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Le tour de l’île… à la course

Il court dans une rue de Montréal.

Mathieu Blanchard

Photo : courtoisie : Nicolas Danne

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Samedi soir, vers minuit, Mathieu Blanchard s’est mis à courir dans la froideur de la nuit montréalaise. Seul, déterminé, il s’est élancé de la colonne Nelson, sur la place Jacques-Cartier dans le Vieux-Montréal, vers l’ouest avec l’intention d’y revenir par l’est. 

Et 10 heures et 29 minutes plus tard, dimanche matin, il a complété le défi qu’il s’était lancé, soit de faire le tour de l’île de Montréal à la course. Une promenade de 124,8 km au cours de laquelle il a maintenu un rythme de 5:03 au kilomètre. En d’autres mots, il a couru presque trois marathons de suite à une moyenne de près de 12 km/h!

Mathieu Blanchard ne l’a pas fait pour amasser des fonds pour les enfants malades ou encore pour la recherche d’un vaccin contre la COVID-19. Ses motivations étaient plus proches de celles du personnage Forrest Gump. Il a couru parce qu’il avait envie de courir. Tout simplement.

Ça me stressait au début de ne pas avoir de raison parce que j’en ai presque toujours, confie l’athlète de 32 ans à Radio-Canada Sports. Je cours souvent en compétition pour découvrir un nouveau pays et parfois même pour des causes humanitaires. Au final, je me suis dit que c’était bien correct de courir pour le plaisir. C’est ma passion après tout.

Il s’est donc élancé, seul, sans assistance, pour un long parcours sur le bitume montréalais qu’il redoutait. Blanchard est surtout un adepte des longues courses en sentiers qui sollicitent un éventail plus varié de muscles. Courir sur le plat et sur le dur lui faisait peur. Mais il était prêt.

Il s’était caché trois sacs de ravitaillement d’eau et de nourriture le long du parcours. Il n’a finalement consommé que deux litres d’eau. Le froid a été son pire ennemi.

J’avais prévu boire 5 litres, mais je ne transpirais presque pas, explique le Français. La nuit a été extrêmement difficile parce que je ne pensais pas avoir aussi froid. J’étais sur un rythme lent par rapport à ma capacité et je ne me réchauffais pas tant que ça en courant. J’étais en dilemme perpétuel. Je pouvais accélérer pour me réchauffer, mais je mettais en péril mon énergie en fin de course. J’ai préféré rester plus lent et souffrir du froid.

Les premiers rayons de soleil lui ont fait le plus grand bien. C’est en partie pour vivre le lever du soleil qu’il a pris la décision de partir à minuit. C’est aussi à cette heure que devait être donné le départ d’une course à laquelle il était inscrit en Espagne en fin de semaine.

Vêtu de noir, il court dans les rues de Montréal au lever du soleil.

Le coureur

Photo : Courtoisie / Nicolas Danne / Nicolas Danne

J’ai toujours été très sous l’émotion d’un lever de soleil pendant une course difficile, explique Blanchard. Quand le soleil arrive, tu as une sensation de renaissance et les émotions sont très fortes. Pour le vivre, il faut se mettre dans un état de difficulté physique et mentale pendant quelques heures.

Il a vécu ce lever de soleil dans le secteur de Cartierville, dans le nord de l’île. La chaleur lui a fait grand bien, mais elle n’a pas dissipé tous les doutes. À l’intersection des boulevards Gouin et Saint-Laurent, il s’est remis en question.

Ç’a été très dur, parce qu’en regardant à droite, je me suis dit que mon appartement et mon sofa n’étaient qu’à 7 kilomètres de course. Personne n’était au courant de mon projet, j’aurais pu dire : "Stop, j’ai déjà fait plus de 60 kilomètres et je rentre chez moi et c’est bien correct comme ça." J’ai réfléchi et j’ai plutôt opté pour continuer tout droit et attaquer les 60 kilomètres qui me séparaient de mon objectif.

Animaux, arcs-en-ciel et crémeries 

Le choix de courir la nuit n’était pas non plus indissociable de l’air du temps. Dans un souci de distanciation sociale, Mathieu Blanchard allait bien sûr croiser moins de monde la nuit. 

Quand tu cours aussi longtemps, tu entres dans une sorte de bulle et tu cours comme un robot sans trop réfléchir, explique-t-il. Quand il y a des gens sur le trottoir que tu dois éviter, ça rend les choses plus difficiles. En courant la nuit, j’allais croiser moins de personnes. En fait, j’ai couru en pleine rue la plupart du temps.

Il court dans les rues de Montréal.

Mathieu Blanchard

Photo : courtoisie : Nicolas Danne

Il a été surpris de croiser des promeneurs avec leur chien ou encore des cyclistes à 3 h. Il a aussi surpris un homme sur un banc en pleine séance de méditation et a lui-même été étonné de voir, au travers des vitres, des gens attablés si tard dans la nuit.

Il a vu des écureuils, des marmottes, des outardes, un renard et a même entendu un hibou. Il a aussi vu une mouffette et en a senti plusieurs autres. 

Il était tout de même impossible pour lui d’oublier la pandémie. Les arcs-en-ciel dessinés l’ont réchauffé et motivé à continuer. 

« Il y en avait partout dans les fenêtres des maisons et ça m’a apporté une sorte de chaleur pendant la nuit. Ça m’a rappelé que Montréal est une ville chaleureuse et pleine d’espoir. J’ai aussi relativisé la perte de nos libertés individuelles en courant le long des murs du centre de détention de Montréal (la prison de Bordeaux). En France, les gens ne peuvent courir que pendant une heure dans un tout petit rayon près de leur résidence. On n’en est pas là. »

— Une citation de  Mathieu Blanchard, coureur

Installé à Montréal depuis 2014, Mathieu Blanchard a découvert des quartiers qui, selon lui, devraient être davantage mis en valeur par les organisations touristiques. À ses yeux, la périphérie de l’île de Montréal, avec ses parcs, n’a rien à envier au centre-ville.

Il se promet de refaire le trajet à vélo cet été pour une tout autre raison. 

J’ai croisé environ 30 crémeries et ça m’a surpris de voir qu’il y en avait autant. Comme la crème glacée est mon péché mignon, je vais faire l’équivalent de la route des vins en France, mais en route des crèmes glacées, dit-il à la blague. C’est facilement le type de commerces que j’ai le plus remarqué dans ce grand tour.

Il prend la pause devant un panneau de service au volant.

Le coureur Mathieu Blanchard devant une crémerie de Montréal

Photo : courtoisie : Nicolas Danne

Mathieu Blanchard vit pour la course. Il planche déjà sur de nouveaux projets. Il avait des compétitions d’endurance prévues à la fin mai et à la fin du mois de juin et entend les remplacer par des défis personnels dans la région montréalaise. Pour l’instant, l’ingénieur garde ses plans pour lui.

L’exploit qu’il vient de réaliser a toutefois déjà été homologué par Fastest Known Time, un site web qui répertorie les meilleurs temps réalisés dans des parcours en sentiers et en milieu urbain partout dans le monde.

Les coureurs les plus motivés peuvent maintenant s’attaquer à sa marque.

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