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Qu’est-ce qui pousse un spectateur à l’agressivité envers un arbitre?

Photo d'un pied posé sur un ballon de soccer sur la pelouse.

Un spectateur s'en est pris physiquement à un arbitre mineur, le week-end dernier, à Dollard-des-Ormeaux.

Photo : getty images/eyeem / Pichsakul Promrungsee / EyeEm

Les spectateurs dans les gradins des événements sportifs amateurs sont souvent des parents, des grands-parents, des membres de la famille ou des amis des jeunes joueurs en action sur le terrain.

Radio-Canada Sports s’est entretenu avec le Dr Nicolas Chevrier, psychologue, pour tenter de comprendre ce qui peut pousser certains à avoir des comportements agressifs, voire irrationnels, et comment des situations comme celle du week-end dernier entre un arbitre-assistant mineur et un spectateur pendant un match de soccer à Dollard-des-Ormeaux pourraient être évitées.


Q. Qu’est-ce qui pourrait expliquer qu’un match de soccer entre des enfants mineurs puisse provoquer des débordements du genre?

R. D’abord, il y a la question de l’investissement émotionnel qu’on peut avoir en général dans le sport. On le voit avec le hooliganisme en Europe. On le voit jusqu’à un certain point ici avec le Canadien de Montréal. Il y a un certain investissement émotionnel qui n’est pas toujours négatif, qui peut nous faire vivre des émotions agréables.

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Plusieurs personnes de dos, les mains en l'air, célèbrent un jeu de football à la télévision.

On l’a vu l’été dernier, on a vécu de grandes émotions [quand le CH a atteint la finale de la Coupe Stanley]. C’était bien agréable pour tout le monde. Ensuite, on a vécu des émotions moins positives [quand il a perdu en finale], mais jusque-là, ça reste du sport.

On vit des émotions à travers le sport et c’est bien agréable. Ce qu’on a vécu la fin de semaine dernière, c’est quelque chose de différent, d'assez problématique, dont on discute de plus en plus : le comportement des parents par rapport au sport que les enfants pratiquent et le comportement qu’ils vont avoir en tant que spectateur.

Je pense que le premier élément important, c’est de se demander : comment perçoit-on le sport dans la vie de notre enfant? Est-ce qu’on perçoit ça comme quelque chose de positif, quelque chose qui va amener au développement de certaines compétences à notre enfant comme apprendre à gérer l’échec, collaborer avec nos coéquipiers, apprendre à donner de l’effort?

Toutes ces compétences qu'on développe dans le sport sont, selon moi, l'essentiel de l'activité. Mais, malheureusement, certaines personnes voient ça dans un esprit plus compétitif, de performance.

Il y a aussi tout un courant dans notre société qui valorise la performance et qui influence la vision de certains parents. Plutôt que de voir des enfants qui s'amusent, on est plus dans le « mon enfant contre ton enfant », « mon équipe contre ton équipe ». L'aspect compétitif devient très important.

Souvent, les psychologues vont dire que l'enfant est l'extension narcissique de la personne. On veut la protéger. Lorsque l'extension est menacée, on peut sentir une charge émotionnelle très importante et on peut voir des comportements comme ceux-là.


Q. Est-ce que ça peut mener jusqu’à des comportements irrationnels?

R. Clairement. Dans des moments comme ceux-là, la colère peut prendre le dessus. On garde toujours en tête que la colère, c'est une émotion qui nous donne l'illusion de reprendre le contrôle sur une situation.

Lorsqu'on a l'impression de perdre le contrôle sur une situation, il y a plein de moyens qu'on peut prendre pour le reprendre. La colère, c'est comme le dernier recours. Quand on a l'impression qu'on ne peut rien faire d'autre, c'est la colère qui va nous donner l'illusion de reprendre le contrôle. Jusqu'à un certain point, il y a des moments où c'est adapté.

