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Jouer au hockey avec un trouble du spectre de l'autisme, la tête en paix

Un entraineur parle à ses jeunes joueurs.

Les villes de Saint-Jean sur Richelieu, Varennes, Chambly et Sainte-Julie ont embarqué dans le projet de hockey adapté.

Photo : Radio-Canada

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

« Le hockey adapté, ça veut dire qu'on s'adapte. Le besoin des enfants, c'est la priorité. Et quand les parents nous partagent les petites victoires de leurs enfants, ça devient émotif. C'est notre paye à nous. »

Vicky Jolicoeur est la maman d'un jeune hockeyeur. Le type d'entraîneuse-chef avec un enthousiasme contagieux. Ce matin-là, une douzaine de joueurs passionnés attendaient avec impatience ses dernières directives avant de se rendre sur l'une des patinoires du Sportplex de l'Énergie à Varennes.

Une femme souriante

Vicky Jolicoeur, responsable du hockey adapté à Varennes, tente de bâtir une association régionale pour toute la Rive-Sud.

Photo : Radio-Canada

« Le hockey adapté est réservé aux jeunes de 6 à 17 ans qui vivent avec un TSA, un trouble du spectre de l'autisme. Ç’a été créé pour eux. C'est une belle grande famille. Ici, on se retrouve sans jugement », précise la responsable du club de hockey adapté de Varennes.

Trois jeunes joueurs de hockey, coiffés de casques.

Les joueurs sont regroupés selon leur niveau de jeu.

Photo : Radio-Canada

Dans un coin du vestiaire, un papa souriant aide son fils à enfiler son chandail. Devant lui, un autre père s'affaire à lacer les patins de son garçon.

« Je joue au hockey et je n'ai jamais vu un esprit d'équipe comme celui-là, dit Steve en secouant l'épaule de son fils Félix. Je lui ai proposé d'essayer le hockey adapté et il a tout de suite accepté. Ça l'aide à combattre son anxiété. Ça l'apaise... »

« Un peu pas mal », acquiesce aussitôt le jeune homme.

Jonathan est fier de son garçon. Assis à ses côtés, il se remémore les premiers coups de patin d'Anthony.

« Nous avions reçu son diagnostic d'autisme et nous savions qu'il ne pourrait pas s'intégrer à une équipe régulière. Ma femme et moi sommes tombés sur le site du hockey adapté. Ç’a donné un beau fit et on a aujourd'hui un beau grand joueur de hockey! »

Johathan tape la jambe d'Anthony. On ressent chez lui beaucoup d'admiration pour le travail accompli par son garçon de 13 ans.

Une maman observe la scène près de son préféré, un petit gardien de but plutôt timide au fond du vestiaire.

« C'est notre Carey Price junior », lance Anthony, taquin.

Sean ne bronche pas. Il paraît un peu intimidé par la caméra. Sa mère Anne-Marie saute sur l'occasion pour expliquer les bienfaits du hockey adapté.

« J'ai cherché longtemps avant de trouver, raconte-t-elle. Sean rêvait de devenir gardien de but comme son idole Carey Price. C'est déjà notre troisième année ici. Sean a amélioré son côté sociabilité. On se sent comme chez nous ici, ça va bien. »

Faire tomber les barrières

Pour que des jeunes comme Sean puissent s'épanouir dans le milieu du hockey, il a fallu que des gens fassent d'abord tomber des barrières. Qu'ils croient fermement en leur projet, comme s'ils voulaient gagner la Coupe Stanley.

Il y a cinq ans, à Saint-Jean-sur-Richelieu, est née la première équipe de hockey adapté. C'était bien sûr l'idée d'une mère et d'un père d'enfants autistes. Le duo irrésistible a su bien s'entourer et être convaincant. Appelons-les Sidney Crosby et Evgeni Malkin du hockey adapté. Aujourd'hui, les villes de Varennes, de Chambly et de Sainte-Julie ont emboîté le pas grâce aux efforts de nombreux autres parents bénévoles.

