait avoir rencontré un hockeyeur dans un bar, après le gala de Hockey Canada, alors qu’elle s’y trouvait avec des amis.

Après une soirée bien arrosée, elle aurait quitté le bar avec ledit hockeyeur pour se rendre à son hôtel. C’est à cet endroit que le hockeyeur et la jeune plaignante, alors âgée de 20 ans, auraient eu un rapport sexuel. Par la suite, il aurait fait entrer sept autres coéquipiers dans sa chambre et la jeune femme aurait été agressée à répétition par les membres du groupe. Toujours selon la version de la plaignante, cette dernière aurait été retenue de force même si elle pleurait et qu’elle tentait de sortir.


L’avocat de la jeune femme, Robert Talach, confirme que sa cliente a conclu une entente à l'amiable qui la satisfait. Hockey Canada confirme aussi avoir scellé l’affaire privément.

Une porte-parole de Hockey Canada, Esther Madziya, a fait valoir par écrit que la fédération avait contacté la police de London dès que ses dirigeants avaient été mis au fait de ces graves allégations en 2018. Mme Madziya a ajouté que la fédération nationale avait aussi embauché une firme d’avocats pour enquêter sur cette affaire et pour formuler des recommandations pour prévenir que de telles situations surviennent à l’avenir.

Mme Madziya a aussi fait valoir au journaliste de TSN que la personne à l’origine de ces allégations a décidé de ne pas rencontrer la police ou l’enquêteur indépendant de Hockey Canada. Elle a aussi choisi de ne pas identifier les joueurs impliqués. C’était son droit et nous respectons sa volonté. Nous avons réglé cette affaire et, comme convenu dans ce règlement, nous ne commenterons pas davantage.

L’esquive est classique : C’est affreux, nous le savons. Malheureusement, l’affaire est réglée et nous nous sommes engagés à ne pas la commenter. Et puis pouf! Comme par magie, un présumé viol collectif perpétré par huit espoirs prometteurs du hockey canadien serait censé glisser sous le tapis sans que personne n’en parle ou ne pose de questions!


En 2018, Équipe Canada junior était composée de joueurs qui sont presque tous établis dans la LNH aujourd'hui.

La LNH, qui dit avoir adopté une politique de tolérance zéro en rapport avec les comportements abusifs, a publié jeudi un communiqué dans lequel elle disait avoir pris connaissance des actes odieux et répréhensibles que la victime reproche à huit anciens joueurs d’Équipe Canada junior.

La ligue a fait savoir qu’elle tentera d’établir les faits et dans quelle mesure des joueurs évoluant dans la LNH pourraient être en cause. Nous déterminerons ensuite quelles mesures, s’il doit y en avoir, seront appropriées, précisait le communiqué.


Contrairement à ce qu’ils pensent, les dirigeants de Hockey Canada doivent maintenant répondre à de très sérieuses questions.

Certains se souviendront peut-être qu’il y a moins d’un an, les Québécois, les Canadiens et la communauté du hockey étaient furieux parce que le Canadien de Montréal avait sélectionné Logan Mailloux au repêchage.

La majorité de la population, y compris les premiers ministres du Canada et du Québec, estimait que la direction du Tricolore avait manqué de jugement en choisissant un jeune homme qui avait photographié sa copine pendant un acte sexuel, pour ensuite partager la photographie avec ses coéquipiers en Suède.

Des commanditaires du CH songeaient à rompre leurs liens avec l’organisation. Geoff Molson avait dû faire des excuses publiques. Mailloux, qui avait déjà eu recours à une aide professionnelle, a été suspendu de la Ligue de l’Ontario pour une moitié de la saison. Il est suivi à la trace depuis ce temps pour s’assurer qu’il a bel et bien expié sa faute.

Loin de moi l’idée de minimiser les actions de Mailloux. Mais dans le cas du règlement entériné par Hockey Canada, on est complètement ailleurs. On parle, ni plus ni moins, du camouflage d’un présumé viol collectif sans que les auteurs identifiés par la victime aient à répondre de quoi que ce soit!


Même si ça ne figure probablement pas à son calendrier, le nouveau PDG de Hockey Canada (il est en poste depuis un mois), Scott Smith, doit absolument se présenter au micro et répondre à quelques questions qui tuent. Comme celle-ci par exemple : en quoi Hockey Canada s’estime-t-elle tenue de régler une affaire d’agression sexuelle qui ne la regarde pas?

Si des membres de n’importe quelle association ou compagnie participent à un congrès et décident, le soir venu, de sortir dans un bar et de commettre un crime, cela n’engage aucunement la responsabilité de l'association ou de la compagnie. Pour la simple et bonne raison qu’il n’y a aucun lien de causalité entre les deux. De la même manière, Hockey Canada n’est pas responsable du comportement des hockeyeurs qui ont endossé l’uniforme de l’équipe nationale six mois auparavant et qui décident de sortir dans un bar après un banquet.

Il n’est donc pas nécessaire de déclencher une grande enquête pour comprendre que Hockey Canada s’est impliquée dans cette histoire pour protéger son image et celle de son programme.


Scott Smith pourrait aussi expliquer en quoi Hockey Canada estime moralement acceptable de couvrir les auteurs présumés d’un crime aussi affreux.

Il y a trois ans, quand le capitaine Maxime Comtois avait été victime d’intimidation et de commentaires haineux sur les réseaux sociaux après avoir raté un tir de barrage au mondial junior, Hockey Canada avait participé au lancement d’une campagne nationale contre la cyberintimidation. Rien de moins.

Toutefois, quand une jeune femme prétend avoir été agressée sexuellement par huit joueurs d’Équipe Canada junior, on achète son silence, on enfouit l’affaire au fond d’un placard, on barre la porte et on jette la clé.

N’y avait-il pas d’autres options, Monsieur Smith? Ces actions sont-elles cohérentes par rapport aux valeurs que Hockey Canada affirme préconiser? Il serait intéressant de savoir ce qu’en pensent les femmes qui sont membres de Hockey Canada et qui défendent les mêmes couleurs que les présumés agresseurs.

Enfin, il serait bon de savoir à quel endroit Hockey Canada trouvera les fonds nécessaires pour dédommager la présumée victime. Car régler une poursuite de 3,55 millions de dollars coûtera certainement plus que des prières et une bonne poignée de main.

Hockey Canada pigera-t-elle dans les cotisations annuelles que lui font parvenir les petits hockeyeurs canadiens? Ou plutôt dans les subventions qu’elle reçoit du gouvernement fédéral, donc des contribuables? Ou encore, la fédération nationale aura-t-elle recours aux généreuses commandites qu’elle reçoit de ses partenaires privilégiés comme Tim Hortons, Telus ou Esso?

Cette affaire ahurissante montre une fois de plus que la culture du hockey junior est sérieusement malade au Canada. Jusqu’aux plus hauts échelons.

C’est d’ailleurs ce que les crédibles auteurs d’un rapport commandé par la LCH avaient conclu il y a un an et demi.

Cet important rapport, comme on l’a appris récemment, avait rapidement été caché pour éviter que le bon peuple en prenne connaissance.

Plus ça change, plus c’est pareil.

Un bandeau annonçant le balado de Radio-Canada Sports : Tellement hockey

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