Dans cette situation-là, ce n'est clairement pas adapté. Dans une situation comme ça, le spectateur a ressenti un sentiment de colère. Souvent, c'est associé à la perception que la situation nous a blessés ou qu'un mal nous a été fait. On peut percevoir une certaine intentionnalité, puis un sentiment d’injustice.

On a l'impression que la situation aurait dû être différente. C'est souvent le cas avec l'arbitrage parce que ce n'est pas une science exacte. On a des règles et on les interprète au meilleur des différents paramètres qu'on a : ce qu'on voit, ce qui se passe devant nous, notre expérience comme arbitre. C'est loin d'être une science exacte. À partir de là, des injustices dans l'arbitrage, il y en a plein dans le sport et il y en a même dans le sport professionnel, donc il faut s'y attendre.

Si on perçoit qu'il y avait un mal du côté de l'enfant, une certaine intentionnalité et une situation injuste, ce sont trois éléments qui dans notre perception peuvent faire monter la colère assez rapidement.


Q. Pourquoi parle-t-on ici d’un manque de contrôle?

R. Je suis déjà allé dans des arénas et sur des terrains de baseball. Les gens réagissent face à ce qui se passe sur le terrain.

Ils ont peu de contrôle face à ce qui se passe sur le terrain. Quand on est assis dans les estrades, la seule chose qu'on peut faire, c'est de crier ou de se plaindre un peu à son voisin. Un élément important à remettre en contexte, c'est que dans ce cas-ci, on parle des arbitres, et c'est extrêmement important de le faire, mais ça ne s'arrête pas aux arbitres.

On a tous vu des gens qui crient après leur propre enfant à partir des estrades. On s'entend que c'est vraiment néfaste pour l'enfant. Mais ça démontre que le parent est dans un mode où il veut contrôler, il ne sait pas comment contrôler et il a l'impression qu'en parlant fort et en criant, ça va lui donner un certain contrôle.


Q. Comment des comportements comme ceux-là peuvent-ils être évités?

R. Il y a probablement un volet qui s'adresse aux ligues. Je pense que les ligues trouvent ça extrêmement problématique elles-mêmes. Psychologiquement, quand on veut neutraliser des comportements qui sont problématiques, l'une des stratégies qu'on utilise est d'humaniser les gens.

On le fait dans le cadre du racisme, par exemple, quand il y a de l'intolérance. On le fait aussi dans le cas de la rage au volant. Ce n'est pas la même conception qu'on peut avoir si on pense à l'auto en face de nous qui nous coupe le chemin, que si on sait que c'est un père avec ses trois enfants.

Passer par l'humanisation, entre autres de l'arbitrage, pourrait être une bonne stratégie. Je ne sais pas comment on pourrait le faire. Peut-être que l’idée pourrait être de présenter les arbitres au début d’un match, comme on le fait avec les équipes : donner leur prénom, leur âge.

Admettons qu’on sait que l’arbitre assistant s’appelle Raphaël, 14 ans, et que c’est son septième match aujourd’hui. Déjà, d’aller engueuler Raphaël, 14 ans, ce n’est pas la même chose que d’engueuler l’arbitre.

Humaniser les gens, souvent, psychologiquement, ça va amener une perspective qui est différente, un impact de foule aussi. Quand un parent va perdre le contrôle et se lever, peut-être que d’autres parents vont dire : Attends là, il a 14 ans. Reste assis. Ça, déjà, ça pourrait aider à rappeler que ce ne sont pas que des arbitres, ce sont également de jeunes humains.

C'est sûr que, comme parents, quand on sait qu'on est à risque de comportements comme ceux-là, c'est aussi important de reconnaître les signes avant-coureurs.

La colère est comme un thermomètre. Lentement, le thermomètre va monter. Quand on arrive à 6/10, il faut savoir bien noter nos pensées. Identifier à quel moment il serait temps d’aller prendre une marche pour décompresser.

Notre enfant n'a pas besoin de nous quand il joue. En se retirant, on se protège nous-mêmes et on protège notre entourage.

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