10 matchs plus tard, Molson et Bergevin sont à la croisée des chemins

Le directeur général du Canadien de Montréal, Marc Bergevin
Photo : La Presse canadienne / Paul Chiasson
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Il n’aura fallu que 18 jours, et 10 matchs horribles, pour que le Canadien soit virtuellement exclu de la course aux séries éliminatoires de la saison 2021-2022. Maintenant, tous les projecteurs cherchent un homme qu’on a à peine entrevu cet automne : Geoff Molson.
Disons les choses franchement. Le Tricolore ne se remettra pas de son pire début de saison des 80 dernières années.
Dimanche, l’équipe a terminé son périple de quatre matchs dans l’Ouest avec un deuxième revers en 24 heures, cette fois au compte de 4-2 contre les Ducks d’Anaheim.
Les hommes de Dominique Ducharme avaient quitté Montréal avec une très inquiétante fiche de 1-5. Ils sont rentrés la nuit dernière avec un dossier de 2-8-0.
Il s’agit du pire début de saison du CH depuis la saison 1941, et malgré le fait que 8 des 10 premiers matchs de la saison aient été disputés soit contre contre une équipe qui n’existait pas la saison dernière (Seattle) ou contre des équipes qui ne s’étaient pas qualifiées pour les séries le printemps dernier.
Selon le site Hockey Reference, depuis la reconfiguration de la LNH en 2005, aucune équipe n’est parvenue à se tailler une place dans les séries après avoir subi 8 défaites en 60 minutes à ses 10 premiers matchs.
Les entraîneurs chevronnés de la LNH disent souvent que la clé du succès se trouve dans la capacité d’une équipe à se retrouver, avec constance, du bon côté des matchs qui se soldent par un pointage de 3 à 2. Pour gagner dans cette ligue, expliquent-ils, il faut être capable de marquer trois buts avec régularité et d’en accorder deux ou moins.
Or, le Bleu-blanc-rouge fait exactement l’inverse. L’équipe a inscrit 2 buts ou moins dans 80 % de ses matchs jusqu’à présent. Seulement 11 équipes ont été frappées d’une telle apathie au cours des 16 précédentes saisons. En plus, ses adversaires ont inscrit 3 buts ou plus dans 70 % des rencontres.
Ça ne fait pas des enfants forts.
Dans leurs prédictions d’avant-saison, la plupart des observateurs s’attendaient à ce que le Canadien éprouve des problèmes en défense en raison des départs de Phillip Danault et de Shea Weber. Une blessure au défenseur Joel Edmundson ainsi que l’absence prolongée de Carey Price, qui participe au programme d’aide commun de la LNH et de l’AJLNH, n’a fait qu’ajouter à cette fragilité.
Or, la plus spectaculaire débâcle est survenue du côté de l’attaque, lorsque l’équipe entamait la saison avec pas moins de sept marqueurs potentiels de 20 buts et plus.
Après 10 matchs, on constate que l’équipe a inscrit 25 buts de moins qu’à la même période la saison dernière. Vingt-cinq buts!!!
Et le plus inquiétant, c’est que les marqueurs du CH ne jouent pas de malchance. Ils obtiennent tout simplement moins d’occasions de marquer. On parle donc d’un problème fondamental – le manque de compétitivité – qui n’est pas à la veille de se résoudre.
À ce chapitre, les exemples de Brendan Gallagher et de Tyler Toffoli sont particulièrement criants.
L’an passé, Gallagher et Toffoli étaient les deux dynamos offensives du Canadien. Peu importe si l'équipe traversait une séquence gagnante ou un passage à vide (et il y en a eu beaucoup), les entraîneurs étaient en quelque sorte assurés de voir l’un et l’autre sonner la charge en attaque et récolter, parfois, jusqu’à 50 % des chances de marquer de leur formation.
Ce n’est toutefois plus le cas. Comparativement à la saison dernière, Gallagher et Toffoli ont respectivement vu leur nombre de chances de marquer diminuer de 62 % et de 66 %!
