L’acériculture n’est pas histoire de famille pour Nicolas Tremblay et Olivia Laperrière-Roy. C'est un intérêt nouveau dont le jeune couple apprivoise patiemment les secrets sur leur terre de Baie-Saint-Paul où quelques érables donnaient envie de répondre à un appel viscéral : faire son propre sirop.
Par Allison Van Rassel
de Ça vaut le détour
12 avril 2019
removeÀ l’aide d’une perceuse, Nicolas enfonce à cinq centimètres de profondeur une mèche dans un érable mature.
Une entaille à la fois, il martèle doucement dans le trou un chalumeau auquel il fixe une chaudière en aluminium munie d’un couvercle pour récolter la précieuse sève qui s’écoulera de l’érable, goutte à goutte.
Ces petits gestes qu'il reproduit avec plaisir, lui et sa copine, qui est aussi une collègue à Radio-Canada, jeunes urbains dans la vingtaine, les ont appris grâce aux conseils glanés ici et là dans l'espoir de produire leur toute première récolte de sirop d'érable.
« On s’est lancé là-dedans un peu naïvement. C'est beaucoup plus de travail que prévu, mais maintenant que ça commence à couler, ça en valait vraiment la peine. »
La terre sur laquelle se trouvent leurs érables rouges et érables à sucre a été achetée par la famille de Nicolas dans les années 80. Nicolas et Olivia sont les premiers à entailler ces arbres avec l'objectif de produire juste assez de sirop pour satisfaire leur consommation personnelle.
C’est une sorte de retour à la terre, de fin de semaine, pour le couple qui habite la semaine à 100 km de là, à Québec.
« On essaie de récolter le plus possible de la terre, autant en hiver que l’été. Il y a quelque chose de satisfaisant et de plaisant à manger quelque chose que l’on a fait soi-même. »

Apprendre
Pour s'y retrouver dans l'aventure, le jeune couple a misé sur les réseaux sociaux et le livre du biologiste Stéphane Guay L’érablière sucrière : écologie, entaillage, aménagement, un guide parfait pour acériculteurs en herbe.
« Le livre de Stéphane s’est avéré le plus utile pour l’entretien de l’érablière et les meilleures pratiques d’entaillage », affirme Olivia.
Le couple a appris comment construire un système d’évaporation afin qu’il soit le plus efficace possible pour faire bouillir l’eau d’érable et la transformer en sirop. Les méthodes d’aménagement à privilégier afin de favoriser une saine biodiversité dans l’érablière font aussi partie des connaissances acquises, chères aux deux amants de la nature.
« Stéphane a une approche de production durable qui nous rejoint beaucoup », explique Nicolas qui a assisté à une conférence du biologiste.
Afin d’assurer un meilleur rendement à long terme d’une érablière, M. Guay suggère de distribuer de petites entailles à environ deux pouces d’intervalle autour de l’arbre.
« Malgré tout ce qu’on peut penser avec les améliorations technologiques des dernières années, le plus important est de bien percer le trou dans l’érable. »

S'équiper
Trouver le matériel nécessaire, contenants et outils, pour réaliser même une petite quantité de sirop d'érable a représenté un défi logistique.
Les commerces spécialisés en acériculture sont pour la plupart situés en région, illustre Olivia. Une réalité qui leur a toutefois permis de redécouvrir différents coins du Québec.
« On a circulé sur plusieurs routes secondaires pour se procurer nos accessoires, raconte-t-elle sourire aux lèvres. On s’est ramassé dans Portneuf pour trouver une panne [un évaporateur] à la grosseur de nos besoins. »
Les chalumeaux sont usagés. Ils proviennent d’un acériculteur de Beauce. Nicolas les trouve un peu trop gros, plus que ce que recommande le biologiste Stéphane Guay.
Le jeune homme pense déjà à la saison prochaine, à l'acquisition de plus petits chalumeaux. Mais l'achat devra attendre, car les dépenses s’accumulent rapidement.
« Depuis le début de l’hiver qu’on se prépare et qu’on achète des chaudières à gauche et à droite, s’étonne Nicolas. Au final, c’est pas mal plus dispendieux que ce à quoi on s’attendait. »

Mettre en place
Une fois les connaissances et le matériel réunis, le travail s’est intensifié dans les dernières semaines pour terminer la mise en place de l’attirail à temps pour l’arrivée du printemps.
Dans cette période, la météo devient un allié important. Le moment idéal pour la grande coulée est atteint lorsque les températures oscillent entre -10 la nuit et 5 degrés Celsius le jour.
En ce début d’avril, Dame Nature a déjà procuré les conditions nécessaires à l’écoulement de la sève. Et la chorégraphie gourmande s’enclenche.
Les deux apprentis producteurs visitent un à un les 50 arbres entaillés pour recueillir le contenu des chaudières remplies d’eau d’érable qu’ils vident dans un bassin fixé de manière sécuritaire sur une motoneige à deux chenilles.
Une fois à la grange, l’eau d'érable est transférée dans l’évaporateur, un grand récipient en aluminium déposé sur une truie, un petit poêle bas, acheté auprès d’un particulier de Saint-Tite-des-Caps.
« Un cadeau de noces qu’il [le propriétaire] avait reçu », raconte Olivia.
L’eau devra bouillir plusieurs heures, laissant évaporer ses effluves sucrés, jusqu’à l'atteinte de la couleur et du goût désirés.
Après plus de trois mois de préparation, quelques centaines de dollars investis, et un nombre incalculable d’heures de marche dans les bois, un tout premier litre de sirop d’érable est produit.
Son goût, incomparable selon Nicolas et Olivia, valait amplement le temps et les efforts fournis.
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