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Abus dans le sport : retour sur les premiers mois de l’Officier des plaintes

Un adolescent tient un ballon dans une main et s'apprête à faire un service.

Des adolescents jouent au volleyball dans un gymnase d'école.

Photo : getty images/istockphoto / monkeybusinessimages

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Depuis le 1er février dernier, les athlètes québécois et leur entourage peuvent avoir recours à l’Officier des plaintes s’ils sont victimes ou témoins d’abus ou de harcèlement. Ce nouvel outil fait tranquillement sa place dans l’univers sportif québécois.

Annoncé en novembre 2020 par la ministre déléguée à l’Éducation et responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, ce mécanisme de signalement est né du besoin de doter le Québec d'une entité complètement neutre pour gérer les plaintes. Auparavant, chaque fédération devait se réguler, avec tous les malaises que cela pouvait engendrer.

En huit mois, entre le 1er février 2021 et le 30 septembre 2021, le mécanisme de signalement a reçu 69 plaintes, dont 36 ont été jugées non-recevables, 9 ont été fermées à la demande ou à la satisfaction du plaignant, 7 décisions ont été rendues et 17 étaient toujours en traitement à la fin du mois d’octobre.

Des chiffres qui réjouissent Lise Charbonneau, directrice gestion des risques et protection de l’intégrité au Réseau loisir et sport du Québec (RLSQ), organisme responsable de l’Officier des plaintes.

Il ne faut pas oublier que l'on était en période de COVID, rappelle la directrice. Donc plein d'activités n'ont pas eu lieu et, malgré tout, les gens ont été interpellés au point où ils ont appuyé sur le bouton "Je porte plainte". Pour moi, 69, c'est une réussite.

Un logo rond, bleu et blanc. Il est écrit au centre Je porte plainte et autour : abus, harcèlement, négligences et violences.

Capture d'écran du bouton « Je porte plainte ».

Photo : RLSQ

Il a beau s’agir d’une ligne de signalement, la majorité des plaintes sont déposées sur le web. Les fédérations sportives ont l’obligation de mettre sur leur site Internet un lien vers l’officier sous la forme d’un logo où il est inscrit Je porte plainte.

Radio-Canada Sports a constaté que la plupart des fédérations se sont conformées, les meilleurs élèves ont placé le lien et le logo bien en vue sur leur page d’accueil, alors que pour d’autres, il faut fouiller un peu, souvent sous l’onglet Sport sécuritaire ou sous Politique de protection de l'intégrité.

La page web de Sport’Aide, partenaire de l’Officier des plaintes, compte aussi un lien vers l’outil de signalement.

Qui porte plainte?

La majorité des plaignants ont plus de 18 ans puisque les parents peuvent porter plainte pour leur enfant (ou toute autre personne qui a été témoin de gestes répréhensibles). Si l’on isole seulement les victimes, elles sont aussi en majorité de jeunes adultes.

Une femme dans un gym avec des gants de boxe. Elle semble se concentrer.

La majorité des présumées victimes est composée d'athlètes de 18 ans et plus.

Photo : Getty Images / SolStock

Pour être admissible, la plainte doit porter sur de l’abus, de la négligence, du harcèlement ou de la violence.

Même s’il doit respecter les principes de justice, le rôle de l’officier n’est pas d’enquêter sur les dossiers qu’il reçoit.

« Le mécanisme s’apparente beaucoup à ce que l’on voit devant un comité de discipline. Le but n’est pas de faire une enquête devant un tribunal. Son rôle est de s’attarder à la recevabilité. »

— Une citation de  Lise Charbonneau, directrice gestion des risques et protection de l’intégrité au Réseau loisir et sport du Québec

Lorsque l’équipe reçoit une plainte, la première étape est d’analyser si elle est admissible ou non. Si c’est le cas, elle peut suivre différents chemins, comme la médiation si la victime présumée l’accepte ou une audience devant le comité d'intégrité, composé de trois personnes totalement indépendantes des fédérations sportives qui rendra par la suite une décision.