Après 10 matchs la saison passée, Toffoli affichait un incroyable dossier de 9-4-13 (comparativement à 1-2-3 en ce moment). Quant à Gallagher, il présentait une fiche respectable de 4-2-6 malgré les difficultés de son trio la saison dernière. Il n’a jusqu’ici amassé qu’un but et deux passes. Et comme le malheur ne vient jamais seul, Gallagher est maintenant blessé.
Bref, pour atteindre les 95 points (grosso modo) nécessaires à une participation aux séries, le CH devrait maintenir une moyenne de succès de ,632 lors des 72 derniers matchs. On parle ici du rythme d’une saison de près de 104 points.
On parle, il faut le dire, d’une tâche à peu près impossible à réaliser pour ce groupe de joueurs. Le Tricolore est 30e au classement général, 29e en attaque, 28e en défense, 29e en avantage numérique et 30e en désavantage numérique.
En 2017-2018, le Canadien avait commencé la saison avec une fiche semblable (2-7-1). Le même genre de confusion régnait au sein de la formation et, à la fin des courses, il détenait le 28e rang avec 71 points.
Les partisans de l’équipe se posent maintenant tous la même question : on fait quoi?
En congédiant Claude Julien (qui touche encore un salaire de 5 millions de dollars), Kirk Muller et Stéphane Waite la saison dernière, Marc Bergevin a en quelque sorte vidé ses cartouches en ce qui a trait à d’éventuels remplacements de personnel. De plus, le CH ne peut espérer régler ses problèmes en congédiant Dominique Ducharme, qui vient d’ailleurs de signer un contrat de trois ans.
Par ailleurs, aucun échange ne constituerait un coup de baguette magique suffisamment fort pour renverser la lourde tendance qui se dessine.
L’organisation et Marc Bergevin, dont le contrat viendra à échéance à la fin de la saison, arrivent donc à la croisée des chemins.
Il y a une douzaine de jours, estimant qu’il était toujours en plein contrôle des opérations, le DG demandait aux journalistes de ne plus évoquer son statut contractuel afin de ne pas causer de distractions inutiles dans l’entourage de l’équipe.
La réalité est désormais toute autre. Plus que jamais, son poste est menacé.
Depuis la saison 2015-2016, le CH vient au 23e rang de la LNH (fiche cumulative de ,523) en saison. Et si des changements de calendrier attribuables à la COVID-19 n’étaient pas survenus, il se dirigerait présentement vers une cinquième exclusion des séries en six ans.
Cela dit, à moins d’avoir vécu dans une caverne au cours des dernières années, qui donc pourrait imaginer Geoff Molson et son conseil d’administration annoncer, tambours et trompettes, une prolongation de contrat pour Marc Bergevin le printemps prochain?
Par ailleurs, parce que la formation actuelle est en train de s’effondrer comme un château de cartes, il est acquis que des décisions importantes devront être prises après les Fêtes en vue de la date limite des échanges. Et que le prochain repêchage, qui aura lieu à Montréal, risque de revêtir une grande importance stratégique pour l’avenir.
Dix ans aux commandes d’une organisation de sport professionnel comme le Canadien constituent une éternité.
Après toutes ces années, si Geoff Molson n’est pas encore convaincu que Marc Bergevin mérite un contrat en vue des prochaines saisons, ça signifie qu’il n’est plus l’homme de la situation.
Et si Bergevin n’est plus l’homme de la situation, ça signifie que quelqu’un d’autre devra avoir les mains sur le volant dans un avenir rapproché.
L’éventuel successeur de Marc Bergevin devra avoir suffisamment de temps pour découvrir l’organisation de l’intérieur et, surtout, pour pouvoir planifier correctement les grandes étapes à venir après les Fêtes.
Le sport professionnel est un business de résultats. C’est un monde cruel. Mais, froidement, c’est là exactement la situation que vit Geoff Molson en ce moment.