L'épéiste Marc-Antoine Blais-Bélanger touche à son rêve olympique
Marc-Antoine Bélanger-Blais
Photo : Gracieuseté : Fédération canadienne d'escrime
Marc-Antoine Blais-Bélanger est rentré du Costa Rica avec un billet pour les Jeux olympiques de Tokyo. Mais il s’en est fallu de peu pour que tout se change en un immense coup d’épée dans l’eau.
Déjà, en mars 2020, les efforts du Montréalais de 26 ans avaient été anéantis par la pandémie et l’annulation des qualifications panaméricaines et de la Coupe du monde de Buenos Aires, en Argentine.
Après 14 mois passés à essayer de s’entraîner au travers des fermetures de gymnases et autres restrictions, l’épéiste est allé, à ses frais, participer au tournoi de la dernière chance pour les escrimeurs des Amériques.
Ce rendez-vous, dont le plateau comprenait 15 athlètes, était réservé aux athlètes de pays qui n’avaient pas déjà assuré au moins une place pour les Jeux de Tokyo
En raison de résultats en deçà des attentes et des standards, Marc-Antoine Blais-Bélanger ne figure plus sur la liste des athlètes soutenus par Sport Canada. Il a donc déboursé de sa poche entre 3000 et 4000 $ pour cette chance de réaliser son rêve olympique.
C’est sans avoir pris part à la moindre compétition en 14 mois qu’il s’est envolé pour le Costa Rica. Sa préparation s’était limitée à des séances à l'Institut national du sport (INS) et à des duels improvisés au Collège Brébeuf face à des adversaires pas nécessairement tous de calibre international.
Selon le directeur haute performance d’Escrime Canada, Benjamin Manano, la qualification olympique de Blais-Bélanger est celle que personne n’attendait. Le principal intéressé a dit au contraire qu’il avait bon espoir de réussir.
Certains disent que j’ai causé une grande surprise, mais j’ai toujours vu que j’étais très capable d’aller chercher cette qualification-là. J’avais déjà eu de bons résultats et cela représentait la fructification de tous mes efforts. En arrivant là-bas, mon objectif n’était pas juste de participer
, a-t-il dit.
Son entraîneur Jacques Cardyn abonde dans le même sens en insistant sur le fait que son élève est l’un des escrimeurs canadiens les plus prometteurs depuis longtemps, ayant notamment déjà récolté une 10e place aux mondiaux juniors en 2018.
Alerte COVID
Arrivés à San José, mercredi dernier en soirée, son entraîneur et lui, comme l’ensemble des participants, se sont soumis à des tests de dépistage. Puis ils ont été placés en isolement dans leur chambre d’hôtel en attendant les résultats.
Tôt vendredi matin, on a frappé à la porte de l’entraîneur pour lui annoncer que son test était négatif. Par contre, l’angoisse était totale jusque vers 17 h. On lui alors dit que celui de son protégé est positif. Une fois de plus, les astres refusaient de s’aligner pour Blais-Bélanger, toujours enfermé dans sa chambre et ignorant tout du drame qui se jouait.
« J’avais vraiment fait attention dans les semaines précédentes. Je désinfectais tout parce que je ne voulais pas perdre mon billet pour Tokyo à cause d’une disqualification pour un test positif. Ça m’aurait moins dérangé de la perdre durant un match, mais je ne voulais pas perdre ma chance d’aller la chercher. »
J’ai attendu 36 heures dans ma chambre. J’ai eu la chance que mon coach ait eu son résultat en premier. Il a eu la brillante idée de régler la situation avant de me le dire
, a relaté le jeune homme qui a aussi fait sa marque au sein de la NCAA avec l’équipe de l’Université Ohio State, où il a fait des études en génie.
Il appert que d’autres athlètes, dont le favori du tournoi, le Brésilien Yunior Reytor Venet, que Blais-Bélanger a éventuellement affronté en finale, avaient aussi initialement reçu des résultats positifs. Après de longs pourparlers, ils ont obtenu que la procédure d’analyse des tests soit reprise.
La conclusion leur a donné un parfait bilan de santé. Mais on était alors en début de soirée vendredi, ce qui venait de priver Marc-Antoine Blais-Bélanger d’un précieux temps de préparation physique et tactique.