En huit mois, l’outil de signalement a reçu deux plaintes de nature sexuelle. Dans ce cas, ou tous les autres où un acte criminel aurait été commis, l’équipe de l’officier a l’obligation d’aviser les policiers et la Direction de la protection de la jeunesse si la victime présumée est mineure.

Vicky Poirier est présidente et directrice générale d’ALIAS Ligne de signalement, l’entreprise derrière l’Officier des plaintes. Elle traite elle-même certains dossiers. Elle décrit le rôle de l’officier comme celui d’un coordonnateur ou d’un accompagnateur qui explique chaque étape au plaignant ou à la victime.

La mission derrière la politique d’intégrité [à l’origine de l’Officier des plaintes, NDLR], c’est de ramener le jeune le plus rapidement possible dans un milieu sain, rappelle Vicky Poirier. Tous les intervenants et les parties prenantes doivent avoir ça à l’esprit. On est là pour attacher les petites boucles entre chaque personne et s’assurer qu’au terme de tout ce processus, lorsque l’on revient au plaignant ou à l’athlète, tout est revenu à la normale et que les actions posées sont adéquates.

C’est aussi l’équipe de l’Officier des plaintes qui doit s’assurer que la décision du comité d’intégrité est bien respectée.

Si une partie impliquée doit envoyer une lettre d’excuses à la victime, c’est à l’officier de s’assurer que la lettre est bien rédigée et transmise à la victime, cite en exemple Lise Charbonneau.

Jusqu’à maintenant, les délais prévus pour le traitement des dossiers sont respectés dans la plupart des cas (s’il y a enquête policière, c’est une autre histoire).

  • Dépôt d’une plainte;
  • 24 heures : le délai pour qu’un agent de l’Officier des plaintes contacte le plaignant pour fixer un rendez-vous téléphonique ou autre;
  • 10 jours : le délai pour juger si une plainte est recevable ou non;
  • 20 jours : le délai dont dispose le comité d’intégrité pour rendre une décision une fois que l’audience a eu lieu.

Un outil de signalement ne fait pas que des heureux. Certains peuvent critiquer la sévérité ou non des sanctions imposées.

En toute lucidité, on ne peut pas écarter que la finalité du processus ne soit peut-être pas celle souhaitée par l’une ou l’autre des parties, admet Vicky Poirier. D’entrée de jeu, l’officier doit bien expliquer le processus et que les types de sanctions seront conséquentes des actes répréhensibles. On ne veut pas que ça génère plus de frustrations.

Ne rien laisser tomber entre deux chaises

Même les plaintes jugées non recevables peuvent faire l’objet d’un suivi. Il peut notamment s’agir de questions administratives.

« Une plainte qui concerne le code de conduite d’un entraîneur par exemple, c’est non recevable en vertu de la politique, mais il y a quand même quelqu’un quelque part qui a pris la peine de communiquer avec nous. Dans ce cas-ci, on va rapidement parler à la fédération, sans briser la confidentialité, pour faire de la sensibilisation. On pourrait dire par exemple : "Pouvez-vous sensibiliser vos clubs dans telle région aux bons comportements attendus des entraîneurs, qu’ils ne sacrent pas en coachant les jeunes?” »

— Une citation de  Vicky Poirier

Dès l’annonce de la création de l’Officier des plaintes, la question des fédérations nationales avait été soulevée. Parce que dans le dédale administratif de l’univers sportif canadien, rien n’est jamais vraiment simple.

Un athlète québécois dont la plainte concerne un centre d’entraînement situé dans une province de l’Ouest et qui relève d’une fédération nationale basée en Ontario, c’est un cas de figure réaliste. Mais le mandat de l'officier se limite au Québec.

