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Des petits morceaux de glace explosent vers le ciel, tandis que l'artiste dépose la lame d'une scie à chaîne sur un bloc de glace.
Radio-Canada / Érik Chouinard

Avec Bonhomme, son palais et les défilés, la sculpture sur glace est une composante incontournable du Carnaval de Québec. Chaque année, un peu moins d’une dizaine d’artistes font émerger en quelques heures des œuvres complètes de simples blocs de glace. Des œuvres qui, comme le Carnaval, ne dureront que quelques jours.

Signé par Érik Chouinard

La sculpteur Isabelle Gasse, en vêtements d'hiver, pose devant sa sculpture.
Radio-Canada / Érik Chouinard

Isabelle Gasse fait partie de la brigade de sculpteurs du Carnaval depuis quatre ans. Elle a commencé par la sculpture sur neige, il y a une dizaine d’années, un peu par hasard, à la suite d'une recommandation d’une professeure de cégep. Celle-ci lui avait parlé d’un concours que la sculptrice a finalement remporté. C’est ce qui lui a donné la piqûre.

Un homme est debout sur la plateforme d'une grue. Il s'apprête à soulever un bloc rectangulaire de glace pour le placer au-dessus des autres, empilés au sol.
Radio-Canada / Érik Chouinard

Les journées commencent tôt, le matin. Sur l’avenue Maguire, ce jour-là, les blocs de glace ont été livrés vers 7 h. Avec l’aide de Marc Lepire, le propriétaire de l’entreprise de sculptures sur glace, et d’un autre employé, les artisans empilent les blocs qui forment les canevas des œuvres.

Des esquisses de la sculpture sur un papier, de même que quelques outils et un café sont déposés sur une petite table d'appoint.
Radio-Canada / Érik Chouinard

Les sculpteurs reçoivent le dossier présentant les grandes lignes et quelques inspirations visuelles pour les œuvres qu’ils devront créer. Cette année, la thématique des sculptures est la chanson québécoise.

Pour sa pièce de la terrasse du restaurant Montego, Isabelle Gasse doit illustrer la chanson Un ange qui passe d’Annie Villeneuve.

L'artiste trace au marqueur noir les formes de l'angle sur la glace, en guise de repères.
Radio-Canada / Érik Chouinard

La sculptrice se met au travail. Elle trace d’abord, au crayon-feutre, sur la glace, l’ébauche de la sculpture qui lui servira de guide pour ses coupes.

La sculpteuse tient une scie à chaîne dans ses mains et tranche une section de glace avec celle-ci.
Radio-Canada / Érik Chouinard

Comme ce n’est pas une forme d’art officielle, les sculpteurs se servent d’outils bien particuliers de diverses origines, parfois improvisés et parfois créés pour un usage spécifique.

Pour couper les blocs ou pour faire les découpes plus grossières de la sculpture, les artisans se servent de scie à chaîne électrique.

L'artiste, à l'aide d'une petite cruche en métal, verse de l'eau dans une fissure qui se trouve entre deux blocs de glace.
Radio-Canada / Érik Chouinard

Les artistes ont l’avantage de pouvoir profiter du froid et des caractéristiques innées du matériau. L’eau – ou la colle à glace, comme aime l'appeler certains artistes – est utilisée pour coller les blocs ou des éléments de glace ensemble.

La louche en métal est accrochée sur le bord d'un sceau d'eau, en apparence légèrement glacée.
Radio-Canada / Érik Chouinard

C’est important que l’eau soit bien froide pour éviter que la glace ne se fissure et craque avec le contraste de température. Il faut aussi idéalement qu’il ne fasse pas trop chaud pour que ça gèle bien.

La température extérieure idéale, c’est entre -10 et -15 [degrés Celsius] avec du soleil, ajoute Isabelle Gasse. C’est justement environ le temps qu’il faisait cette journée-là.

Isabelle se tient debout, avec la scie à chaîne dans les mains, devant la structure de glace. Elle analyse la forme des blocs.
Radio-Canada / Érik Chouinard

Le froid ne lui fait d’ailleurs pas trop peur. Alors que le photographe et journaliste est bien emmitouflé sous plusieurs couches de lainages, la sculptrice ne ressent même pas le besoin de refermer complètement son manteau.

Quand on sait ce qui nous attend, c’est comme si notre corps se prépare d’emblée à affronter le froid, allègue-t-elle.

L'artiste, de dos, gratte la surface de la glace à l'aide d'un rasoir sur un manche. L'outil laisse une texture achurée sur la glace.
Radio-Canada / Érik Chouinard

C’est maintenant le moment de faire émerger plus de détails de la glace. Isabelle Gasse empoigne un instrument appelé par les sculpteurs outil-mouton , qui est fabriqué à l’aide d’une lame de rasoir de laine.

L’outil a l’air drôlement efficace, presque comme une lame chaude dans du beurre. Sous chaque geste, la glace se fracture en copeaux, provoquant un son cristallin satisfaisant.

Gros plan sur la main de l'artiste, qui s'affaire à gratter la surface à l'aide d'un petit couteau tranchant. De petits morceaux de givre tombent au sol.
Radio-Canada / Érik Chouinard

L’ange prend tranquillement forme. En après-midi, pour la finition, Isabelle Gasse sort ensuite de sa trousse un autre instrument plutôt incongru, un couteau à steak. Elle s’en sert, entre autres, pour bien détailler les éléments du visage de sa sculpture et rendre les courbes de son œuvre plus naturelles.

La sculpteuse se tient, de profil, face au visage de l'ange qu'elle sculpte.
Radio-Canada / Érik Chouinard

Comme avec les outils, la petite communauté de sculpteurs partage aussi beaucoup de connaissances entre eux. Ce n’est pas un domaine d’art officiel, il n’y a pas d’école, on apprend entre nous, souligne Isabelle Gasse.

C’est aussi beaucoup par ce réseau que les artistes finissent par débusquer et accumuler les contrats. La sculptrice passe maintenant une grande partie de l’hiver à disséminer son art un peu partout dans la province.

Isabelle est grimpée dans les airs pour diriger l'éclairage de teinte mauve vers son oeuvre.
Radio-Canada / Érik Chouinard

Isabelle Gasse donne les derniers coups de lames alors que le soleil approche de l’horizon. Avant de plier bagage, elle ajoute un petit éclairage coloré au-dessus de la sculpture. La lumière et son interaction avec la glace la font ressortir du paysage hivernal.

La sculpture de l'ange, terminée, est teintée de rose.
Radio-Canada / Érik Chouinard

C’est au tour du temps de faire la partie de son œuvre. Avant d’en venir à bout de la sculpture, le soleil lissera les traces laissées par les outils sur la glace, la rendant ainsi plus transparente.

Gros plan sur le visage de l'ange. On y aperçoit une texture de rainures, qui définissent les traits du visage.
Radio-Canada / Érik Chouinard

C’est un peu bizarre de pouvoir faire sa vie en sculptant quelque chose d’aussi éphémère, s’émerveille Isabelle Gasse, en repensant à ses dernières semaines.

Isabelle est en train de remplir sa mini-van rouge avec ses outils.
Radio-Canada / Érik Chouinard

L’artiste range ensuite son matériel. Demain, beau temps, mauvais temps, les autres sculpteurs et elle devront s’y remettre. Entre l’Hôtel de glace, le palais de Bonhomme et les autres contrats et concours dans la province, l’hiver est un vrai marathon pour ces dompteurs d'éphémère.

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