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ChroniqueL’échange Dubois-Laine, et le cirque de John Tortorella

Il félicite un autre joueur.

John Tortorella (à l'arrière) et Pierre-Luc Dubois (à gauche)

Photo : La Presse canadienne / DARRYL DYCK

S’il le désire, Patrik Laine ne trouvera pas seulement une nouvelle équipe à Columbus. Il pourrait aussi emménager dans une maison toute neuve : celle de Pierre-Luc Dubois. Et quand il se couchera le soir, en contemplant le plafond de sa nouvelle chambre, Laine pourra se poser quelques questions que bien peu de gens soulèvent.

Des questions du genre : Pourquoi, diable, Dubois a-t-il investi temps et argent pour se faire construire une maison à Columbus, dans laquelle il a emménagé l’été dernier, s’il avait l’intention de quitter la ville au plus sacrant? Ou encore : Comment, du jour au lendemain, Dubois a-t-il pu devenir l’ennemi à abattre chez les Blue Jackets alors qu’il les transportait sur ses épaules lors des dernières séries éliminatoires?

Plus on pose ces questions aux bonnes personnes, plus les événements qui ont précédé l'échange dont tout le monde parle sont fascinants.

***

Lors des dernières séries éliminatoires dans la bulle de Toronto, Pierre-Luc Dubois a incontestablement confirmé sa place parmi les plus féroces compétiteurs de la jeune génération d’attaquants de la LNH.

Les Blue Jackets s’étaient présentés dans les séries avec un potentiel fort limité. Sans la contribution offensive, la présence physique et l’impeccable travail que Dubois effectuait dans sa zone défensive, jamais Columbus ne serait parvenu à vaincre les Maple Leafs de Toronto lors du tour préliminaire. Dans le troisième match de cette série, notamment, il avait pris les choses en main lorsque son équipe accusait un retard de 0-3. Il avait réussi un tour du chapeau, dont le but égalisateur en troisième et le filet de la victoire en prolongation, pour lancer son équipe en avant 2-1 dans la série.

Puis, lors du cinquième et ultime match, sans même s’inscrire au pointage, Dubois avait offert une autre très solide performance. Les Leafs avaient été blanchis 3-0 et leurs meilleurs attaquants avaient fort mal paru. Dans les minutes suivant ce énième effondrement des Leafs était née une expression que j’ai maintes fois répétée depuis : si ma vie dépendait du résultat d’un match de hockey et que j’avais le choix entre Dubois et Auston Matthews, je choisirais Dubois les yeux fermés.

Quelques jours plus tard, assis presque seul comme un coton dans les gradins froids du Scotiabank Arena, j’avais eu le privilège de voir Dubois camper l’un des rôles principaux dans un match d’anthologie face au Lightning de Tampa Bay. Dans cette rencontre hallucinante, que les éventuels champions de la Coupe Stanley avaient remportée 3-2 en cinquième période de prolongation, il avait récolté 1 but et 1 passe et avait disputé 44 minutes face aux attaquants de la meilleure équipe de la ligue.

Collectivement, les Blue Jackets ne pouvaient tenir la route contre le Lightning. Ces derniers étaient tout simplement plus talentueux. Bien que la série se soit soldée en cinq matchs, Tampa a tout de même eu besoin de toute sa petite monnaie pour décrocher chacune de ses quatre victoires.

Pierre-Luc Dubois n’était pas seulement le meilleur marqueur des Blue Jackets, il était aussi leur plus confiant et intransigeant compétiteur.

Pierre-Luc Dubois

Pierre-Luc Dubois

Photo : The Canadian Press / Nathan Denette

***

Durant les semaines suivant l’élimination des Blue Jackets, leur DG Jarmo Kekalainen a entamé des discussions à propos d’une prolongation de contrat avec les représentants de Pierre-Luc Dubois. Deux scénarios étaient alors sur la table : un pacte à long terme ou un autre de quatre ans qui allait se terminer au moment où il allait obtenir le droit à l’autonomie.

Puisqu’il s’agissait d’un engagement important, le centre numéro un des Blue Jackets s’est mis à poser des questions sur les grandes orientations de l’organisation. Avait-on l’intention de délier les cordons de la bourse pour garder les meilleurs joueurs de la formation et bâtir une équipe pérenne? Par exemple, Zack Werenski et Seth Jones allaient-ils encore jouer à Columbus dans deux ans?

Quand votre objectif dans la vie consiste à remporter des championnats, ce sont des questions qui se posent tout à fait légitimement.

Comme bien d’autres joueurs avant lui, la relation qu’entretenait Dubois avec John Tortorella s’avérait aussi problématique. On ne se fait pas crier après pendant trois ans sans que ça laisse des traces. Et c’était encore survenu lors des séries. Toutefois, il ne s’agissait pas, dit-on, d’un point de rupture.

Après avoir bien fait le tour de la question, Dubois en était venu à la conclusion qu’il ne souhaitait pas s’engager à long terme avec les Blue Jackets et que son avenir se trouvait ailleurs. Et comme il s’agissait de sa carrière, c’était son droit de le faire.

Kekalainen et Pat Brisson ont alors décidé de travailler ensemble pour régler ce différend. Ils ont convenu qu’il valait mieux signer une entente de deux ans dont la valeur moyenne (5 millions par saison) permettrait aux Blue Jackets d’échanger Dubois malgré le contexte économique difficile qui prévaut dans la LNH. Ainsi, Kekalainen jouissait aussi de suffisamment de temps pour laisser mûrir le marché et conclure un échange avantageux.

