Quelle est la recette du succès du hockey finlandais? Nous sommes allés voir

La Finlande a gagné en 2019 le mondial junior pour la deuxième fois en quatre ans
Photo : Getty Images / Rich Lam
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Il y a des camps de hockey pas comme les autres. Parlez-en à Tristan Luneau, de Trois-Rivières. Le défenseur des Estacades de Trois-Rivières, de la Ligue midget AAA du Québec, a pris part l’été dernier au 16e camp de développement de la Fédération internationale de hockey (IIHF) à Vierumaki, la Mecque du hockey en Finlande.
C’est à cet endroit même que les athlètes se préparent en vue des Jeux olympiques.
Une grosse affaire que ce camp d’été! Des athlètes et entraîneurs de plus de 50 pays s'y sont présentés.
Si Tristan Luneau a découvert d’autres cultures, il a aussi constaté le talent des jeunes Finlandais.
« Je n’ai jamais vu des défenseurs aussi mobiles, des joueurs aussi mobiles de cet âge-là au Canada ou aux États-Unis, lance le joueur de 15 ans. C'est sûr qu'on aurait à apprendre d’eux sur le développement des joueurs. »
Chose certaine, les résultats sont là pour la Finlande.
Ses joueurs peuvent se vanter d’avoir tout gagné, ou presque, l’an dernier en hockey international : le Championnat du monde junior, le Championnat du monde senior et la Coupe Spengler (avec le club de Kalevan Pallo).
Avant 2013, la Finlande ne comptait que 25 de ses espoirs repêchés au premier tour dans la Ligue nationale (LNH). Mais depuis à peine 7 ans, il y en a déjà 20.
C’est en 2009 que le hockey finlandais a complètement repensé son approche, avec la tenue d’un grand sommet à l’Institut national du sport de Finlande à Vierumaki.
Une des conclusions? Se concentrer sur la personne d’abord.
Les Finlandais se sont fait la promesse de développer d’abord l’être humain avant l’athlète et le joueur de hockey.
Ils ont ainsi choisi de mettre davantage l’accent sur les compétences de vie des jeunes : comment traiter les autres, dire merci, bien manger.
« Si un jeune veut devenir un excellent joueur de hockey et aspirer à la LNH, il doit réaliser qu’il est important de bien se comporter, de bien interagir avec ses coéquipiers, de faire preuve d’esprit sportif, de ne pas abuser des jeux vidéo », explique Kimmo Oikarinen, directeur général des équipes nationales junior et d’âge mineur à la Fédération finlandaise de hockey.

Kimmo Oikarinen, directeur général des équipes nationales junior et d’âge mineur à la Fédération finlandaise de hockey
Photo : Radio-Canada
« Dans le monde d’aujourd’hui où tout est centré sur soi, nous devons apprendre aux jeunes à mettre leur ego de côté », enchaîne Kalle Valiaho, responsable du hockey mineur finlandais.
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La Finlande a surtout dû composer avec cette réalité : le nombre restreint de ses joueurs de hockey, environ 70 000.
Avec un si petit bassin de joueurs, le pays ne peut pas se permettre d’être sélectif. Tout le monde joue. Il n’y a aucun camp de sélection.
« De toute façon, explique-t-il, les études démontrent qu’il est impossible de connaître à l’avance le potentiel d’un jeune. »
La Finlande a donc décidé de mieux former ses jeunes. Et la clé est d'embaucher des entraîneurs professionnels pour guider les bénévoles.

En Finlande, un joueur peut se spécialiser comme gardien vers 14 ou 15 ans
Photo : Radio-Canada
Autre réalité finlandaise, le nombre d’arénas. Vous l’aurez deviné, il n’y en a pas beaucoup. Les coûts pour la glace sont parmi les plus importants au hockey mineur finlandais.
Encore une fois, il a fallu faire autrement. Il n’est pas rare de voir 40, 50 ou même 60 joueurs s’entraîner en même temps sur une glace en Finlande.
Et tous les niveaux (A, AA et AAA) se retrouvent à patiner en même temps.

Des joueurs de tous les niveaux s'entraînent ensemble en Finlande
Photo : Radio-Canada
Ce qui surprend encore plus, c’est qu’il n’y a pas d’attente. Tout le monde bouge. On divise la glace en stations d’exercices. Et on adapte l’espace en fonction de ce que l’on veut enseigner.
Les Finlandais utilisent donc des espaces restreints, et pas seulement par nécessité. On veut que les jeunes soient créatifs.
Dans un match de la LNH, les cinq joueurs peuvent se retrouver dans la moitié de la zone offensive. Si des adultes doivent être créatifs dans un si petit espace, alors pourquoi donner autant de glace aux enfants? Ça ne les aide pas à être créatifs.

