
Pinocchio à Rome et à Venise. Un Enfant à Valence et un autre à Naples, sans oublier un Chat de ruelle à Istanbul et un portrait d’Anne Frank à Amsterdam. Et, bientôt, des œuvres à Paris, à Barcelone et à Toulouse. Collés sur les murs, les personnages de l’artiste visuel José Guénette s’exposent dans la rue à l’étranger.
Un texte de Valérie Lessard

Quand José Guénette a présenté sur les réseaux sociaux les œuvres qu’il avait installées dans trois villes d’Italie l’été dernier, c’était avant tout pour rendre compte du défi personnel
qu’il avait pris plaisir à relever.
Il n’avait assurément pas prévu que des gens le contacteraient, amis comme inconnus, pour s’envoler à leur tour avec un ou deux de ses personnages et des bâtons de colle dans leurs bagages pour faire rayonner son travail.

« Je voulais faire ça une fois dans ma vie. [...] Mais au-delà de ça, je n’avais aucune attente. C’est un peu pour ça que le petit engouement, je ne l’ai pas vu venir. »

Féru d’art urbain, José Guénette se fait un devoir, lors de ses voyages, de découvrir les quartiers où l’art urbain tapisse les murs des commerces et des maisons, voire les trottoirs. L’an dernier, à l’approche d’un séjour en famille, il a eu le courage
d’apporter des œuvres avec lui.
Courage, parce que tu te retrouves dans une ville étrangère que tu ne connais pas. [Il y a] une culture différente aussi, [ce qui] fait que tu ne connais pas non plus tous les codes
, explique-t-il.
« C’est quelque chose, entre guillemets, qui peut être illégal, mais [...] j’ai l’impression qu’il y a une certaine acceptation, de plus en plus, comme une démocratisation qui se fait au niveau de l’art urbain. »

En prévision de chaque intervention, celui à qui on doit l’impressionnante murale Traces, dans le Vieux-Hull, réfléchit au personnage à créer afin de faire un clin d'œil à l’histoire de l’endroit ou à des personnes qui ont marqué la ville où l’image sera apposée.
Pinocchio faisait partie d’un tableau de sa plus récente exposition solo. Ce pantin ayant eu un créateur italien, l’installer sur des murs de Rome, de Naples et de Venise allait de soi. Et pour son Enfant de Naples, le Gatinois s’est inspiré d’une photo d’époque en noir et blanc d’une fillette de l’endroit.

Une fois sur place, tout est devenu une question de trouver le bon emplacement pour que son personnage se marie bien à son environnement. De la couleur du mur à sa texture en passant par les autres créations ou tags qui y figurent et par le nombre de gens qui circulent à proximité, José Guénette a tenu compte de plusieurs facteurs avant d’arrêter son choix.
Il a toujours travaillé au vu et au su des passants, que ce soit tôt le matin pour Venise ou en plein jour à Naples. À Rome, un résident lui a d’ailleurs souri en voyant le résultat de sa démarche et a dit apprécier le fait que Pinocchio soit un personnage italien, raconte le Gatinois.

Comme il n’utilise ni pochoir, ni aérosol, ni pellicule pour protéger ses collages des intempéries, José Guénette est conscient du côté éphémère de ses œuvres. Ce qui l’intéresse d’abord et avant tout dans ce geste, c’est de rendre l’art accessible.
C’est accessible à tout le monde, [non seulement] au niveau des passants, des gens qui vont se promener, mais [aussi] à tout le monde au niveau de la création, dans le sens que tu n’es pas obligé de te retrouver dans une galerie pour exposer ce que tu fais
, fait-il valoir.

José Guénette a été surpris d’être par la suite sollicité par des amis, des connaissances et des inconnus qui souhaitaient profiter de leur séjour à l’étranger pour y coller ses œuvres.
Premier à le faire, en novembre dernier, Benoît Osborne s’est vraiment pris au jeu
en sillonnant les rues de Valence.

Mon défi, c’était de le mettre dans un endroit touristique où les gens le verraient, en espérant que ça dure
, relate-t-il.
« Je m’imaginais presque un peu faire du Banksy. »

De son côté, c’est en après-midi que Randy Kelly a installé le Chat de ruelle bleu que José Guénette a conçu pour Istanbul. Il l'a apposé sur une plateforme touristique située sous le pont de Galata, une infrastructure importante de cette ville.

Et pour la version rose du Chat, le Gatinois a opté pour un coin très achalandé
d’une rue qui monte vers la tour médiévale de Galata, un attrait touristique majeur. Cet édifice d’allure officielle, caméra de sécurité incluse, avait besoin d’un peu d’art
, selon lui.

Et quand Caroline l’a contacté pour lui mentionner qu’elle partait pour Amsterdam, l’artiste a misé sur Anne Frank. Émue par ce portrait, Caroline a tenu à l’apposer à environ une minute de marche
de la maison devenue musée de cette jeune fille afin que le visage d’Anne Frank soit visible de la rue et du canal, mais de manière discrète, pour éviter qu’il soit enlevé rapidement.

L’art de José Guénette continuera de voyager : il a entrepris des recherches pour créer de nouveaux personnages à l'intention d'une autre voyageuse qui part en avril pour une virée à Paris, à Barcelone et à Toulouse.