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Guerre en Ukraine : quand le sport devient politique

Ils flottent au vent.

Le drapeau des Jeux olympiques et celui de la Russie

Photo : Reuters / Mark Blinch

Depuis l’invasion de l’Ukraine, les sanctions diplomatiques et économiques s’abattent sur la Russie, et le sport n’est pas en reste. À part quelques exceptions, jamais dans l’histoire n’a-t-on pu voir une telle mobilisation du monde du sport dans un conflit politique. Radio-Canada Sports s’est entretenu avec Carole Gomez, directrice de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste de l’incidence du sport dans les relations internationales.

Il ne faut pas oublier que, par le passé, des sanctions sportives ont été déjà imposées. On peut penser à la politique d’apartheid en l’Afrique du Sud ou à la guerre en Yougoslavie, déclare la chercheuse.

Mais là, ce qui me paraît important, c’est tout d’abord la rapidité avec laquelle tout s’est déclenché, un peu comme la théorie des dominos : il y a en a un qui commence à tomber, et tous les autres suivent, poursuit-elle.

Selon Carole Gomez, on assiste à un véritable virage dans le monde du sport, à un réel changement de paradigme, car pour la première fois, on remet en question la neutralité politique des organisations sportives.

Je ne peux pas me prononcer sur le long terme, car on l’a vu : ce qui était encore inimaginable hier est en train de se produire, mais en revanche, là, nous sommes arrivés à un point de rupture avec quelque chose qui était complètement inattendu, soutient-elle. Cette fois, c’était une décision collégiale; ce n’était pas une institution qui a pris cette décision. Il faudra voir maintenant si c’est quelque chose qui va se reproduire. Il y a un dicton en France qui dit "une fois n’est pas coutume".

Guerre en Ukraine

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Un véhicule blindé est en feu, un corps gît dans la rue.

Si, effectivement, ce phénomène perdure, les choses pourraient radicalement changer, ajoute Mme Gomez. Il faut également penser qu’un nouveau chapitre, cette fois juridique, risque de s’ouvrir avec les recours possibles de la Russie devant les différents tribunaux.

La spécialiste de l’IRIS croit que contrairement au boycottage diplomatique que certains pays, dont le Canada, ont exercé à l'endroit Jeux olympiques de Pékin pour protester contre la politique de la Chine en matière de droits de la personne, cette fois-ci, c’est un réel rapport de force qui s’est érigé contre une nation.

Pour les Jeux de Pékin, ce rapport de force ne pouvait pas avoir lieu. Or là, on est dans un autre rapport de force, car à l’exception de certains pays, c’est l’ensemble des forces sportives qui ont dénoncé l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe et qui ont demandé de réelles sanctions de bannissement.

Depuis le début du conflit, de nombreux athlètes russes ont rejoint le concert des nations et ont osé prendre publiquement la parole pour dénoncer la guerre, ce qui est vraiment inhabituel.

La Russie a toujours utilisé le sport pour montrer la suprématie de son idéologie et également pour se donner une certaine légitimité internationale. On peut maintenant se demander, si à long terme, cette mobilisation sportive mondiale qui a mis la Russie au ban déstabilisera Vladimir Poutine.

C’est un caillou dans sa chaussure. Ce n’est clairement pas sa priorité du moment, avec toutes les sanctions qui s’abattent sur son pays, mais en revanche, c’est un nouveau problème qui vient s’ajouter.

Une citation de Carole Gomez, directrice de recherche à l'IRIS

Le CIO n’est plus le seul à dicter la marche du monde sportif

Il y aura donc un avant et un après dans le monde du sport, estime la chercheuse.

C’est effectivement un point de rupture, dit-elle. Les grandes institutions sportives, et le CIO en tête, ne pourront plus désormais regarder le monde et ses conflits en se réfugiant derrière une certaine neutralité. Déjà, le CIO en a pris conscience en revoyant l’octroi de ses Jeux olympiques. Après les Jeux controversés de Sotchi et, plus récemment, de Pékin, le CIO devait recadrer son image.

L’attribution des Jeux de 2032 en est un bel exemple. Le Qatar les voulait absolument et à n’importe quel prix, mais le CIO ne pouvait plus se permettre de les attribuer à un pays qui, là encore, brime les droits de la personne. Il les a donc attribués à Brisbane, en Australie, en déclenchant l’ire des Qataris.

Aujourd’hui, le CIO n’est plus le seul à dicter la marche du monde sportif, et on peut penser qu’à l’avenir, les organisations sportives pourraient être plus indépendantes dans leurs décisions.

Une citation de Carole Gomez

L’apolitisme dans le sport est donc une position de plus en plus intenable pour les grandes organisations sportives. Cette ligne de crête sur laquelle elles marchaient depuis trop longtemps a fini par les faire basculer. Pour Carole Gomez, le monde du sport a un rôle important à jouer, même s’il ne réglera pas fondamentalement tous les problèmes.

Le sport peut – s’il est bien utilisé et s’il a des objectifs qui sont clairs – permettre de venir non pas résoudre des problèmes politiques, mais permettre cette technique de la main tendue. C’était ce qui s’était passé lors de la diplomatie du ping-pong entre les États-Unis et la Chine. C’est un pas en avant, mais en aucun cas une solution pérenne.

Le sport n’est pas une solution miracle, mais il peut réussir à rétablir des liens qui ont été rompus.

Une citation de Carole Gomez

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