L’ultramarathonien Mathieu Blanchard a survécu à l’enfer dans le Sahara

Mathieu Blanchard a conclu au 5e échelon lors du 35e Marathon des sables, au Maroc.
Photo : Benjamin Faure
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Au bout de ses forces, Mathieu Blanchard a puisé dans ses dernières ressources pour dompter la chaleur marocaine et, ultimement, le prestigieux Marathon des sables. Habitué aux courses en montagne, l’ultramarathonien s’est attaqué au désert du Sahara pour se pousser dans ses retranchements. Le Montréalais d’adoption a été bien servi. Peut-être même trop.
Normalement organisée en avril, l’épreuve comptant 5 étapes qui s'étalent sur 226,5 km, en autosuffisance alimentaire, s’est exceptionnellement tenue en octobre cette année, après trois reports forcés par la COVID-19. Rien pour aider Mathieu Blanchard et ses pairs.
En temps normal, le Marathon des sables est déjà considéré comme une des courses à pied les plus dures dans le monde. La 35e édition n'a toutefois rien à voir avec les précédentes, les conditions exceptionnelles la rendant à la fois historique et tragique.
Ç’a été très difficile parce que [les organisateurs] ne s'attendaient pas à de telles températures. Habituellement, en avril, les températures sont de 30 à 35 degrés Celsius dans le désert et la nuit, c’est limite un petit peu frais. Il faut bien se couvrir avec un gros sac de couchage. Mais là, on a eu des températures qui ont dépassé 55 degrés Celsius! C’était un four, on cuisait totalement
, raconte le Français d'origine, auteur d'une admirable 5e place au Sahara.
Le nombre d’abandons a naturellement bondi. Quelque 5 % des participants ont agité le drapeau blanc en cours de compétition en 2019, tandis qu'en 2021, un peu plus de la moitié des 753 coureurs n'ont pu atteindre l'arrivée.
« Il y a eu beaucoup de coups de chaleur, de déshydratation, de personnes mises sous perfusion. Ç’a été terrible. Pour moi aussi, j’ai beaucoup souffert. Je ne m’attendais pas à ça. »
À l'arrivée des courses, j’ai vu énormément de coureurs alignés par terre sous perfusion, tout blancs, avec les yeux un peu révulsés. C’était assez inquiétant de voir ça [...] Ces images-là sont dures à voir, je n’ai pas l’habitude de voir ça en course [...] C’était terrible, c’était un peu comme un champ de guerre
, renchérit l'ultramarathonien de 34 ans.
Pire encore, un décès est survenu durant la deuxième étape lorsqu'un coureur a été victime d'un arrêt cardiaque. Il s'agit de la troisième fois qu'un athlète périt au Marathon des sables. La crainte et l'inquiétude ont rapidement gagné les participants, nombre d'entre eux renonçant à prendre le départ le lendemain.
Il y avait une peur qui régnait sur la course à cause des conditions extrêmes et tout ce qui arrivait à ce moment-là
, confie Mathieu Blanchard.
L'épopée de Mathieu Blanchard dans le Sahara
- 1re étape (32,2 km) : 6e place en 2 h 45 min 57 s
- 2e étape (32,5 km) : 5e place en 3:12:49
- 3e étape (37,1 km) : 3e place en 3:16:23
- 4e étape (82,5 km) : 14e place en 12:12:51
- 5e étape (42,2 km) : 2e place en 3:33:23
- Cumulatif (226,5 km) : 5e place en 25:01:23
À noter qu'une 6e étape (8,5 km) caritative est organisée et obligatoire pour les participants, mais non comptabilisée dans le classement final.
Stoppé par un virus
Déjà confrontés à leur lot d’obstacles, les ultramarathoniens ont eu un défi supplémentaire avec lequel composer lorsqu’un virus n’étant pas lié au coronavirus s’est invité au campement. Mathieu Blanchard n’y a pas échappé, mettant un frein à ses espoirs de podium.
Environ 20 % du personnel et des coureurs sont tombés malades, dont moi. Le virus avait un petit peu les symptômes de la gastro : vomissements et diarrhée. Ç’a vraiment été l’enfer pour les coureurs et le personnel. Tout ça fait en sorte que c’était une aventure redoutable
, indique le principal intéressé.
Avant la quatrième manche, étape phare du Marathon des sables, ledit virus a frappé le Montréalais d’adoption de plein fouet. De son propre aveu, les 82,5 km de course ont été un calvaire
tant il était affligé par la maladie et manquait d’énergie.
« J’attendais justement avec impatience cette étape pour aller un petit peu plus vite et pour utiliser un petit peu plus mes compétences, mais je n’ai pu le faire puisque j’étais malade. Je m'arrêtais tous les kilomètres pour vomir. Et à cause de cette nausée, je ne pouvais même plus me nourrir, donc c’était vraiment dur. »
Malgré tout, il a réussi à rallier le fil d’arrivée après un effort herculéen. Le déclic s’est produit au quart de l’épreuve lorsqu’il a accepté que le podium était désormais hors de sa portée, se concentrant strictement sur les cinq manches à terminer, un exploit en soi, encore plus cette année.
Conclure en beauté
Mathieu Blanchard a repris du poil de la bête la journée suivante, dédiée au repos, et s'est même approché à une maigre seconde du titre de vainqueur de la cinquième étape. Il s’est classé au 2e échelon en clôture de rideau, samedi dernier, pour confirmer sa 5e place au cumulatif.
Avec toute la frustration que j’avais portée en moi à cause de la longue distance, j’avais beaucoup d’énergie et j’ai presque réussi à gagner la course. Ça s’est décidé au sprint final
, explique-t-il.
Mathieu Blanchard se dit satisfait d’avoir tiré son épingle du jeu en dépit d’une quatrième manche catastrophique, mais conserve tout de même un léger goût amer en bouche.
Comme c’est un facteur externe qui a contrecarré ses plans, la pilule est bien plus difficile à avaler pour l'athlète en pleine ascension sur la scène mondiale et lauréat d'une prodigieuse 3e place en août au mythique Ultra-Trail du Mont-Blanc.
Le fait d’avoir bien réussi cette dernière étape, au final, ç’a nourri ma frustration, affirme-t-il. Qu’est-ce que ça aurait été si j’avais pu exploiter mon plein potentiel lors de la longue course de 82,5 km? On ne le saura jamais.
À peine a-t-il eu le temps de souffler et de récupérer un peu que déjà Mathieu Blanchard se dirigeait vers une nouvelle aventure
, en Turquie, pour disputer l'Ultra-Trail de Cappadoce, samedi, à Ürgüp.
Une autre occasion de surpasser ses limites pour le futur membre de l'équipe professionnelle Salomon international, un club sélect rassemblant la fine élite. Et ce, cinq ans seulement après s'être lancé dans le monde des ultramarathons en sentiers.