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Le bras de fer entre Novak Djokovic et l’Australie est surtout politique

Il lève le bras et le pouce en guise de célébrations.

Novak Djokovic

Photo : AP / Luca Bruno

Radio-Canada

Un juge a tranché lundi en faveur de Novak Djokovic et a ordonné sa libération du centre de rétention où il se trouvait depuis quelques jours après être entré en Australie sans être vacciné contre la COVID-19. Le no 1 mondial s'est entraîné mardi sur le site des Internationaux d'Australie, à Melbourne, mais sa participation au premier tournoi majeur de 2022 reste en suspens. Le gouvernement australien peut encore annuler son visa.

Cette histoire est d’abord et avant tout politique, rappelle Patrice Brunet, avocat spécialisé en droit du sport et en immigration, qui a bien voulu répondre aux questions de Radio-Canada Sports.


Q - Quelle lecture faites-vous de la décision du juge rendue en Australie?

R. Le juge en Australie semble avoir recadré le débat. Le joueur, Djokovic, bénéficiait d'une exemption pour pouvoir entrer au pays. On a appris qu'il avait contracté la COVID dans les six derniers mois, ce qui constitue un critère acceptable.

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Plusieurs personnes de dos, les mains en l'air, célèbrent un jeu de football à la télévision.

Il a infirmé la décision de le mettre en détention et de l'expulser, ou de révoquer son visa. Son visa est maintenu.


Q - Vous pensez que la décision a été politique?

R. La décision prise de lui révoquer son visa est une décision entièrement politique. Cette décision a été cassée par le tribunal australien, qui semble avoir reconnu que l'exemption était accordée en bonne et due forme.

Un citoyen ou un visiteur a le droit d'avoir un certain degré de prévisibilité quand on lui accorde une exemption ou un visa pour pouvoir entrer en Australie. C'est une décision raisonnée et raisonnable qui a été prise.

Cela étant dit, c'est sûr que le gouvernement australien doit quand même prendre en considération l'opinion de la population et c'est là où on est actuellement. Est-ce que le ministre de l'Immigration australien va exercer son pouvoir discrétionnaire?

Parce qu'il y a quand même un fort courant de la population qui s'oppose aux non-vaccinés et aux opposants du vaccin. Mais l'exemption est là. S'il a contracté la COVID dans les six derniers mois, il peut bénéficier de l'exemption.

Sur une base scientifique, ça se défend. Quelqu’un qui a contracté la COVID dans les six derniers mois a une immunité naturelle qui s’apparente à quelqu’un qui est vacciné.

Je ne crois pas qu'il y ait un danger sanitaire pour l'Australie de laisser Djokovic rentrer et même participer au tournoi.


Q - Quand l’avocat du gouvernement australien dit qu’on a encore le pouvoir de l’expulser, le pouvoir appartient au ministre de l’Immigration, c’est ça?

R. Le pouvoir appartient au ministre de l'Immigration. Et on a une disposition semblable au Canada. Le ministre de l'Immigration a une discrétion totale de révoquer ou d'expulser du pays un étranger, quelqu'un qui n'a pas un droit inaliénable de rester au pays.

C'est un droit qui est politique, mais qui doit être exercé pour de bonnes raisons. On peut imaginer quelqu'un qui serait un terroriste qui pourrait rentrer au pays pour des raisons judiciaires, mais que la population soit opposée à ce qu'il rentre au pays. Le ministre pourrait exercer son pouvoir.

Je ne suis pas Australien, je ne suis pas en Australie ni dans un contexte australien. On sait que l'Australie vit la COVID différemment que le Canada : 90 % de la population est doublement vaccinée. Il y a ici un fort ressac ou un fort mouvement de population contre ceux qui s'opposent au principe du vaccin. On est là-dedans.

C'est très possible que le ministre de l'Immigration exerce sa discrétion et ce ne serait pas une décision facile à faire réviser par un tribunal parce qu'encore une fois, en application du principe de séparation des pouvoirs entre le judiciaire et le politique, le judiciaire aurait tendance à respecter l'exercice du pouvoir politique en se disant que le gouvernement sera sanctionné ou non aux prochaines élections.


Q - Donc si le ministre de l’Immigration décide de l’expulser, le juridique n’aura pas de poids face à cette décision?

R. Le juridique aura beaucoup moins de poigne. Là, on a cassé une décision administrative de révoquer le visa en disant que cette décision n'était pas raisonnable. Si le ministre de l'Immigration utilise son pouvoir discrétionnaire, qui lui appartient au sens de la loi, d'expulser Djokovic, ce sera difficile, mais pas impossible, pour le judiciaire de réviser cette décision politique parce qu'elle aura été exercée dans un contexte politique.

Le ministre devra être prudent avant d'exercer cette décision-là par contre. Un pouvoir discrétionnaire qui n'est pas encadré comme ça doit être exercé avec grande précaution parce que la conséquence de la décision du ministre fait que s'il est expulsé, Djokovic ne pourra pas rentrer en Australie pour les trois prochaines années.

En plus, il risque d'avoir des difficultés d'entrer dans d'autres pays parce que, quand on fait des demandes de visa, on doit déclarer si on a été expulsé d'un autre pays. Il devra pour le restant de ses jours déclarer qu'il a été expulsé d'Australie, ce qui pourrait porter préjudice à son entrée et à son admission dans d'autres pays.

Finalement, ça peut également mettre en péril pour l'Australie le pouvoir de tenir des événements sportifs, en tennis et dans autres sports. Ça peut même mettre en péril la possibilité de tenir des Jeux olympiques dans le futur.

Le monde sportif a besoin d'une certaine prévisibilité pour que ses athlètes et officiels puissent entrer dans un pays, et ici, on est dans une situation d'exemption ou il y a révocation d'un visa. Djokovic avait fait son travail, il avait fait ses devoirs pour l'exemption en bonne et due forme. Ici, on a un élément politique qui est entré en ligne de compte qui a eu un impact très important.


Q - Est-ce qu’on pourrait voir ce même genre de bras de fer entre Djokovic et les autorités frontalières d’autres pays comme le Canada ou les États-Unis?

R. C’est sûr. Les autres pays sont en train de regarder comment tout ça se déroule.

Le Canada a une approche différente, mais ce n'est pas exclu que ça puisse se produire au Canada. On a des lois d'immigration qui sont semblables aux lois australiennes en ce qui concerne la COVID et les exemptions.

Je ne pense pas que ça va arriver parce que ça va arriver durant notre été [l’Omnium Banque Nationale est disputé en août, NDLR]. Maintenant, on a une résurgence de cas de COVID, mais à l’été, c’est beaucoup plus calme.

On a nos règles d'exemption qui sont en place, mais on demande la double vaccination pour rentrer au pays au Canada, donc ce n'est pas impossible qu'il y ait des difficultés semblables qui se produisent au Canada aussi.


Q - Il faudrait qu’il soit infecté à nouveau périodiquement pour avoir ses six mois d’exemption et de protection?

R. Au Canada, on n'a pas l'exemption pour une infection dans les six derniers mois. Il y a des exemptions pour des motifs impérieux. On peut laisser entrer quelqu'un qui n'est pas doublement vacciné, mais il n’y a pas l'exemption de preuve d'infection.

Si Djokovic veut entrer au Canada l'été prochain, j'ai bien peur qu'il doive être doublement vacciné, sinon il ne pourra pas participer aux tournois.

(Avec les informations d’Antoine Deshaies)

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