La ministre Charest et le PDG du RLSQ, Sylvain Lalonde, avaient assuré en novembre 2020 que l'officier ne laissera pas tomber des athlètes, sans donner plus de détails.

Vicky Poirier et Lise Charbonneau tiennent encore aujourd’hui le même discours, on ne laisse jamais rien tomber entre deux chaises.

Et oui, sur les 69 plaintes reçues, certaines concernaient les fédérations nationales.

Depuis le 1er février, ça m’est arrivé à plusieurs reprises de trouver la bonne personne dans la bonne province et ça peut être après plusieurs appels, explique Vicky Poirier. Ça va même jusqu’à analyser le processus parce que les gens qui s’adressent au Québec savent comment ça fonctionne au Québec. On ne veut pas leur laisser croire que ça fonctionne comme ça au niveau national et donc on va analyser le processus. Et c’est dans un souci de bienveillance qu’on leur explique : "Ce processus, c’est interne, ce n’est pas une personne indépendante qui va faire le traitement, à vous de choisir si vous voulez aller là ou non."

Une joueuse de hockey est assise par terre dans un corridor menant à la glace. Elle semble triste.

L'Officier des plaintes travaille en collaboration avec Sport'Aide.

Photo : Getty Images / RichVintage

Tous les dossiers n’ont pas la même charge émotionnelle. Aussi empathiques qu’affirment être les agents de l’Officier des plaintes, le mécanisme n’offre pas de soutien psychologique. Si la victime présumée, ou même l’intimé, devient trop fragile, il est alors référé à Sport’Aide.

Ça m’est arrivé, ainsi qu’à d’autres membres de mon équipe de dire : "Écoutez, je crois que c’est pertinent de vous mettre en contact avec Sport’Aide", souligne la PDG d’ALIAS Ligne de signalement. On les ajoute sur la ligne et, après ça, je quitte pour reprendre ma partie un peu plus tard. Chaque chose en son temps et quand la personne est trop émotive, on l’amène au bon endroit.

Un jeune outil

Après quelques mois de service, Vicky Poirier affirme que l’officier est en amélioration continue, que les outils, le langage et les communications se développent.

On est jeune, dans le sens que la politique est nouvelle, admet la PDG. Mais déjà, on voit des situations concrètes qui ont eu un impact positif.

« Concernant les actes répréhensibles, c’est clair que l’on aimerait bien mieux être dans la prévention plutôt que dans la réaction, mais tout ce qui se passe actuellement, ça permet de rayonner, de sensibiliser les acteurs aux bonnes pratiques et aux bons comportements attendus. On a beaucoup de positif même si ça fait à peine 8-9 mois. »

— Une citation de  Vicky Poirier

Le modèle québécois semble susciter la curiosité.

On reçoit beaucoup d’appels parce que les fédérations nationales veulent utiliser notre processus, avance la directrice du RLSQ. Elles le trouvent extraordinaire, je reçois beaucoup de commentaires à l’effet qu’il est bien ficelé, bien fait. Beaucoup vont se coller sur notre processus.

Au cours des dernières années, plusieurs acteurs se sont levés pour réclamer un changement de culture au sein de certaines fédérations sportives et certains dénoncent la lenteur du mouvement. L’Officier des plaintes ne va pas tout régler seul.

Il y a quand même un bon bout de chemin qui se fait au niveau des fédérations, affirme Lise Charbonneau. Est-ce que l’on aurait eu le même résultat il y a 10 ans? Peut-être que ça aurait été pire. Je sens qu’il s’est passé des choses quand même dans les fédérations, elles sont sensibilisées. Il y a des messages qui se passent, il ne faut pas l’oublier.

« Mon feeling profond, il faut être patient, mais certaines choses sont mises en place et les gens ne peuvent pas être contre la vertu. Ce que l’on amène avec cette politique-là, c’est une amélioration des façons de faire et ultimement, la victime ne s’en plaint pas du tout. »

— Une citation de  Vicky Poirier

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