ChroniqueRacisme et préjugés : les athlètes ont un rôle essentiel à jouer

L'entraîneur du CF Montréal Thierry Henry pose un genou au sol avant un match en brandissant le poing.
Photo : usa today sports / Douglas DeFelice
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La célébration du Mois de l’histoire des Noirs a-t-elle un véritable impact dans notre société? Je vous l’accorde, cette interrogation pourrait en surprendre plus d’un au vu de mon parcours et de mon histoire.
Après tout, j’aurais pu simplement profiter de l’occasion pour citer quelques athlètes noirs emblématiques qui ont laissé leur empreinte dans leur discipline. Cela m’aurait sûrement facilité la tâche. Mais j’ai voulu pousser la réflexion un peu plus loin.
Je me suis remis dans ma peau d’ancien athlète de haut niveau afin de revivre certains sentiments d’injustice durant ma carrière.
En effet, j’ai souvent eu l’impression que les différentes communautés noires devaient souvent se contenter d’événements ponctuels, parfois même folkloriques, pour dénoncer les inégalités raciales.
Je prends pour exemple les nombreuses campagnes de publicité auxquelles on nous demandait de participer pour dénoncer le racisme. Ces actions étaient bien entendu légitimes, mais semblaient très légères face à la réalité de ce fléau.
J’ai encore en mémoire ces jets de bananes sur les pelouses d’Italie, de France ou de Russie de la part de certains partisans qui avaient pour but de retirer toute dignité humaine aux joueurs de couleur.
Le sentiment d’impunité de ces personnes résulte grandement du laxisme affiché par les ligues et les autorités compétentes.
Les enjeux sportifs et financiers doivent-ils nous faire oublier les valeurs essentielles qui fondent nos sociétés?
C’était en tout cas l’un des sujets qui revenait le plus dans les vestiaires lorsque nous évoquions des sujets plus graves.
Le combat se menait aussi sur le plan individuel.
On avait pour habitude de saluer brièvement nos adversaires, avant les rencontres, afin de prendre de leurs nouvelles.
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« On est Noirs, tu sais très bien que c’est plus dur... »
Il n’était pas rare de voir des joueurs se livrer, partager leurs frustrations concernant la négociation de leurs contrats ou de ne pas être traités à leur juste valeur (négociation de commandites par exemple).
Combien de fois ai-je entendu : Hassoun, on est Noirs, tu sais très bien que c’est plus dur...
Cela pourrait ressembler à une position de victimisation pour certains. Sauf que de nombreux scandales sont apparus au grand jour.
En 2010, la Fédération française de football avait pour projet d’instaurer des quotas discriminatoires officieux dans les écoles de soccer. Un des dirigeants avait enregistré une réunion afin de révéler ce scandale, qui avait pour but de limiter le nombre de joueurs africains dans les équipes de jeunes.
Ces choix reposent là encore sur des préjugés et des stéréotypes que nous retrouvons trop souvent dans les autres sphères de notre société.
Nous sommes souvent renvoyés à nos qualités physiques, de vitesse ou d’endurance quand d’autres athlètes comme Tom Brady au football, Roger Federer au tennis ou Andrea Pirlo au soccer sont facilement, et à juste titre, mis en avant pour leurs qualités de métronomes et de cerveaux
. Comme si la réflexion et l’intelligence ne pouvaient être réservées qu’à une certaine catégorie.
C’est pourquoi je pense que les athlètes ont un rôle essentiel à jouer.
Au-delà de leurs performances, ils ont le pouvoir de sensibiliser toutes les autres catégories de la société, là où les instances se montreraient un peu plus frileuses.
J’ai été heureux de voir des joueurs comme LeBron James décider de ne pas jouer un match de la NBA pour dénoncer des actes discriminatoires vécus aux États-Unis.
Ce type d’actions étaient plus rares au soccer, même si certains mouvements commencent à se mettre en place.
La MLS a par exemple annoncé la création d’une coalition de joueurs noirs dans la ligue, ayant pour objectif de lutter contre les inégalités raciales, mais aussi d’avoir un impact positif sur les communautés discriminées au Canada et aux États-Unis.
Le Mois de l’histoire des Noirs a donc différentes vertus :
- celle d’honorer des figures emblématiques qui auront marqué l’histoire;
- celle de servir à inspirer notre jeunesse en lui montrant qu’on peut réussir dans la vie, peu importe les difficultés qu’elle aura à affronter;
- celle d’interroger notre société quant au sort qu’elle réserve aux nouvelles générations.
Ces futurs sportifs, comptables, journalistes ou entrepreneurs ne demandent qu’à être considérés selon un seul critère : celui de la compétence.