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CODERRE
Un maire et ses 140 caractères
Un maire et ses 140 caractères
Avec ses 200 000 abonnés et ses 38 000 tweets, Denis Coderre est l’une des personnalités politiques québécoises, voire canadiennes, les plus actives sur Twitter. Nous avons passé au peigne fin les 4500 tweets qu’il a générés depuis son arrivée à la mairie, le 3 novembre 2013. Les réseaux sociaux permettent-ils aux Montréalais d’influencer leur maire? Analyse.
Si Denis Coderre est connu sur ce réseau social, ce n’est pas uniquement pour son profil politique. Partisan inconditionnel du Canadien, le maire ne ménage pas les 140 caractères lors des matchs. Certains le surnomment même « coach mayor ». Avec raison, puisque parmi les cinq mots-clics les plus souvent utilisés par le maire, trois sont en lien avec le hockey.
Mots-clics les plus souvent utilisés
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Qu’il parle davantage de sport que de politique n’est pas incompatible avec son rôle de maire. « C’est extrêmement stratégique. Le fait de remplir son fil Twitter avec le sport fait partie de sa stratégie pour être en communion avec les citoyens de Montréal », explique Louis Aucoin, spécialiste en politiques publiques chez Octane stratégies.
Mais attention, Montréal va bien, souligne Sébastien Bovet, analyste politique. Dans trois mois, la perception des citoyens pourrait changer si, par exemple, la Ville se portait mal. « La population pourrait se demander pourquoi le maire “tweete” autant pendant le hockey alors qu’il a une crise à gérer. »
Il reste que s’il n’avait jamais manifesté d’intérêt pour le sport avant d’être maire, on pourrait se poser des questions. Rappelons-nous que Denis Coderre a été secrétaire d’État au Sport amateur, entre 1998 et 2002. Il avait préparé le terrain bien avant.
Chose certaine, cette passion rassemble. La preuve : parmi les dix tweets les plus populaires, huit sont reliés aux sports.
Les 10 tweets les plus souvent retweetés
Denis Coderre ne voit pas de problème à parler beaucoup de sport. « C’est ça les réseaux sociaux. Tu partages tes passions. [...] Parce que c’est un réseau, il faut que ça soit social. Il ne faut pas que ça soit juste une annonce, une politique quelconque. Il faut qu’il y ait une relation. »
Guillaume Lavoie, conseiller municipal pour Projet Montréal dans Rosemont - La Petite-Patrie, y voit quant à lui une démonstration de son manque de profondeur.
La notoriété virtuelle de Denis Coderre avec ses quelque 200 000 abonnés dépasse largement celle des maires des principales villes. Un comparatif en tableau.
* Compte officiel Équipe Labeaume
Jean Drapeau représente une époque où les Montréalais avaient un canal de contact direct avec le maire. Il avait sa propre émission de télévision où il intervenait à la suite de remarques citoyennes. Aujourd’hui, avec Denis Coderre, on assiste au retour de ce style de gestion.
Plus du tiers de tous ses tweets sont des réponses à des gens qui s’adressent directement à lui. À titre comparatif, le premier ministre Stephen Harper ne répond pratiquement pas aux internautes (0,9 % de réponses).
Son style de conversation définit son personnage, remarque Louis Aucoin, spécialiste en politiques publiques. Denis Coderre a choisi l’approche consensuelle. Les mots récurrents dans ses réponses, tous positifs, le prouvent. La mairesse Caroline St-Hilaire a aussi adopté ce style. « C’est très rare que j’entre dans les débats. »
Mots les plus souvent utilisés dans les réponses de Denis Coderre et de Caroline St-Hilaire
Denis Coderre
Caroline St-Hilaire
« Faites le test. Tentez de rejoindre le maire ou un conseiller par téléphone ou via Twitter. Le test est assez concluant. Les réponses sont beaucoup plus rapides sur Twitter », affirme Louis Aucoin. Les réseaux sociaux n’influencent pas les grandes orientations politiques, certes. Mais le maire est à l’écoute des citoyens qui se plaignent de ce qui se passe dans leur quartier.
Les pics anti-itinérants installés devant le magasin Archambault, sur la rue Sainte-Catherine, en sont un exemple. Le sujet a enflammé les réseaux sociaux, en juin dernier, soulevant l’indignation générale. Denis Coderre n’a pas tardé à réagir. On lui doit même le mot-clic #PicsDeLaHonte.
Chronologie d’un dossier réglé en moins de deux heures
Il n’existe pas de mode d’emploi pour les magistrats sur les réseaux sociaux. Denis Coderre l’a appris avec son tweet controversé « Un billet simple pour Hamilton pour David Desharnais, svp? ». Son appel à retourner l’attaquant au club-école du Canadien a indigné la twittosphère, les joueurs et même la direction.
Jean-René Dufort, qui le suit depuis ses débuts en politique, remarque que son attitude a changé à la suite de cette controverse. « C’est là que Denis s’est rendu compte qu’il était devenu maire de Montréal, qu’il ne pouvait plus interagir comme si on était ses chums. Il a fallu qu’il fasse une gaffe. Depuis, il est devenu beaucoup plus poli et officiel. »
Denis Coderre n’est pas d’accord. « Je n’ai pas changé d’attitude, mais ce que les autres ont appris de ça, c’est que je suis moi-même et ce n’est pas parce que je suis le maire de Montréal que je vais changer. »
Ceci dit, Denis Coderre s’est fait plutôt discret pendant le grabuge à l’hôtel de ville, en août dernier. Il s’est exprimé une semaine plus tard seulement pour annoncer que des accusations seraient portées. « Il y a des moments où t’es mieux de ne pas écrire et t’es mieux de pas parler pour ne pas le regretter par la suite », dit Denis Coderre.
D’un point de vue légal, le maire de Montréal ne pouvait pas trop s’avancer et livrer ses impressions sur le grabuge. « Il devait être prudent et se tenir à l’écart pour ne pas nuire à l’enquête », explique Louis Aucoin, spécialiste en politiques publiques.
Avec une moyenne de 13 tweets par jour, on peut considérer que Denis Coderre consacre beaucoup de temps sur ce réseau. Il le fait surtout en soirée, puisque la plage horaire où il est le plus actif se situe entre 20 h et minuit.
Nombre de tweets répartis selon les heures de la journée
Répartition par heure de l’ensemble des tweets de Denis Coderre depuis son élection à la mairie
La mairesse de Longueuil le confirme : elle ne pourrait pas passer autant de temps sur Twitter. C’est un pari risqué, renchérit Louis Aucoin, mais la réponse des citoyens prouve que Denis Coderre ne s’est pas trompé.
Pour Denis Coderre, Twitter est un outil de communication supplémentaire. « Tu partages tes passions, mais sur le plan professionnel, il y a aussi un travail qui peut se faire. Et moi, je fais tout moi-même. »
Un projet de ICI Grand Montréal
Concept et recherche : Marie-Ève Tremblay
Développement : Christophe Viau, Pascal Viau, Christian Jauvin
Design : Santiago Salcido
Coordination : Claudia Timmons