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En profondeur

Benoît Ferradini
Journaliste à Vancouver

Un an après mon premier reportage sur le projet Chez soi, je me demandais si je retrouverais les personnages que nous avions rencontrés en 2010. Troy le poète et Rick le Québécois. Et surtout, s'ils accepteraient de se prêter de nouveau à l'exercice. Se mettre à nu pour tout nous raconter, et essayer de résumer un an de vie en 20 minutes. J'ai été surpris que Troy accepte sans hésitation et surpris également de le revoir dans le même petit appartement où nous l'avions rencontré l’an dernier. Sans honte, il nous a parlé de ses rechutes et de ses fiertés. J'essaie toujours de me mettre dans la peau des personnages que je rencontre, mais je n'ai pas encore compris comment quelqu'un comme Troy, si maltraité par la vie, peut avoir la force de tout raconter à de parfaits étrangers. Cela me dépasse et m'impressionne beaucoup. J'ai aussi réalisé que si on parlait à Rick cette année, cela lui ferait plus de mal que de bien. Il y a des moments où il vaut mieux ne pas insister...

Patricia Sauzède-Bilodeau
Journaliste à Winnipeg

Il y un an, j'ai rencontré deux hommes qui avaient une vision complètement différente des solutions pour sortir de l'itinérance. L’un, Faron, voulait s'en sortir seul, sans qu'on lui offre un toit. Il semblait sûr de lui, confiant que tout allait bien aller et qu'il n'avait plus besoin d'aide.

L'autre, Michael, avait cherché de l'aide à travers le programme Chez Soi, mais il était renfermé, incertain, au point d'annuler un tournage à la dernière minute. Il semblait avoir fort honte de ce qu'il était.

Un an plus tard, c'est assez étonnant de voir à quel point les choses ont complètement changé. Les deux hommes ont pris des chemins inverses. Faron est dans la détresse, introuvable et souffre d'alcoolisme. Michael s'est ouvert aux autres et a même un travail. Un succès du programme? Dans ce cas-ci, probablement. Cependant, il faudra attendre peut-être quelques années avant de savoir si Michael a trouvé une vraie stabilité et, surtout, si Faron a effectivement perdu le peu qu’il avait.

Louis Lessard
Journaliste à Toronto

Quand j’ai quitté les appartements d’Ismeal et d’Otis en 2010, j’étais convaincu que j’allais les revoir. Leur sourire et leur fierté d’avoir participé à une émission de télévision en disaient long sur le rapport de confiance qui s’était installé lors de nos rencontres. Mais un an plus tard, tout était à reconstruire. La présentation, les salutations, le protocole d’entrevue, j’ai dû tout reprendre du début, ignorant au passage la vague impression de déjà vu Ÿ. J’ai compris que la confiance qu’ils m’avaient accordée n’était que passagère. Dans la rue, les liens se tissent et se défont au rythme des rencontres. La méfiance, la paranoïa définissent les rapports entre les gens. J’ai renoué avec eux en 2011, mais pour combien de temps? La dimension éphémère est pour moi révélatrice. Otis et Ismeal vont bien, mais rien n’est acquis. Un rappel pour nous tous de la fragilité de notre état. Chacun d’entre nous a touché le fond du baril. Ce n’est pas parce qu’on n’y est plus qu’on ne peut pas y retourner. Les défis du passé et les blessures ne sont jamais enterrés bien profondément.

Solveig Miller
Journaliste à Montréal

Le défi pour un journaliste est de réussir, en quelques minutes de télévision, à transmettre non seulement l’information, mais l’émotion du moment. Comment décrire la joie de Francine Cadieux ? Elle nous retrouvait un an plus tard, fière d’être toujours en logement malgré des années d’itinérance. Heureuse aussi d’avoir renoué avec sa famille après un long silence de 26 ans.

Au cours du reportage, nous avons connu Jean-Claude Tremblay, un gars de Québec que la maladie mentale a jeté à la rue, au centre-ville de Montréal. Traitement à l’Institut Pinel, suivi psychiatrique, on l’a expulsé de logements sociaux, mais il voulait une nouvelle chance. Il tient bon et multiplie les efforts, mais il est déchiré, car ses amis, eux, sont toujours sans-abri. Il ne veut pas briser les liens, et, même s’il n’est plus itinérant, il les retrouve pendant la journée aux différentes soupes populaires de la ville.

Deux parcours parmi des centaines d’autres, des hommes et des femmes qui tentent de se raccrocher à la vie, à l’abri sous un toit. Des histoires qui ébranlent ce qu’on a trop souvent tenu pour acquis.

Michèle Brideau
Journaliste à Moncton

Philippe Mourant m'accueille dans son appartement avec beaucoup de fierté. Il a hâte de me montrer son bulletin. Et pour cause! Il a terminé premier de classe, cet automne, dans son cours d'ingénierie au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick, à Moncton. Qui aurait dit cela, il y a quelques années à peine, alors qu'il était sans-abri et qu'il dormait dans un boisé de la ville?

Je n'avais encore jamais rencontré Philippe. L'an dernier, c'est mon collègue Rosaire L'Italien qui l'avait interviewé. Mais rapidement pendant le tournage, j'ai compris que Philippe avait franchi une nouvelle étape dans sa quête pour reprendre une vie normale. Il voit la lumière au bout du tunnel. À 29 ans, il retrouve sa dignité.

On termine le tournage devant le Collège pour y prendre quelques images de Philippe. Il y affiche un large sourire. Un sourire qui dit tout.

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