Lysanne Richard, toujours plus haut

Lysanne Richard en Beauce
Photo : FBL Photographe
La plongeuse de haut vol Lysanne Richard publie sa biographie Toujours plus haut, jeudi.
Ça doit faire tout drôle de voir sa vie étalée sur les pages d’un livre, non?
Sa réponse est un pur condensé de sa personnalité si charmante.
Je ne voudrais pas que les gens pensent : "Ah! là là, je mérite vraiment une biographie, je paie un auteur et l’on fait ça." Ce n'est pas ça du tout. C’est Myriam Jézéquel qui m’a approchée, c'était son intention, puis j'ai embarqué dans son projet, qui est devenu notre projet, explique-t-elle. Dans le fond, j’étais très surprise, mais, en même temps vraiment honorée.
Pourquoi lire cette biographie? Parce que Lysanne Richard est une personne ordinaire, qui fait des choses extraordinaires. Son message livré à travers ses expériences : le dépassement de soi, c’est pour tout le monde, il suffit d’y croire... et d’y mettre l’énergie, bien sûr!
Un extrait de sa biographie est assez éloquent. Elle raconte que le 24 juin 2000, à Berck, en France, où elle a joint une troupe pour donner des spectacles, elle décide de faire l’épreuve du feu, c’est-à-dire de plonger avec une cape en flamme. Rien de moins.
« Dans ma quête d’intensité, se mettre en feu revenait à trouver le feu intérieur, celui qui anime l’artiste. Là, je me suis trouvée. J’ai trouvé l’artiste en moi. J’avais besoin de me mettre en feu pour sentir enfin ce feu sacré. »
J’avoue que ce n’est pas à la portée de tous. Elle avait 19 ans et, par une espèce de rite de passage, elle laissait derrière elle l’adolescente qu’elle était pour devenir lentement l’adulte qu’elle serait.
On dirait qu'il me manquait tout le temps quelque chose pour être enfin fière de moi, dit-elle pour expliquer ce geste de témérité. Je voulais faire quelque chose que je considérais d'assez grandiose pour m'enlever ce poids-là sur les épaules et me dire : "Je peux enfin être fière de moi." Mais tu sais, c'est niaiseux parce que j'aurais pu l'être d'une autre façon. Mais moi, quand j'ai commencé à faire du haut vol et faire des plongeons en feu, on dirait que c'était assez extrême pour assouvir ce besoin-là. Et là, je me disais : "Si jamais je mourais aujourd'hui, au moins, j'aurai accompli de quoi." Mais après, quand j'ai eu des enfants, j'ai accompli des choses bien plus grandioses avec les enfants.
Bien sûr, nos priorités, nos visions changent avec le temps. Mais le feu sacré est certainement le fil conducteur pour comprendre Lysanne Richard. Elle ne sera jamais figée entre les pages d’un livre. Tout cela n’est qu’un polaroid
de ce qu’elle a fait, de qui elle est. Mais avec son bagage, elle est déjà ailleurs.
En ce moment, elle est toujours animée par le plongeon de haut vol. Elle est depuis quelques années une des athlètes attitrées du circuit Red Bull, une des meilleures de la planète. À 39 ans, sa priorité est de faire connaître sa discipline extrême et de doter le Canada d’infrastructures qui vont permettre d’assurer une relève.
Comme elle a cette faculté de voir le gazon toujours très vert, la pandémie de COVID-19 aura été bénéfique pour sa mission. Le circuit de compétition a bien sûr été annulé, mais cet arrêt lui a permis de pousser des projets.
Jean-François Vachon est propriétaire d’un terrain, avec une falaise au bord d’un lac, en Beauce. Il y a quelques années, il avait approché la plongeuse pour lui offrir d’y installer des tremplins et d’en faire un site d'entraînement.
Où croyez-vous que Lysanne Richard a passé une bonne partie de son été? Oui, en Beauce.
À lire aussi :
Lysanne ne veut pas révéler, pour l’instant, le nom de l’endroit, tout simplement parce que le site est facile d’accès. On ne voudrait pas que quelqu’un s’y aventure pour tenter un plongeon sans qu’il y ait toute la sécurité nécessaire.
