Le déclin de l’empire Canadien (troisième partie)

Marc Bergevin, directeur général du Canadien de Montréal
Photo : The Canadian Press / Graham Hughes
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
« Tu ne peux pas revenir avec la même chose et espérer des résultats différents », soutenait Marc Bergevin en avril dernier. Dimanche, après avoir complété ses emplettes du 1er juillet, le DG plaidait exactement le contraire! Il s'attend à ce que la même formation (il a même rapatrié Tomas Plekanec) produise un résultat différent.
Il y a trois mois, nous avions quitté la traditionnelle conférence de presse de fin de saison de Geoff Molson et de Marc Bergevin en nous disant qu’un fort vent de changement allait balayer le Centre Bell.
Avant de laisser tomber le rideau sur l’une des pires saisons de l’histoire de l’organisation, le propriétaire et le DG n’avaient pas mâché leurs mots.
Geoff Molson avait souligné que le statu quo était inacceptable et qu’un changement de culture s’imposait au sein de l’organisation. Et Marc Bergevin avait défrayé la chronique en qualifiant d’inexcusable l’attitude générale de son équipe et en annonçant une révision complète du secteur hockey.
« Tu ne peux pas revenir avec la même chose et espérer des résultats différents », avait plusieurs fois répété le directeur général.
Trois mois après cette conférence de presse, il est clair que les bottines n’ont pas suivi les babines, comme on dit dans certaines régions du Québec.
La « révision complète » du secteur hockey a généré quelques changements périphériques (entraîneurs adjoints, entraîneur du club-école, départ de Rick Dudley et congédiement de quelques recruteurs à temps partiel).
Quant à la formation ayant produit la gênante 28e place de la saison 2017-2018, elle est à peu près intacte. La montagne a accouché non pas d’une souris, mais d’une fourmi.
- Sur le flanc gauche, Alex Galchenyuk a été remplacé par Max Domi, un athlète combatif et talentueux que les partisans apprendront à aimer.
- Sur le flanc droit, le Finlandais Joel Armia s’amène de Winnipeg. C’est un ajout intéressant. Armia est capable de s’imposer physiquement et de générer de l’attaque. Au sein de la dominante formation manitobaine, il était confiné à un rôle de troisième trio. À Montréal, il aura la chance de lutter pour obtenir davantage de responsabilités.
- À la ligne bleue, on note l’arrivée de Xavier Ouellet, un intelligent défenseur gaucher de 24 ans qui était mal utilisé par les Red Wings de Détroit. Originaire de Terrebonne, Ouellet se présentera avec la ferme intention de décrocher un poste de partant. Il pourrait causer le même genre de surprise que Paul Byron au sein de l’organisation. Il faudra toutefois qu’on lui laisse une vraie chance de se faire valoir au sein de la brigade rapiécée du CH.
Voilà les trois principales additions apportées par la direction. Même si elles sont toutes susceptibles d’avoir un impact positif sur l’équipe, elles seront nettement insuffisantes pour redresser une équipe de 28e place.
« Tu ne peux pas revenir avec la même chose et espérer des résultats différents », soutenait Marc Bergevin en avril dernier.
Dimanche, après avoir complété ses emplettes du 1er juillet, le DG plaidait exactement le contraire! Il s’attend à ce que la même formation (il a même rapatrié Tomas Plekanec) produise un résultat différent. La saison dernière, seulement deux joueurs ont performé à la hauteur de leur talent, a expliqué Bergevin. Il s’attend donc à mieux la saison prochaine et il espère que les jeunes de l’équipe continueront à grandir et seront capables d’en donner plus.
S’agit-il de pensée magique? Dans la LNH, une équipe qui fait du surplace ou qui se contente de changements modestes durant l’été a fort peu de chances de bondir vers l’avant la saison suivante.
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L’été du Tricolore n’est toutefois pas fini. Maintenant qu’on a fait le tour des additions, parlons un peu des soustractions.