Un homme coiffé d'un casque de hockey

Karel Brossard, cofondateur du hockey adapté à Saint-Jean-sur-Richelieu

Photo : Radio-Canada

« On frôle les 80 joueurs, ç’a vraiment fait un boum, affirme Karel Brossard, cofondateur du hockey adapté à Saint-Jean-sur-Richelieu. On a été reçus à bras ouverts dans toutes les villes. On s'engage à aider les associations de hockey mineur qui voudraient former une équipe. »

En hockey adapté, les joueurs sont réunis selon leur calibre de jeu, l'âge n'est donc pas un facteur.

« Un garçon de 13 ans, qui n'a jamais touché à une rondelle, va commencer avec des joueurs comme lui, même s'ils sont plus jeunes. Tandis qu'un garçon de 10 ans avec de bonnes habiletés pourra aller jouer avec le groupe avancé, affirme Vicky Jolicoeur. On respecte les règles du hockey régulier, mais sans les punitions. On préfère plutôt avertir les joueurs et leur expliquer ce qu'ils n'ont pas le droit de faire. Et on ne compte pas les buts... »

Hockey Québec a officiellement reconnu le hockey adapté comme l'une de ses divisions en septembre 2019. Au même titre que les niveaux atome, pee-wee et bantam.

« Comme fédération sportive, notre désir est que tous les jeunes puissent jouer au hockey. Cette reconnaissance sert à aider les associations de hockey mineur qui voudraient former leur équipe de hockey adapté. La première démarche de débroussaillage a été faite. Des associations ont déjà manifesté leur intérêt, c'est certain qu'on envisage la naissance de programmes de hockey adapté comme celui sur la Rive-Sud de Montréal. C'est le modèle qu'on souhaite voir partout. »

— Une citation de  Marie-Joëlle Desaulniers, directrice des communications, image de marque, à Hockey Québec

Un grand-papa conquis

L'humoriste Pierre Légaré est le grand-père de deux garçons autistes. Avec le temps, les rendez-vous à l'aréna sont devenus incontournables.

Pierre Légaré

L'humoriste Pierre Légaré s'enthousiasme pour le hockey adapté.

Photo : Radio-Canada

« J'ai compris l'importance que ça représentait pour moi. De les voir s'épanouir grâce au hockey adapté. Ils ont un plaisir énorme, dit-il. Pour ces enfants, tous les coachs, mères et pères sur la glace deviennent leurs parents. »

Pierre Légaré arpente les corridors du Sportplex de Varennes. On le sent engagé. Il accompagne les parents de ces enfants dans leur mission. Une mission parmi tant d'autres lorsque votre enfant vit avec un TSA.

Ce dimanche-là, les jeunes allaient découvrir les couleurs de leur nouveau chandail. Des journalistes étaient invités. Il fallait faire les choses correctement.

Pierre Légaré s'approche de ses petits-fils avant qu'ils entrent au vestiaire avec leur père. Il entoure affectueusement de ses bras Arthur et Christophe, qui écoutent leur grand-papa parler en bien d'eux.

« Moi, je fais ce que mon grand-papa me dit de faire, je marque beaucoup de buts », confie le plus petit.

La remarque d'Arthur fait éclater de rire son grand-père.

« Ces enfants ont un problème de socialisation. Ils ont un adversaire de plus à vaincre, c'est eux-mêmes. Ils sont tous différents, mais ils sont tous à nous autres. Pendant qu'on se parle, il y a un gardien de but qui fait des arrêts. Au début de la saison, c'est son équipement qui le gardait debout parce qu'il avait une difficulté motrice. Aujourd'hui, tu te souviens d'où il est parti pour faire ce qu'il fait. C'est l'équivalent d'être un superhéros. »

— Une citation de  Pierre Légaré, grand-père de deux joueurs de hockey

Pierre Légaré continue son discours inspirant. Il ne tarit pas d'éloges pour les pionniers du hockey adapté.

