La réalité virtuelle au service des athlètes

Un joueur de basketball des Gaiters de l'Université Bishop's travaille en réalité virtuelle.
Photo : Radio-Canada / Antoine Sirois
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les meilleurs athlètes du monde sont tous techniquement doués et capables de gestes d’exception. Des tirs hors d'équilibre, des passes voilées, des manœuvres qui ont été répétées des milliers de fois.
Au basketball, par exemple, être un bon passeur ne sert à rien si l'on n’envoie pas le ballon au bon endroit. Encore faut-il prendre la bonne décision.
« J’ai toujours trouvé qu’il était très difficile d’entraîner des athlètes à la prise de décision, explique Caleb Pagé, coordonnateur du programme sport-études de basketball masculin de l’école le Boisé à Victoriaville. C’est facile de dire à un joueur comment rectifier une erreur technique, mais tactique, c’est extrêmement difficile. »
M. Pagé, qui est aussi détenteur d’une maîtrise en contrôle et apprentissage moteur de l’Université de Sherbrooke, s’est intéressé au sujet. Avec des collègues des universités de Sherbrooke et Bishop’s, il s’est penché sur l’apport de la réalité virtuelle dans l’amélioration de la prise de décision.
Leurs travaux montrent les gains appréciables de l’utilisation de cette technologie pour des joueurs de basketball. Leur étude a été publiée dans le Journal of Sports Sciences.
Le groupe de chercheurs a soumis 27 basketteurs élites de l’Estrie à leur démarche. Un tiers des participants a servi de groupe test, un tiers a été soumis à des mises en situation de jeu sur un écran traditionnel et le dernier tiers avec des lunettes de réalité virtuelle.
Les chercheurs ont d’abord évalué la capacité des cobayes à prendre de bonnes décisions sur un terrain de basket. Puis, ils ont soumis les groupes deux et trois à quatre séances d’études vidéo.
Les athlètes étaient chaque fois soumis à 50 courtes mises en situation dans lesquelles ils devaient juger quelle action était la plus appropriée à un moment précis. À leur retour sur le terrain, les deux groupes avaient amélioré leur prise de décision lorsqu’on les soumettait à des jeux qu’ils avaient vus lors de leurs séances.
Toutefois, seuls les athlètes qui ont eu accès à la réalité virtuelle ont amélioré leurs prises de décisions lorsqu’ils ont été soumis à de nouveaux patrons de jeu, des situations qu’ils n’avaient pas analysées dans leur séance.
Le gain est d’environ 30 % par rapport au groupe qui a étudié les mises en situation sur un écran traditionnel.
Pour Maxime Trempe, professeur à l’Université Bishop’s et directeur des travaux de maîtrise de Caleb Pagé, cette conclusion est loin d’être banale.
« Ça veut dire que nos athlètes entraînés en réalité virtuelle étaient capables de généraliser leur apprentissage à des situations de jeu complètement différentes, explique-t-il. Si on se met dans la peau d’un entraîneur, c’est significatif. »
« Avec des entraînements en réalité virtuelle, pendant les voyages ou encore quand un joueur est blessé, il peut continuer de s’améliorer mentalement et cognitivement grâce à cet outil-là », ajoute Caleb Pagé.
L’un des participants à l’étude, Yassin Naji, joueur des Gaiters, était sceptique lorsqu’on lui a parlé du projet initialement. Il admet qu’il a vu une différence.
« Après m’être exercé avec la réalité virtuelle, j’ai trouvé ça vraiment intéressant parce que je ne n’étais pas habitué, par exemple, à couper sous le panier, dit-il. J’arrivais vraiment à voir l’occasion. Je me sentais plus relaxe dans mes choix. »
Reste à expliquer les causes des gains
Pour Maxime Trempe, Caleb Pagé et leur collègue Pierre-Michel Bernier, professeur à la Faculté des sciences de l’activité physique à l’Université de Sherbrooke, les résultats obtenus ouvrent la voie à d’autres travaux.
Leurs données montrent clairement les gains obtenus au basketball grâce à la réalité virtuelle. Reste maintenant à expliquer les causes.
« C’est spéculatif pour l’instant, mais on pense que dans l’entraînement en réalité virtuelle, les participants n’apprennent pas uniquement à connaître des patrons de jeux, mais deviennent meilleurs à rechercher l’information dans l’environnement. Ils sont capables de moins porter attention aux stimulus qui sont moins pertinents. »
Bref, l’hypothèse du groupe de chercheurs est que la réalité virtuelle amène l’athlète à être meilleur dans sa quête d’informations.
« Nos prochaines études vont tenter de valider ça, ajoute Maxime Trempe. Est-ce que les mouvements des yeux sont différents par exemple? Est-ce que la tête bouge différemment? On doit trouver des réponses à toutes ces questions. »
Pour l’instant, l’utilisation spécifique de la réalité virtuelle est limitée dans l’univers sportif. Pour qu’il soit efficace, le travail en réalité virtuelle doit s’appuyer sur des situations de jeu précises et pertinentes au calibre de l’utilisateur.
Dans la présente étude, par exemple, c’est Caleb Pagé qui a assemblé les séquences. Lui-même ancien joueur universitaire dans la NCAA, il est un spécialiste de ce sport.
« Bien sûr, ça demande une certaine expertise pour la sélection et le montage des images, mais je pense que c’est un outil qui est déjà plus accessible qu’on le pense, souligne-t-il. Les équipes peuvent elles-mêmes acheter les outils et créer leurs propres mises en situation.
« Je suis convaincu que c’est un outil vraiment intéressant, tant dans les sports d’équipe que dans les sports de confrontation individuelle. »