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Racisme au soccer : 5 questions à Hassoun Camara

L'ancien de l'Impact de Montréal, assis dans des gradins vides, sourit.

Hassoun Camara a annoncé sa retraite du soccer professionnel en décembre 2017.

Photo : Radio-Canada

Radio-Canada

L'incident survenu mardi en Ligue des champions pendant le match entre le Paris Saint-Germain et le Basaksehir d'Istanbul a ramené à l'avant-scène la question raciale au soccer. L'ancien joueur de l'Impact de Montréal et amoureux du ballon rond Hassoun Camara revient sur l'événement qu'il qualifie de « marquant » dans la lutte contre le racisme.


Q. Comment as-tu vécu le moment qui s'est passé entre le Paris Saint-Germain et le Basaksehir d'Istanbul? Quels sentiments t'ont habité?

R. Ç'a été un événement incroyable, dans tous les sens du terme parce que, forcément et malheureusement, c'est un fléau qui ressurgit. De l'autre côté, l'attitude des joueurs, des deux équipes, a été impeccable pour signaler ce fait et d'essayer de marquer le coup [...] parce que par le passé, en Europe, on avait plus de mal à sortir du match pour dénoncer ce type de fléau.

Finalement, c'est ce qu'ils ont su faire collectivement, aussi dans le calme, c'était très important. Ç'a été un moment qui risque de changer le ressenti des joueurs à travers cet acte-là. Ils ont inversé et changé la dynamique, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, c'est à l'arbitre accusé de se poser la question si son geste et ses mots étaient appropriés, et non plus aux joueurs de se dire : On va passer par-dessus et faire comme si de rien n'était, c'est peut-être une mauvaise interprétation. Non, il n'y a plus de place à l'interprétation, c'est changer les choses de cette façon, et je pense que c'est un moment marquant.

Entraîneurs et joueurs du Basaksehir d'Istanbul et du Paris Saint-Germain s'entretiennent avec un arbitre au sujet d'une accusation de racisme.

La rencontre entre le Basaksehir d'Istanbul et le Paris Saint-Germain a d'abord été interrompue mardi, puis reportée à mercredi.

Photo : Getty Images / Franck Fife

Q. Cela s'est produit au plus haut niveau, en Ligue des champions, avec des vedettes internationales, des champions du monde au PSG. Dans quelle mesure est-ce que cela peut faire école?

R. Ç'a été important là encore, la caisse de résonance est d'autant plus forte à partir du moment où il y a des joueurs internationaux et une compétition incroyable comme la Ligue des champions. Forcément, le retentissement est plus grand, on a vu le président turc Erdogan intervenir, les plus hauts dirigeants français et internationaux aussi.

C'était important à ce niveau-là aussi d'intervenir de cette façon parce que si on laissait passer ce genre de paroles et que, justement, on laissait place à l'interprétation, à savoir si c'est raciste ou pas, forcément, dans les autres ligues mineures, il y aurait une incidence incroyable. On pourrait se permettre de prononcer des choses et de se dire : Regarder, on n'a rien dit là-haut, ce n'est pas raciste.

Aujourd'hui, je ne sais pas si la volonté de l'arbitre était d'avoir un acte raciste en tant que tel ou si c'est une erreur d'interprétation. Mais, au moins, les choses ont changé et on ne laisse plus aucune tolérance à cet espace, à savoir si l'on peut se permettre de dire certaines choses ou pas. L'acte a été important, tout comme ceux de Demba Ba, de Mbappé, de Neymar et d'autres. Le geste et l'attitude qu'ils ont eus sont importants parce que ça montre la voie. Ils ont tout de suite fermé toute place à l'interprétation.

Ces joueurs emblématiques sur le plan mondial, à qui l'on prête souvent ce devoir d'exemplarité, ils l'ont eu. Et je dirais même au contraire de l'UEFA, qui m'a beaucoup déçu parce qu'elle a mis du temps à intervenir, à communiquer. Quatre heures après les faits, il n'y avait toujours pas de communiqué de sa part. Elle montre souvent le slogan Non au racisme, mais lorsqu'il faut poser des actes forts, ç'a été plus compliqué hier, dans l'attitude et le fait de vouloir mettre le quatrième arbitre dans le camion du VAR [assistance vidéo à l'arbitrage, NDLR] pour calmer les choses et le cacher d'une certaine façon. Ou même l'arbitre central, tout simplement, qui entend ce mot, et ne dit rien. Je pense qu'il est aussi coupable de cette façon-là.