« C'est parti de l'idée d'un gars à Saint-Jean-sur-Richelieu en 2015. Lui, il s'est dit : "Comment je fais?" Et il l'a fait. Je trouve ça génial. Ces enfants en hockey adapté, ils achètent le vendeur. Ils décident vite s'ils peuvent te faire confiance. Et quand ça se manifeste, qu'ils font des progrès sur la glace ou dans leur vie, je sais que je ne me suis pas levé pour rien ce matin-là. »

We are the champions

Dans les gradins, les applaudissements se font entendre à maintes occasions. Les parents forment un seul clan.

Une dizaine de joueurs sur la glace.

Depuis septembre dernier, Hockey Québec a reconnu le hockey adapté comme une division officielle.

Photo : Radio-Canada

« C'est pas seulement encourager notre enfant, mais ceux de l'autre équipe aussi, insiste Mireille, dont le fils autiste joue au hockey adapté depuis cinq ans. Il faut applaudir ses réalisations. Le hockey adapté l'a amené à réfléchir, à penser à l'autre. Et comme parents, on évolue ensemble ici, même si nos réalités ne sont pas toutes semblables à la maison. »

Le match entre les équipes de Saint-Jean-sur-Richelieu et de Varennes se déroule à un bon rythme. Le jeu en défense n'est pas à point. Il y a des brèches à colmater.

Disons que Claude Julien aurait du pain sur la planche pour resserrer le jeu en zone défensive.

À maintes reprises, les attaquants réussissent à s'échapper seuls vers le gardien adverse. Le petit Sean réussit de beaux arrêts. On remarque dans sa posture et ses déplacements qu'il a sûrement beaucoup observé son idole Carey Price. Sa maman avait raison. Et il semble prendre son rôle au sérieux.

Tous les joueurs ont le coeur à l'ouvrage, même si certains n'ont pas un très bon coup de patin. Par contre, ils foncent au filet avec la même vigueur que Brendan Gallagher.

Assis sur le banc, Charles-Étienne n'hésite pas à commenter l'allure du match.

« Je trouve que ça va bien. Les deux équipes ont de bonnes stratégies pour faire de bons jeux de passes. »

Son père Steve est l'entraîneur-chef. Il aimerait tellement que les enfants de partout au Québec puissent tenter l'expérience du hockey adapté.

« Tout ce que ça prend, c'est une personne dans une ville prête à s'investir. Et je dis bien s'investir, parce ce que c'est beaucoup de travail. Mais nous pouvons aider les associations pour qu'elles fassent comme nous à Saint-Jean-sur-Richelieu, Chambly, Sainte-Julie et Varennes. Le hockey adapté amène une confiance à ces jeunes. Ils vivent l'appartenance à une équipe. Mais ça va au-delà du hockey, ça se reflète dans son comportement à l'école. »

— Une citation de  Steve Paradis, entraîneur de l'équipe de hockey adapté à Saint-Jean-sur-Richelieu

Karel Brossard est sur la patinoire, Vicky Jolicoeur aussi. Durant les arrêts de jeux, ils se rendent au banc des joueurs pour prodiguer leurs conseils à ces hockeyeurs du dimanche.

« Vous étiez les deux gars du même bord, chacun votre côté, n'oubliez pas ça! », insiste Karel Brossard devant deux défenseurs.

« J'ai vu ce que Karel a fait à Saint-Jean-sur-Richelieu, j'ai voulu faire comme lui et ouvrir des portes à Varennes. On veut que ce projet grandisse ensemble », déclare Vicky Jolicoeur.

Après plus d'une heure de jeu intense, il n'y aura pas d'équipe gagnante à la fin du match.

We are the champions?

Bien oui, c'est sur cette musique que les joueurs des deux équipes se serraient la main.

En hockey adapté, c'est plus que vrai.

La victoire, c'est que tous ces jeunes autistes puissent être réunis pour pratiquer leur sport favori, la tête en paix.

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