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« Les infiltrations autorisées au tennis, c’est du dopage sportif! »

Il effectue un service sur terre battue.

Silhouette d'un joueur de tennis

Photo : Getty Images / Marcelo Endelli

Les infiltrations sont devenues avec le temps une réalité et une habitude dans le tennis mondial. Radio-Canada Sport s’est entretenu avec l’expert international en matière de dopage sportif Jean-Pierre De Mondenard, pourfendeur de cette pratique qu’il assimile au dopage.

La première règle du serment d’Hippocrate est "Primum non nocere", ce qui veut dire ne pas nuire, et pourtant, cette règle fondamentale de médecine est régulièrement bafouée, surtout dans le tennis, a répondu le médecin du sport, joint chez lui en France.

Dans le tennis, on parle ouvertement d’infiltrations. Il a deux types de traitement qui sont réalisés. L’injection d’anesthésiant pour endormir le mal et l’injection de cortisone pour réduire l’inflammation. Dans certains cas, on fait même des injections en mélangeant les deux, ce qui n’a rien à voir avec l’éthique. Car la règle que l’on doit normalement suivre, c’est soigner et guérir. Dans le cas des infiltrations, on aggrave la blessure. Ce qui est un non-sens!

Jean-Pierre De Mondenard est révolté par cette situation en tant que médecin du sport, mais aussi en tant que défenseur et protecteur d’une éthique sportive. Il n’hésite pas à dénoncer ces infiltrations, qu’il qualifie de dopage sportif.

Les infiltrations dans le tennis sont apparues dans les années 70, raconte-t-il. On peut prendre l’exemple de Björn Borg. Lors du tournoi de Wimbledon, il s’était fait une blessure aux abdominaux lors d’un service. Eh bien, durant tout le tournoi, qu’il va d’ailleurs remporter, on lui faisait des injections quotidiennes. Ce qui a eu des répercussions dramatiques par la suite.

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Plusieurs personnes de dos, les mains en l'air, célèbrent un jeu de football à la télévision.

Comme pour Stan Wawrinka qui durant deux ans a subi des infiltrations. On a dû l’opérer une première fois, mais l’opération a échoué, car la partie de son corps blessée avait subi trop d’anesthésiants dans le passé. Son calvaire a quand même duré trois longues années. Il ne faut pas oublier Rafael Nadal, qui a dû arrêter à plusieurs reprises sa carrière à cause des blessures et, surtout, comment il les avait endormies et non véritablement soignées.

L'épicondylite, ou le tennis elbow, qui sont des inflammations du coude très fréquentes au tennis, sont souvent soignées à coups de corticoïdes, mais les injections à répétition exposent à des infections. et surtout à la rupture des tendons. La médecine a bon dos quand il s’agit de justifier ces infiltrations, mais c’est du dopage sportif!

Une citation de Jean-Pierre De Mondenard, expert en matière de dopage

Le corps crie et on lui dit "ferme-la"

Il y a plusieurs responsables pour cette pratique répandue au tennis, selon l’expert international en dopage sportif, tout d’abord la Fédération internationale de tennis et l’Agence mondiale antidopage. La première tolère l’usage des infiltrations et l’AMA a retiré de sa liste des produits interdits les anesthésiques depuis 2005, dit-il.

Il ne faut pas oublier l’entourage du joueur, ajoute-t-il. Tous ces gens sont payés en fonction du résultat. Alors qu’importe s’il faut exposer le corps à se blesser un peu plus.

Le docteur français pense que le tennis, mais aussi d’autres sports dans lesquels on continue à pratiquer des injections comme le soccer, le basketball ou le rugby, devraient suivre l’exemple de l’Union cycliste internationale, qui a statué sur les infiltrations depuis juin 2011.

L’UCI a réglementé toute injection de glucocorticoïdes. L’administration de corticoïdes par voie générale, sous forme d’injection, est interdite, relève-t-il. Afin de respecter l’éthique médicale, elle impose au coureur une période d’arrêt obligatoire de 48 heures. Alors, quand il y a des courses à étape, il doit se retirer pour se soigner complètement. Le Mouvement pour un cyclisme crédible (MPCC) impose, lui, un arrêt de huit jours à ses coureurs.

Jean-Pierre De Mondenard s’inquiète pour l’avenir des jeunes qui arrivent dans le circuit professionnel.

Les calendriers sont de plus en plus fous. Les corps n’arrivent plus à suivre. On endort le mal, mais la blessure, elle, est toujours présente. Le corps crie et on lui dit "ferme-là!"

Une citation de Jean-Pierre De Mondenard

C’est quand même incroyable que l’on autorise les athlètes à se piquer juste pour retourner au jeu. C’est contraire à toute éthique! Le jeune Espagnol Carlos Alcaraz devrait savoir que l’anesthésiant endort les capteurs, mais en continuant à jouer, ce sont aussi d’autres membres qu’il va blesser et aggraver, jusqu’à l’irrémédiable.

Il n’a jamais caché avoir subi des infiltrations lors du tournoi de Madrid. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a sans doute fait l’impasse sur celui de Rome. Mais ce n’est pas en s’imposant des injections à répétition qu’il va soigner son corps.

Le joueur de tennis serre les poings et crie après avoir gagné un point.

Carlos Alcaraz a admis avoir eu recours à des infiltrations au tournoi de Madrid.

Photo : Associated Press / Manu Fernandez

Je me souviens de ces duels épiques entre le cycliste français Cyrille Guimard et le Belge Eddy Merckx, ajoute Jean-Pierre De Mondenard. Pour soutenir le rythme infernal imposé par le Belge, Cyrille recevait des infiltrations quotidiennes. À deux jours de l’arrivée, il tenait à peine sur ses jambes, il fallait l’aider à tenir sur son vélo! Il a dit à la fin de sa carrière que c’était la pire des choses qu’il avait faites, car il avait hypothéqué des parties de son corps pour le reste de sa vie. Le jeune Alcaraz devrait y penser à deux fois.

Jean-Pierre de Mondenard en appelle au bon sens et, surtout, au respect de l’éthique.

Quand on utilise des infiltrations, on expose le corps à se blesser davantage. Ce n’est pas de la médecine, ça! Je le répète, on transgresse le serment d’Hippocrate, mais au nom de quoi, la victoire? Quelle victoire? conclut-il.

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