Journalistes : Patricia Sauzède-Bilodeau, Florence Reinson
Mise à jour le dimanche 20 novembre 2011 à 19 h
Nombre d’habitants :
707 000
Nombre de sans-abri :
9 515
Nombre d’itinérants participant au projet :
550
Villes sous la loupe
Winnipeg
La solitude guette les anciens sans-abri de Winnipeg
Dans la capitale manitobaine, les sans-abri, dont la grande majorité est d’origine autochtone, n’ont bien souvent plus aucun contact avec les membres de leur famille, qui vivent dans les réserves du nord de la province. Leurs compagnons de rue font office de famille. Leur offrir un logement représente une aide à double tranchant. Certains sont incapables de surmonter la solitude qui accompagne la vie en appartement.
Michael et ses deux compagnons, Mandy et Pete, sont inséparables. «Ils sont mon meilleur remède, parce que je dois les sortir plusieurs fois par jour», explique-t-il.
Cette routine est encore nouvelle pour lui. Depuis un peu plus d'un an maintenant, il occupe un logement dans le quartier Point Douglas à Winnipeg, un coin tranquille, à mille lieues de ce qu'il a déjà connu.
Michael est bipolaire et toute sa jeunesse a été ponctuée de hauts et de bas. Ces dernières années, sa maladie lui a fait perdre le contrôle et il a perdu tout ce qu’il avait. La rue est devenue son seul choix.
Comme pour beaucoup des 170 itinérants logés grâce au programme Chez soi, avoir un toit sur la tête fait toute la différence pour Michael. «Ça se passe bien. Cela fait un an que je ne suis pas allé à l'hôpital pour être soigné», confie-t-il.
Quelque 80 % des sans-abri de la capitale manitobaine sont des Autochtones, dont la majorité a perdu tout contact avec leur famille et leurs amis.
Renouer ces liens devient une priorité pour ceux qui tentent de remettre leur vie sur les rails. Encore faut-il être capable de gérer ces relations une fois sorti de la rue.
Le nombre de 550 participants établis pour le projet-pilote à Winnipeg n’est pas encore atteint avec 390 itinérants ayant pris part à l’étude en date de novembre 2011. Plus de 170 d’entre eux ont un logement à leur disposition. Ces chiffres fluctuent quotidiennement.
Quitter la rue et ses amis
«Beaucoup de participants ont de la difficulté à quitter leurs amis dans la rue et à conserver leurs amitiés sans perdre leur logement», explique la porte-parole à Winnipeg du projet Chez Soi, Marcia Thompson.
Il y a un an, Michael tentait d'éviter la solitude de vivre dans un logement en prenant contact avec sa famille. «J'ai repris contact avec ma mère cette année, je la vois régulièrement».
D'autres, comme Farron Hall, n'ont pas réussi à se créer un réseau. Il y a un an, Farron Hall avait pris part au programme, mais il faisait partie du groupe de 220 personnes qui reçoivent de l’aide, mais ne disposent pas de logement. Il disait ne pas aimer vivre dans un appartement, car cela l’isolait de ses amis.
Il préférait vivre avec eux sous le pont Provencher, à Saint-Boniface. Depuis sa participation à l’étude Chez soi, en novembre 2010, il a été arrêté pour agressivité en mendiant dans la rue, et a passé six mois au centre de détention de Brandon.
Il est de retour à Winnipeg et dans le plus mauvais état que j’ai pu le voir jusqu’à présent
intervenante en itinérance, Marion Willis.
Un programme qui ne convient pas à tous
Marion Willis, qui a souvent accueilli Faron Hall chez elle, s’inquiète beaucoup pour lui. Elle croit que le programme est loin d'être adapté à des gens comme lui. «C'est un échec parce que ça isole les participants qui sont logés», estime-t-elle.
Michael, lui, a pourtant appris à gérer cette solitude, grâce à ses deux chiens et à ses rencontres fréquentes avec sa mère, mais aussi grâce à un projet.
«J'ai commencé à travailler pour un groupe de photographie», se réjouit-il. Il a rejoint Focusing the Frame, un groupe destiné aux itinérants participant à l’étude Chez soi, qui leur permet d’apprendre la photographie.
Il y évolue à titre de mentor en aidant les autres membres du programme. «Ça m'a définitivement forcé à sortir et à rencontrer des gens», confie-t-il.
Michael a aujourd’hui un toit sur la tête, une famille avec laquelle il a renoué, et des amis. Il a atteint ses objectifs et les a même surpassés. Il continue à travailler et a pu commencer à payer son loyer.
Deux étapes primordiales pour lui, qui a réussi là où d’autres ont échoué.
Photoreportage
Les trois quarts des itinérants de Winnipeg sont des Autochtones. Certains d’entre eux ont établi leurs quartiers sous le pont Provencher à Saint-Boniface.
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