Des épisodes de sécheresse, des infrastructures d’approvisionnement et d’assainissement vieillissantes, des cours d’eau et des réservoirs pollués : autant de raisons qui limitent l’accès à l’eau aux 60 millions de Sud-Africains. Survol des lieux.
Texte et photos : Anyck Béraud

Ayanda Lepheana s’est lancé corps et âme dans une mission de science citoyenne
.
Le technicien écologique, membre de l’agence de consultants en environnement GroundTruth, souhaite que les Sud-Africains puissent facilement mesurer la santé et la qualité des ressources fluviales et hydriques de leur communauté.
C'est avec l'aide d'outils simples que le travail s'effectue.
Un large filet et une cuvette pour regarder de plus près ce qui y grouille, comme des vers et des crabes minuscules.
Un tube gradué en plastique pour examiner la clarté de l’eau.
Un tableau illustré pour aider à calculer les résultats.

Cela permet à la population de bien comprendre que l’eau potable ne lui arrive pas tout simplement du robinet, mais bien des rivières, et qu’il faut éviter de polluer, soutient Ayanda Lepheana.
Cela permet également aux riverains de s’engager, données en main, et d’alerter rapidement les autorités pour les pousser à agir en cas de contamination de l’eau.
Janet Simpkins soutient que la question de la propreté de l’eau est l’un des grands sujets de l’heure, non seulement ici, au KwaZulu-Natal, mais également partout au pays.
Les membres de l’organisme à but non lucratif qu’elle dirige, Adopt a River, remplissent régulièrement des sacs avec divers objets et vêtements, des blocs de polystyrène ou encore des déchets médicaux en nettoyant les berges du fleuve Umgeni, qui débouche sur l’océan Indien à Durban.
Elle s’inquiète pour les plages de la ville, qui ont été contaminées à l’E. coli – comme bien des points d’eau – sur une longue période, il y a quelques mois.
Cette contamination est survenue lorsque de fortes inondations ont eu raison des infrastructures d’eau et d’égout, très fragiles et sous-financées.
Aujourd’hui encore, des tests révèlent la présence d’E. coli sur certaines plages.
« Ces installations sont délabrées. Elles n’arrivent même plus à traiter toutes les eaux usées, à tel point qu'il est légalement autorisé de les rejeter dans la nature, dans les cours d’eau et les rivières. »
La station de pompage Zandspruit, dans la grande région de Johannesbourg, illustre le problème.
L’odeur de ce qu’elle déverse régulièrement dans une rivière, depuis des années, prend à la gorge.

En Afrique du Sud, une bonne partie des rivières et des réservoirs sont touchés par un grave problème de contamination par matières fécales. C’est ce qu’a révélé un rapport gouvernemental, publié il y a quelques semaines.
Les infrastructures ont été négligées au cours des 20 dernières années, et aujourd’hui, on en paie le prix
, explique Mark Graham, directeur de l’agence de consultants GroundTruth.

Sans oublier que les délestages d’électricité rotatifs, effectués régulièrement depuis des années parce qu’il n’y a pas assez de courant pour en fournir à tous les Sud-Africains en même temps, provoquent des dégâts supplémentaires aux infrastructures de l’eau.
Au début du mois de mars, le ministère de l’Eau et de l’Assainissement a promis des mesures d’urgence pour garantir la sécurité de cette ressource naturelle.
Il a voulu rassurer les Sud-Africains en affirmant, par exemple, qu’il surveillait de près la baisse du niveau de l’un des réservoirs, dans la région du Cap.
Cette ville a déjà évité la pénurie de justesse. Elle avait dû, comme d’autres localités, imposer des périodes de rationnement à ses résidents.
Dans cette Afrique du Sud où l’urbanisation, l’augmentation de la population, l’activité minière et l’agriculture – comme cette plantation de canne à sucre dans la région de Durban – exercent, elles aussi, de fortes pressions sur l’eau disponible, le gouvernement encourage la population à réduire sa consommation en lui rappelant que le pays est pauvre en eau.
Le consultant Mark Graham croit, lui, qu’il y en a assez, mais que le problème est la façon dont cette eau est gaspillée dans un contexte général de mauvaise gestion et d’un système en décrépitude.

Ce genre de citernes est très répandu, surtout dans les quartiers les mieux nantis.
Néanmoins, environ trois millions de personnes au pays n’ont pas accès à de l’eau potable.
Jusqu'à 14 millions de Sud-Africains sont privés d’installations sanitaires adéquates.
Cela fait partie du constat aux allures de signal d’alarme que l’Académie des sciences d'Afrique du Sud a dévoilé en amont de la Conférence de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur l'eau.
À Durban, des canalisations ont été détournées par les leaders d’une des implantations non autorisées (informal settlements) que l’on trouve un peu partout au pays.
Ils disent avoir installé à leurs frais des robinets et des cabinets de toilette pour les 3000 familles qui y vivent.

Cette résidente se réjouit que l’une des toilettes soit installée juste en face. Avant, une fois la nuit tombée, elle préférait se retenir jusqu’au matin plutôt que d’aller loin de chez elle.
Ces implantations non autorisées sont des endroits où s’entassent ceux et celles qui sont venus chercher du travail en ville et qui construisent des cabanes souvent faites de bric et de broc pour s’abriter.

Et elles ne sont pas branchées officiellement sur le réseau de l’eau ni sur celui de l’électricité d’ailleurs, tant que le gouvernement n’officialise pas leur existence.
Cela peut prendre des années, voire des décennies.

Ici, on sent que les gens sont à bout de patience.
Ils ne font plus confiance aux autorités, car ils ont combattu des avis d’expulsion et de démolition, comme l’explique Mlungisi Mokoena, membre d’une association qui se bat pour le droit au logement décent.
Les résidents de l’implantation reconnaissent qu’on leur reproche d’agir dans l’illégalité en détournant l’eau.
Toutefois, ils assurent qu’ils n’avaient pas le choix, parce que l’eau, disent-ils, c’est la vie.