Q. Quelles sont les attentes, maintenant, envers ces organisations?

R. Elles doivent se montrer à la hauteur. L'UEFA est une organisation et les arbitres représentent cette organisation. À partir du moment où tu permets, tu tolères ou tu n'interviens pas lorsqu'il y a ce type de comportement, tu es forcément coupable d'une certaine façon, comme c'est ton organisation.

Elle doit être à la hauteur des slogans qu'elle met en place. Bien entendu, c'est plus facile de diffuser des plans de communication qui dénoncent le racisme, et c'est important de le faire, mais il y avait une occasion unique de montrer sa position, à quel degré s'inscrit sa volonté d'éradiquer le racisme. Et je trouve qu'elle n'était pas à la hauteur hier. Peut-être qu'elle se rattrape depuis, mais hier elle n'était pas à la hauteur de l'événement, et je pense qu'elle doit apprendre de ce type d'événement.

Si un joueur avait dit ces paroles, je peux vous dire que ça aurait été extrêmement compliqué pour lui, aujourd'hui. À partir du moment où c'est un arbitre, c'est d'autant plus grave, et je pense que ces instances doivent intervenir beaucoup plus rapidement et beaucoup plus efficacement.

Hassoun Camara place ses mains sur sa tête.

Hassoun Camara a porté l'uniforme montréalais en MLS pour un total de 134 matchs de saison durant la période 2012-2017.

Photo : The Canadian Press / Graham Hughes

Q. Si le moment d'hier avait déjà eu lieu en 2015 lorsque l'Impact campait le rôle de visiteurs au Costa Rica contre l'Alajuelense, crois-tu que ce match se serait déroulé différemment?

R. C'est a posteriori que j'ai réalisé que Dominic [Oduro] avait été victime de cris de singe. J'étais sur le banc lors de ce match, c'était plus difficile de les entendre au moment du match. Il faut arriver à changer les choses et, à ce moment-là, on aurait peut-être dû le faire, et sûrement dû le faire. À partir du moment où on le ressent de cette façon, c'est d'arriver à être ensemble et de prendre des décisions fortes pour changer les habitudes.

Les supporteurs ont l'impression qu'ils peuvent se permettre de le faire et que les conséquences ne seront pas à la hauteur de leurs actes. Il faut arriver à faire des choses qu'on n'a jamais faites pour changer les choses. Et hier, c'était le cas, et je m'appuie sur des propos de Samuel Eto'o qui disait qu'il faut que des joueurs aient le courage de sortir. Je m'inscris là-dessus. Si, dans le passé, on avait eu des moments comme ça, il aurait fallu qu'on sorte et qu'on clame tout haut notre désaccord avec ce comportement.

Aujourd'hui, je ne joue plus, je ne suis plus sur le terrain. Mais en tout cas, c'est sûr que je serai l'un de ceux qui encourageront les joueurs à prendre la parole, à se retirer lorsqu'ils entendent des choses intolérables. Je les aiderai à prendre ce courage parce que c'est important de le faire, surtout pour les générations à venir.

Il marche sur un terrain de soccer.

Hassoun Camara agit comme analyste de soccer au réseau TVA Sports depuis qu'il a raccroché ses crampons.

Photo : Maddie Meyer

Q. Est-ce que l'absence de supporteurs en ce moment dans la plupart des stades permet de réaligner certains paramètres pour qu'à leur retour, certaines choses aient changé?

R. Bien sûr. Pour tout le monde, ce sont dans les crises qu'on arrive à se renouveler et à changer les choses dans sa vie. Je pense que c'est pareil pour les organisations. Peut-être que c'est une occasion unique de pouvoir réaliser certaines choses et de voir comment on peut progresser tous ensemble.

L'important, c'est de le faire de façon unie, pour le bien de tous. Le paradoxe, hier, c'est qu'il s'agit d'un arbitre qui a commis cet incident, donc c'est compliqué de le remettre sur les supporteurs. Mais au bout du compte, il y a toujours des choses à améliorer, des introspections à faire. L'UEFA, en premier lieu, à se poser des questions sur ce qui va et ne va pas, sur ce qui peut être dit et ne peut pas être dit.

C'est un fléau qui touche aussi, bien sûr, les supporteurs. Il y a du racisme dans le football, il y a du racisme dans tous les sports, il y a du racisme partout. Il faut en prendre conscience, le dire tout haut pour prendre la mesure des choses et pouvoir le combattre de façon plus efficace.

(Avec les informations d'Olivier Tremblay)

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