L’endroit est magnifique, il y a maintenant une plateforme installée à 22 mètres. Au cours des derniers mois, quelques chanceux, dont Lysanne, ont pu jouir de l’endroit.
Mais impossible de se lancer d’une telle hauteur seule, sans s’assurer qu’en cas de pépin, elle pourra être secourue rapidement. Par exemple, lors des épreuves, il y a toujours des hommes ou des femmes-grenouilles qui attendent l'arrivée des plongeurs et qui sont prêts à intervenir.
La Québécoise sait très bien quand sans la générosité des gens autour d’elle, ce site en Beauce ne pourrait exister.
François Leduc, qui détient l'école de plongée Apneacity, m'a proposé : "Hey, Lysanne, on aimerait ça embarquer avec toi dans ce projet-là." Ils sont venus bénévolement et ils faisaient notre sécurité, c'était génial. Et il y a aussi Plongeon Canada, qui a payé pour l'assistance médicale Airmedic, détaille-t-elle. Alors, s’il nous arrivait quoi que ce soit, Airmedic venait. On avait un bon plan d'urgence qui, heureusement, n'a pas servi.
Sécurité d’abord. Plonger d’une hauteur de 22 mètres, ça ne s’improvise pas. C’est la raison pour laquelle. l’été prochain, des tremplins seront installés à différentes hauteurs pour permettre un apprentissage progressif.
Ce qui est fabuleux avec un tel lieu, c’est qu’il reproduit exactement les conditions que l’on retrouve sur le circuit de compétition; un milieu naturel, avec le soleil, le vent, les intempéries. Doté d’un site d’entraînement comme celui-là, le Québec ouvre la porte pour assurer la santé de cette discipline hors-norme. C’est par l’accessibilité des infrastructures qu’il y aura la possibilité de soutenir une continuité.

Lysanne Richard peut désormais s'entraîner en plongeon de haut vol en Beauce.
Sur ce plan-là, Lysanne Richard n’a pas chômé. C’est grâce à ses représentations qu’il y a maintenant des plateformes à la piscine olympique et à celle du parc Jean-Drapeau. Donc, les lieux d’entraînements se multiplient et ce n’est pas terminé.
Pendant la pandémie, elle a aussi jeté les bases d’une autre aventure. Elle est allée plonger dans le fjord du Saguenay. Avec Pierre Lavoie, oui, celui du Grand défi, et Plongeon Canada, ils sont à la recherche d’un endroit où il serait possible de tenir des événements de haut vol. Des rencontres qui pourraient permettre à des jeunes de chez nous de vivre une expérience inoubliable et de se comparer à l’élite internationale.
Lysanne Richard fait tout pour donner visibilité et crédibilité à son sport.
Mais ce qu’elle souhaite le plus, pour l’instant, c’est de retrouver sa vie d’athlète, de retourner sur le circuit. Si le coronavirus s’essouffle et nous permet de recommencer nos activités, Lysanne pense-t-elle qu’il lui sera plus difficile de reprendre la compétition à son âge vénérable (pour son sport) après une année de pause?
De ne pas avoir eu de saison sur le circuit, je l'ai déjà vécu. En fait, ça se peut que ça déstabilise un peu plus les autres que moi. Bon, ce n’est pas ça le but. Mais moi, je me dis, je le sais, que j'ai déjà été obligée d'arrêter. Et plusieurs fois. Parce que quand on y pense, quand j'ai commencé à faire du haut vol, je n'étais pas encore maman, j'ai arrêté trois fois, le temps de mes grossesses. Et j'ai arrêté pour la blessure (une blessure au cou, très grave, qui a failli mettre fin à sa carrière, NDLR), donc ça fait quatre fois que j’arrête un an. Et je sais que je suis capable de revenir. Je ne vois pas ça nécessairement comme un inconvénient.
Oui, dans le monde de Lysanne Richard, le gazon n’est pas plus vert chez le voisin, que non, le plus vert, il est chez elle!