Auprès des autres directeurs généraux de la LNH, Marc Bergevin apparaît comme un homme très déterminé à se départir du capitaine Max Pacioretty. Et puisque Pacioretty est sur le point d’entamer la dernière année de son contrat, le CH sera dans l’impossibilité d’obtenir une contrepartie intéressante si le capitaine n’accepte pas de signer une nouvelle entente à long terme avec sa future équipe.
Le Canadien et Pacioretty sont en quelque sorte pris dans une impasse mexicaine. Le DG ne peut procéder à cet échange sans trouver un partenaire de danse qui sera prêt à lui offrir une généreuse contrepartie et qui en plus satisfera aux critères et aux demandes financières de son attaquant vedette.
Vues sous cet angle, les chances de voir Pacioretty amorcer la prochaine saison à Montréal apparaissent quand même assez élevées. Si ça se produit, imaginez les hypothèses, l’inconfort, le bordel médiatique...
Au bout du compte, Pacioretty figure au 10e rang des meilleurs buteurs de la LNH depuis la saison 2012-2013. Dans l’uniforme du Bleu-blanc-rouge, il a inscrit 173 buts durant cette période, soit 55 de plus que son plus proche poursuivant, Brendan Gallagher. Peu importe le moment où cet échange surviendra (maintenant, en cours de saison ou à la date limite des échanges), il semble déjà acquis que le Canadien n’obtiendra pas une production équivalente en retour de ses services.
Le CH n’a inscrit que 207 buts la saison dernière, ce qui lui a valu le 28e rang de la LNH en attaque. Les buts se paient à prix d’or dans cette ligue. Quand Pacioretty sera parti, l'équipe se sera tout de même débarrassée de deux de ses trois meilleurs buteurs (l’autre étant Galchenyuk) en l’espace de quelques mois. Ce ne sont pas des mouvements de personnel anodins.
Ceux qui croyaient que le CH avait absolument besoin de Carey Price pour gagner des matchs au cours des dernières années n’avaient peut-être encore rien vu.
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Disons les choses comme elles sont. Ce n’était pas le genre d’été que la direction entrevoyait.
Marc Bergevin a tenté de créer du mouvement, de faire des acquisitions et de conclure des échanges (Ryan O’Reilly) au cours des dernières semaines, mais ses démarches n’ont pas abouti. Ça fait maintenant deux étés de suite que le sol se dérobe sous ses pieds.
Quand ça se produit, un DG responsable ne cède pas à la panique. Au lieu de lancer de l’argent par les fenêtres pour bien paraître (aggravant ainsi davantage la situation à moyen terme), il reste sur ses positions et fait de petits gestes, aussi modestes soient-ils, susceptibles de rendre l’avenir meilleur. C’est tout à l’honneur de Bergevin d’avoir réagi de cette manière.
Cela dit, de façon générale, les médias sont très généreux à l’endroit du CH en faisant passer ce qui s’est produit au cours des deux dernières semaines comme une espèce de plan de reconstruction dont on tenterait de dissimuler l’existence aux partisans.
Reconstruire n’était pas le plan que Geoff Molson et Marc Bergevin avaient en tête en avril dernier. Par ailleurs, un DG ayant décidé de tout raser pour repartir à neuf n’aurait pas fait des pieds et des mains pour obtenir des joueurs aguerris au cours des dernières semaines.
Le plan consistait d'abord à améliorer l’équipe immédiatement et, ensuite, à concentrer davantage d’énergie et de minutie sur le recrutement et le développement des jeunes joueurs de l’organisation. Pour la simple et bonne raison que c’est la seule manière de connaître du succès dans la LNH. Et aussi parce que depuis 10 ans, le Canadien figure parmi les cancres de la ligue en matière de recrutement.
La première phase du plan a échoué. C’est aussi simple que ça. Et ça annonce une autre saison difficile.
Maintenant, on parle de reconstruction comme si une légion de jeunes espoirs était sur le point de débarquer au Centre Bell pour amorcer une spectaculaire opération de redressement. Or, la seconde phase du plan commence à peine. Et il n’est pas acquis qu’elle fonctionnera.