Cette entente devait rester confidentielle. Ainsi, les Blue Jackets allaient continuer à mener leurs opérations normalement jusqu’à ce qu’on le cède.

Sauf que ce n’est pas ce qui est arrivé.

***

Quand le camp d’entraînement s’est mis en branle, les adjoints de John Tortorella avaient reçu l’ordre de ne plus adresser la parole à Dubois. Ce dernier s’est alors rendu à l’évidence : la communication était rompue et son environnement de travail n’était plus le même. Et cette façon enfantine d’aborder la situation faisait en sorte qu’un échange allait survenir très rapidement.

Un joueur soulève le bras droit dans les airs

Patrik Laine, à droite, célèbre un but marqué contre les Sénateurs.

Photo : La Presse canadienne / Fred Greenslade

À Winnipeg, Patrik Laine avait eu plus de chance. Quand il avait formulé le souhait d’aller jouer ailleurs en 2019, les dirigeants des Jets avaient simplement pris acte de sa requête. Ils n’étaient pas satisfaits de son jeu et de sa conduite non plus, mais ils avaient continué de le traiter professionnellement, comme un membre à part entière de leur organisation.

Il y a quelques semaines, près d’un an et demi plus tard, les entraîneurs des Jets étaient fort impressionnés quand Laine s’était présenté au camp. Il était en excellente condition physique. Il affichait aussi la prestance et la constance d’un jeune homme qui semblait avoir gagné énormément de maturité.

Quand Laine et les Jets se sont quittés samedi, il s’agissait beaucoup plus d’un divorce à l’amiable que de la tumultueuse fin d’une relation toxique.

Revenons un peu à Dubois.

Dès le début du camp, le centre vedette des Blue Jackets s’est aussi rendu compte que la confidentialité de l’entente qu’il avait conclue avec le DG de l’équipe s’était évaporée en l’espace de quelques heures. Le responsable de la fuite n’est d’ailleurs pas difficile à identifier.

Lors des dernières séries éliminatoires, l’entraîneur des Blue Jackets affichait un total mépris envers les journalistes affectés à la couverture de son club. Condescendant à souhait, Tortorella passait son temps à refuser de répondre aux questions, même les plus banales, et à répéter aux représentants des médias que ce qui se passait dans le vestiaire de son club ne les concernait pas. Et quand il daignait répondre, c’était souvent en deux ou trois mots.

Ces dernières semaines, les journalistes de Columbus ont toutefois découvert un John Tortorella 2.0, fort volubile, et très enclin à livrer ses états d’âme durant ses points de presse.

John Tortorella au banc des Blue Jackets

John Tortorella au banc des Blue Jackets

Photo : Getty Images / Bruce Bennett

Lors d’une entrevue accordée à une station de radio locale, Tortorella s’est même mis à raconter ce qui s’était produit dans une réunion d’équipe au cours de laquelle, de façon humiliante, il avait mis Dubois au défi d’expliquer les raisons pour lesquelles il souhaitait quitter l’organisation. L’entraîneur s’est même permis, publiquement, de remettre en doute la sincérité des propos tenus par l’athlète à cette occasion.

Soudainement, le brillant joueur de centre qui était son homme de confiance quelques mois auparavant n’était plus qu’un joueur comme les autres dont le niveau de professionnalisme était soudainement devenu douteux. Véritable prophète, Tortorella annonçait désormais, par médias interposés, que la laisse de Dubois était devenue très courte et qu'il n’allait pas hésiter à s’en servir.

En collant Dubois au banc pendant plus de deux périodes jeudi dernier, il a, dans les faits, simplement présenté le numéro final d’un cirque qu’il avait lui-même monté. Incroyablement, il s’est trouvé des gens pour s’étonner depuis le début de la saison que le jeu de Dubois n’ait pas été à point.

***

Tortorella s’est livré à un véritable travail de démolition dès le premier jour du camp et ça n’a jamais cessé. Il a pris les devants et il a placé son directeur général au pied du mur, constate une source bien au fait de la situation.

Vu sous cet angle, il était extrêmement ironique d’entendre Tortorella, samedi, se désoler du fait que Jarmo Kekalainen a été placé dans une situation intenable.

La situation dans laquelle Jarmo s’est retrouvé est ce qui me dérange le plus dans cette affaire. Mais il s’est tenu debout et il a quand même trouvé le moyen de conclure un bon échange. Nous sommes très enthousiastes d’accueillir ces nouveaux joueurs (Patrik Laine et Jack Roslovic), a dit l’entraîneur.

Grâce à l’arrivée de Pierre-Luc Dubois, les Jets de Winnipeg misent désormais sur l’une des plus solides, sinon la plus solide, ligne de centre de la LNH. Et même si la plupart des experts s’entendent pour dire que les Jets ont eu le dessus, les Blue Jackets ont obtenu une très intéressante contrepartie.

Tout le monde est heureux. Et le temps nous dira si tout le monde y trouvera son compte. Mais parions que Dubois se souviendra longtemps de John Tortorella et de ses derniers moments avec les Blue Jackets de Columbus. Cette partie de l’histoire n’aurait jamais dû se dérouler ainsi.

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