Kalle Valiaho, responsable du hockey mineur finlandais
Photo : Radio-Canada
En Finlande, les jeunes jouent sur des demi-glaces et même sur des quarts de glace jusqu’à l’âge de 10 ans. Donc, les joueurs et joueuses nés en 2009 commencent à jouer sur la patinoire entière cette saison seulement.
Le jeu en espaces restreints a fait son chemin jusqu’ici.
Au Canada, le hockey demi-glace est tout nouveau. C’est cette saison que Hockey Canada a implanté ce programme pour les joueurs novices, soit les jeunes de 7-8 ans.
Grâce à ses projets pilotes des dernières saisons, Hockey Québec est déjà en mesure d’observer les bienfaits de la demi-glace.
« Au début, les parents et les entraîneurs étaient plus réfractaires au changement, au jeu en espace restreint, explique le directeur général de Hockey Québec, Paul Ménard. Mais ils ont vu et constaté que le jeune touche plus souvent à la rondelle, développe davantage ses habiletés et est plus impliqué dans le jeu. Ils adhèrent donc maintenant au programme. »
La Finlande veut aussi développer la créativité d’une autre manière. On demande aux entraîneurs de laisser les jeunes se débrouiller face à différentes situations de jeu. Il s’agit en fait de les guider vers la solution. Et non d’imposer une façon de faire.
Oui, ça prend du temps. Le résultat ne sera pas instantané sur la glace, mais plus payant à long terme, ajoute M. Valiaho.
Nous ne voulons pas que nos jeunes agissent comme des robots. Nous voulons qu’ils réfléchissent sur la glace. Et les études le prouvent. Lorsque vous devez trouver la solution vous-même, vous vous en souvenez toujours.

Des joueurs se reposent entre deux exercices
Photo : Radio-Canada
C’est une approche que les Américains ont aussi étudiée. Kalle Valiaho a passé six mois à Aspen en 2016-2017. S’il a vu de la résistance de la part de parents, la majorité des entraîneurs ont acheté l’approche même si c’était nouveau pour eux. Et à la fin de la saison, ils ont pu constater certaines avancées.
Pourtant, l’Amérique du Nord a souvent été celle qu’on copie. Jari Korpisalo le sait trop bien.
Cet ancien joueur finlandais a passé une saison avec les Bisons de Granby en 1985-1986. Il s’est retrouvé aux côtés de Pierre Turgeon, de Stéphane Quintal et de Marc Bureau.
Pourquoi Granby?
Parce que les dirigeants de l’équipe nationale finlandaise voulaient qu’il s’habitue au hockey nord-américain en vue de compétitions internationales.

Joonas Korpisalo, gardien des Blue Jackets de Columbus
Photo : Getty Images / Mike Carlson
Aujourd’hui, c’est la Finlande qu’on surveille de près. Son fils, Joonas, est gardien de but avec les Blue Jackets de Columbus. Et selon lui, le fait d’avoir été dirigé par des entraîneurs de gardiens de but en bas âge en Finlande n’y est pas étranger.
Ce qui distingue aussi le pays, c’est la souplesse de ses règles. Par exemple, au lieu d’être substitut du gardien pour un match, le jeune sera appelé à jouer à une autre position pendant ce match. Pour apprendre le hockey d’une autre perspective.
Le gardien no 2 des Predators de Nashville, Juuse Saros, a commencé à se concentrer sur la position de gardien à 14 ans seulement, fait remarquer M. Valiaho. Auparavant, il jouait à plusieurs positions.

Juuse Saros, gardien no 2 des Predators de Nashville
Photo : Getty Images / Ethan Miller
On vous le disait plus haut, les Finlandais misent sur la personne avant l’athlète et le joueur de hockey. Et pour devenir un athlète, ils encouragent fortement les jeunes à s’adonner à plus d’un sport. Surtout les sports qu’on pratique avec une balle, comme le soccer, le baseball, le basketball. Un atout crucial, surtout en bas âge, explique la Fédération finlandaise.
« Nous demandons aux jeunes de moins de 15 ans de pratiquer autant de sports que possible, dit Kimmo Oikarinen. Ça suscite la créativité et ça aide le jeune à comprendre les situations de jeu. »
L’éducation est aussi faite auprès des parents et des entraîneurs. Tout ça, au nom du développement de l’athlète et éventuellement du joueur de hockey.
Vous êtes un meilleur entraîneur si vous développez trois ou quatre joueurs pour l’équipe nationale au lieu de vouloir gagner tous les matchs.
Et pas question pour la Fédération finlandaise de s’asseoir sur ses succès. Car le déclin sera alors déjà commencé.

Un entraîneur donne ses directives pendant une séance
Photo : Radio-Canada