ChroniqueLa disparition de la LCHF n’est pas le plus grave problème du hockey féminin canadien

Lauriane Rougeau (no 5) et Rebecca Johnston (no 6)
Photo : Les Canadiennes de Montréal / Anne-Marie Pellerin
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
BILLET - On savait depuis l'automne dernier que quelque chose clochait au sein de la Ligue canadienne de hockey féminin (LCHF). L'annonce, dimanche, de la disparition de cette ligue semi-professionnelle n'était donc pas une immense surprise.
Malgré un budget annuel modeste d'environ 3 millions, la LCHF fonctionnait beaucoup (depuis sa création en 2007) grâce au soutien de gens d’affaires et de philanthropes passionnés par le hockey et désireux de faire progresser la situation des femmes dans le monde du sport et dans la société en général.
Le Sherbrookois Graeme Roustan faisait partie de ceux qui soutenaient financièrement la LCHF depuis le début.
Il n’y a pas plus passionné de hockey que Roustan. Ce dernier a notamment quitté Wall Street, à la fin des années 1980, dans l’espoir d’implanter une équipe de la LNH à San José. Il y a quelques années, c’est Roustan qui pilotait le projet pour implanter une deuxième équipe de la LNH à Toronto. L’une de ses entreprises, qui produit des systèmes de réfrigération, a subventionné un grand nombre de patinoires extérieures des fondations pour l’enfance du Canadien et des Sénateurs d’Ottawa.
Il a possédé durant plusieurs années l’équipementier Bauer, qui a connu une forte croissance sous sa direction. Et l’an dernier, Graeme Roustan est devenu propriétaire de The Hockey News afin d’assurer la pérennité de cette publication spécialisée, qui est une véritable institution dans le monde du hockey.
Roustan est par ailleurs une sommité en matière de gouvernance et de pratiques commerciales. L’automne dernier, quand il avait demandé aux nouveaux dirigeants de la LCHF de lui permettre de consulter les états financiers détaillés de la ligue (et particulièrement les comptes de dépenses des directeurs), cette demande lui avait été refusée.
Après cette réponse, l’homme d’affaires avait tout simplement repris ses billes. Pour être certain d’éviter toute ambiguïté, il avait ensuite publié un communiqué expliquant qu’il ne faisait pas confiance à la nouvelle équipe de dirigeants.
La nouvelle présidente de la ligue, Laurel Walzak, s’était défendue bien timidement, disant simplement regretter cette « différence d’opinions ».
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En grattant un peu, un collègue du Toronto Star s’est rendu compte qu’une douzaine de gouverneurs et/ou directeurs qui avaient porté la ligue à bout de bras (en faisant bénéficier la LCHF de leurs contacts ou en signant des chèques) avaient aussi mis les voiles. Parmi eux : l’ex-président des Leafs Brian Burke, l’ex-athlète olympique Cassie Campbell-Pascall, l’ex-agent et actuel directeur de la Fondation de Maple Leafs Sports and Entertainment Mike Bartlett, la femme d’affaires Arlene Dickinson et la philanthrope Sandi Treliving.
Il n’y a pas de fumée sans feu.
Et voilà que quatre mois plus tard, la LCHF publie un communiqué annonçant qu’elle met fin à ses activités et que son « modèle d’affaires n’est pas viable ».
La LCHF jouait un rôle important dans notre écosystème sportif. Elle participait à l’essor du hockey féminin et permettait à nos meilleures hockeyeuses, dont nos athlètes olympiques, de continuer à pratiquer leur sport dans un environnement compétitif après leur passage dans les rangs universitaires. Il est donc extrêmement dommage de la voir disparaître.
En même temps, la fin des activités de la LCHF permettra probablement d’accélérer le processus d’unification du hockey féminin en Amérique du Nord. Compte tenu du bassin de joueuses disponibles, il était anormal que deux ligues rivales (la LCHF comptant 6 équipes et la NWHL regroupant 5 formations aux États-Unis) tentent de survivre chacune de leur côté.
Dans la NWHL, l’équipe de Buffalo appartient à la famille Pegula, qui possède aussi les Sabres. La formation de Boston, le Pride, est en partenariat avec les Bruins. Et les Metropolitan Riveters profitent du soutien des Devils du New Jersey. Une joueuse de cette ligue, Kendall Coyne, a participé au concours d’habiletés des joueurs de la LNH à Nashville en février dernier. Sa présence a été fort remarquée. Et plus de 6000 personnes ont assisté au match des étoiles de la NWHL, qui était aussi présenté à Nashville.

Kendall Coyne
Photo : Getty Images / Ezra Shaw
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Il n’y a qu’un pas à franchir pour imaginer que des équipes de la LCHF, comme les Canadiennes de Montréal, l’Inferno de Calgary ou les Furies de Toronto, continuent de profiter de leurs partenariats avec le Canadien, les Flames et les Leafs et rapidement se joindre au circuit rival.
La semaine dernière, la finale de la Coupe Clarkson opposant les Canadiennes à l’Inferno a généré des cotes d’écoute de 175 000 personnes. Le hockey féminin est déjà assez bien enraciné dans notre univers sportif et il n’en disparaîtra pas.
Pour l’instant, le plus gros problème du hockey féminin canadien réside dans le fait que le développement de nos joueuses les plus talentueuses soit accompli par des universités américaines. Aux derniers Jeux de Pyeongchang, une seule joueuse de l’équipe canadienne, Mélodie Daoust, provenait d’une université canadienne (McGill).
Si le Canada veut réellement faire croître le volet féminin de son sport national, il va un jour falloir se réveiller et offrir un réseau de développement digne de ce nom à nos 84 000 joueuses.