•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Une femme d'exception à l'assaut de l'Everest des mers

Elle est debout sur son voilier.

Alexia Barrier

Photo : Getty Images / DAMIEN MEYER

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Trente-sept navigateurs et navigatrices s’élanceront le 8 novembre pour la course à la voile la plus redoutable et la plus redoutée du monde : le Vendée Globe. Une course autour du monde en solitaire sans escale et sans assistance qui a lieu tous les quatre ans.

La dernière édition en 2016-2017 a vu le Français Armel Le Cléac'h établir un nouveau record en 74 jours 3 heures 35 minutes et 46 secondes. Pour cette neuvième fois, elles seront six femmes au départ de la course, un record, puisqu’il n’y en a jamais eu plus de deux! Parmi elles, Alexia Barrier.

Dès l’âge de 3 ans, celle qui a grandi sur la Côte d'Azur sait qu’elle sera navigatrice. Pourtant, elle se destinait au basketball. En raison de sa petite taille (1,58 m/5 pi 2 po), elle devra se résigner. À 10 ans, elle regarde le départ du Vendée Globe et, pleine de frissons, elle se dit qu’un jour elle le fera. Dès lors, l’appel du large devient de plus en plus présent. À 25 ans, elle fait sa première course en solitaire entre la France et le Brésil. Depuis, elle enchaîne les victoires.

Pour moi, le Vendée Globe, c’est une des dernières aventures humaines qui existe sur notre belle planète. On se retrouve sans escale, sans assistance, donc seule face aux éléments, aux mers hostiles, durant des mois, pour parcourir ce tour du monde qui est véritablement mythique, raconte-t-elle avec un large sourire.

L’esprit compétitif est ancré en cette femme de 40 ans. Elle sait qu’elle ne gagnera pas, car son bateau, âgé de 22 ans, est le plus vieux du peloton. Mais qu’importe, la confiance règne.

« C’est comme si tu alignais sur un circuit une deux-chevaux et des formules un. Mais les petites voitures ont de grandes chances de terminer, alors que les formules un ont de grandes chances de finir dans le sable. Donc l’objectif, c’est de pouvoir terminer, me forger une expérience et revenir en 2024 avec un bateau plus performant. »

— Une citation de  Alexia Barrier
Elle lève les bras sur son voilier.

Alexia Barrier sur son voilier 4MyPlanet

Photo : Getty Images / VALERY HACHE

Une conscience environnementale

Alexia Barrier n’est pas seulement une navigatrice aguerrie, c’est aussi une femme qui a conscience de son environnement. Comme elle le répète souvent, elle veut préserver son terrain de jeu.

Ma vie a changé il y a une dizaine d’années. Avant, quand je faisais des courses transatlantiques [elle en a fait 17, NDLR] et que, finalement, j’arrivais près des côtes, je sentais l’odeur de la terre, des arbres, même des fleurs. Il y a 10 ans, j’ai été choquée parce que ce qui me faisait dire que je m’approchais des côtes, ce sont les déchets qui étaient présents dans l’eau, raconte la navigatrice, 15e de la Route du rhum en 2018.

Depuis 10 ans, la pollution marine est de pis en pis. Je vis en Méditerranée et c’est la mer la plus polluée au monde. J’ai donc créé une fondation, 4 MYPLANET, pour préserver mon terrain de jeu. J’ai installé des capteurs sur mon bateau pour aider les océanographes [son bateau est équipé d’un thermosalinographe qui permet de collecter des informations sur la salinité et la température de l’eau, NDLR]. Je peux ainsi leur ramener des informations précieuses sur les océans.

En plus de sa préparation et la recherche de commanditaires, Alexia Barrier parcourt les écoles pour échanger avec les jeunes sur l’état de la planète et leur offrir des outils pour mieux la préserver.

Il y a 10 ans, j’ai décidé de faire de mes bateaux de course, des navires d’opportunités, et j’ai eu aussi envie de dire aux jeunes qu’il était important de préserver leur environnement. J’essaie, en leur racontant mes histoires de mer, de leur dire que tout est possible dans la vie et qu’en s’occupant de la nature, on s’occupe aussi des autres.

On a mis en place des ensembles pédagogiques traduits en quatre langues et on demande aux professeurs de les télécharger pour que les jeunes puissent suivre la course. Alors, on parle évidemment des bateaux, de la course, mais aussi de l’environnement, des déchets, de la pollution plastique. Et on parle aussi santé, car on a un petit personnage qui s’appelle Défibrillateur pour leur enseigner les premiers gestes qui sauvent.