Avec un long vol et son interminable isolement préventif, on devine qu’il n’était pas au mieux à quelques heures à peine de son tournoi de la dernière chance.
Hésitations
Au moment du réveil, à 6 h le samedi, son corps était encore engourdi à la fois par l’absence d’une bonne mise en forme et par la nervosité qui s’était emparée de lui.
J’étais stressé. Le matin, j’ai eu de la misère à manger. Je m’étais préparé mentalement pour être relax. Mais face à de grands enjeux, c’est plus facile à dire qu’à faire
, a-t-il reconnu.
La compétition se tenait dans l'une des grandes salles de banquets de l’hôtel, laquelle n’a pas grand-chose à voir avec les installations sportives habituelles pour ce genre de rendez-vous.
Les concurrents sont répartis en deux poules de sept tireurs. Après un premier tour, il n’en restait que 10 au total. Blais-Bélanger a perdu son premier match 4-3 face à un adversaire péruvien sur une décision de l’arbitre pour un dépassement qualifié de douteux par son entraîneur.
Il était plutôt chancelant au début. Mais tranquillement, comme Marc-Antoine peut le faire, il a augmenté son niveau pour finalement gagner ses deux derniers matchs de poule contre un Dominicain puis face à un Argentin qui était le favori de son groupe
, a raconté Jacques Cardyn.
En demi-finale, Blais-Bélanger a ensuite eu raison de John Edison Rodriguez, un colosse de 1,90 m (6 pi 4 po), par un pointage de 15-13, avant de s’imposer 15-10 en finale contre le Cubain Reytor Venet. Celui qui est déjà septuple champion canadien avait peine à croire qu’il venait de décrocher sa place pour ce qui sera sa première participation aux Jeux olympiques.
« Je n’en revenais pas. Pendant cinq minutes, on se regardait mon coach et moi et on n’était pas capables de rien dire. On était tellement excités et contents et on savait ce qu’on venait d’accomplir. »
Objectif en vue
À présent qu’il a su faire fi de tous les obstacles sur sa route, il souhaite se concentrer sur sa préparation pour les Jeux. Il se retrouve de nouveau contraint d’observer une quarantaine de 14 jours, mais son horaire n’est pas moins rempli.
Parallèlement à son emploi comme ingénieur junior pour le compte d’une firme montréalaise spécialisée dans la mécanique du bâtiment, il compte maximiser les heures qu’il consacrera à l’entraînement et à l'élaboration de sa tactique.
Après la quarantaine, on va doucement recommencer l’entraînement. On va essayer d’y aller en croissance pour arriver à un peak au bon moment à temps pour les Jeux. C’est toujours très cyclique. Il ne sert donc à rien de tout accomplir dans les trois premières semaines.
À Tokyo, il figurera parmi les épéistes inscrits au tableau principal pour le tournoi à élimination directe qui se déroulera sur une seule journée, soit le dimanche 25 juillet.
En sachant que le Canada ne possède pas une grande tradition en escrime, Marc-Antoine Blais-Bélanger espère que sa présence à Tokyo inspire d’autres jeunes comme il l’avait été en suivant les Jeux olympiques à la télévision quand il n’avait que 11 ans.
« Je pense que chaque fois qu’on envoie du monde aux Jeux olympiques, ça donne une certaine visibilité. Pour ma part, je me trouve chanceux de faire partie du club du Collège Brébeuf qui envoie des athlètes aux Jeux depuis l’an 2000. Ça nous donne des exemples pour montrer ce qu’il est possible d’accomplir et ça rend l’objectif atteignable. »
D'ailleurs, le Québec sera bien représenté l'été prochain puisqu'en plus de Marc-Antoine Blais-Bélanger, on retrouvera aussi les sabreurs Gabriella Page et Shaul Gordon, tandis que Maximilien Van Haaster y sera en tant que membre de l'équipe canadienne masculine au fleuret.
Et à présent qu’il sait qu’il ira à Tokyo, Blais-Bélanger en veut plus.
Obtenir mon billet pour Tokyo était un rêve, mais ce n’est pas là que le rêve arrête. Ce n’était que la première étape. Je veux aller là-bas avec la mentalité que je veux gagner le tournoi
, a-t-il conclu.