Elle est allongée sur le ponton de son voilier.

Alexia Barrier

Photo : Getty Images / DAMIEN MEYER

Pendant le confinement, l’infatigable navigatrice ne restait pas en place. Elle a créé une émission sur Internet pour raconter ses histoires de mer aux enfants. En plus de tous ces engagements, elle a aussi trouvé le temps de travailler avec les femmes vulnérables.

« On a invité ces femmes en situation d’exclusion à passer une journée en mer avec nous. Je réalise la chance que j’ai. J’ai les meilleurs entraîneurs, les meilleurs préparateurs physiques et mentaux. Je leur ai donc demandé de chouchouter ces femmes qui, pour la plupart, n’avaient jamais mis les pieds sur un bateau. Et là, elles se sont dépassées. Elles ont dépassé leurs peurs, leurs limites. Elles ont travaillé ensemble sur le bateau et cela a créé une magnifique émulation. Elles ont retrouvé une certaine confiance en soi. Et cela, c’est important si tu veux avancer. »

— Une citation de  Alexia Barrier

Vieux clichés

Une certaine confrérie existe dans le monde des courses à la voile. Si, sur l’océan, l’entraide et la solidarité vont de pair, sur terre, c’est une autre question.

Quand j’avais 20 ans, je voulais embarquer à bord d’un voilier pour faire une course. Je me présente devant les bateaux qui me font rêver et je me dis qu’au vu de mon palmarès [elle était déjà classée mondialement dans les courses en équipage, NDLR], j’allais facilement être acceptée, relate-t-elle.

« Et là, il y a un grand gaillard qui me dit : "Toi, ma petite, soit tu feras les sandwichs, soit tu largueras les amarres!" Là, mon ego a été piqué et cela m’a surboostée pour aller de l’avant. Et aujourd’hui, ce sont ces messieurs qui me demandent d’embarquer sur mon bateau. Je ne leur fais pas faire les sandwichs, mais j’y pense et ça me fait beaucoup rire. »

— Une citation de  Alexia Barrier

Même si les choses ont évolué, elle estime qu'il y a encore du chemin à faire.

Quand on se présente à une société pour trouver des commanditaires, il y a évidemment des chefs d’entreprises qui ont encore ce vieux schéma, du grand mec barbu, qui pue des pieds et qui devrait représenter sa société. Eh bien, tant pis pour eux! Moi, je ne serai jamais grande et barbue. Pourtant, en tant que femme, on a beaucoup à offrir à un partenaire.

Elle est debout sur le pont de son voilier.

Alexia Barrier après avoir fini la Route du rhum en 2018.

Photo : www.alexiasailingteam.com/

Mais c’est comme dans la société civile, il y a encore beaucoup d’inégalités, il y a encore beaucoup de combats à mener. Notamment chez les préparateurs, où il y a peu de femmes, la question des échelles salariales est aussi présente. Sur les six femmes inscrites au Vendée Globe, il y en a seulement deux qui sont salariées correctement. Pour les autres, on est là parce qu’on veut vivre l’aventure à tout prix, mais ce n’est pas juste.

Pour parfaire son entraînement physique et mental avant le départ au mois de novembre, Alexia Barrier n’a rien trouvé d’autre de mieux à faire que de parcourir une étape du Tour de France. Elle s’est inscrite à une course cycliste de 300 km avec 6000 m de dénivelé au départ de Mandelieu avec une arrivée au sommet du mont Ventoux, une épreuve qu'elle devra terminer en moins de 24 heures!

Comme elle le dit, c’est une course parfaite pour ma préparation mentale, une course contre soi-même et contre les éléments. Une sorte de Vendée Globe sur la terre ferme.

L’Everest des mers qu’elle s’apprête à conquérir sera impitoyable, car il a déjà emporté tellement de marins, dont le regretté navigateur montréalais Gerry Roufs, disparu en mer en 1997. Les mers hostiles qu’elle devra affronter ne lui font pas peur, même si elle est bien consciente des dangers. Quand on l’entend parler, on peut ressentir toute la détermination et une volonté de fer qui pourraient bien faire trembler les pires tempêtes.

Bon vent, Alexia, et ramène ton bateau à bon port.

À lire aussi :

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...