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Henri Bergeron, la première voix de la télévision canadienne
Il a été le premier animateur de la télévision de Radio-Canada. Il a présenté Les beaux dimanches pendant près de vingt ans. La qualité de sa langue et de son élocution en a fait une référence en communication. À l'occasion du vingtième anniversaire de son décès, voici un portrait d'Henri Bergeron.
Publié le 8 juillet 2020
La carrière d’Henri Bergeron est intimement liée à l’histoire de la télévision canadienne.
Premier annonceur embauché pour la télévision de Radio-Canada, il a animé la toute première émission diffusée sur la chaîne bilingue CBFT Montréal, le 6 septembre 1952.
Devant les caméras, Henri Bergeron devra apprendre en cette journée d’inauguration un métier qui n’a jamais existé au Canada : animateur de télévision.
Ses années de théâtre et de radio, confiera-t-il plus tard, lui seront d’un grand secours pour relever ce défi.
La voix de la télévision
Henri Bergeron est la voix derrière le papillon couleur de Radio-Canada.Photo : Radio-Canada / Jean-Pierre Karsenty
Notre montage d’archives dresse le fil de la carrière d’Henri Bergeron, une carrière jalonnée de premières.
Né au Manitoba, Henri Bergeron a inauguré en 1946 le premier poste de radio francophone de l’Ouest canadien, CKSB St-Boniface.
Trois ans plus tard, il est engagé comme annonceur en chef à la radio CKCH à Hull. Puis, quelques mois à peine après son arrivée dans ce nouvel environnement de travail, il est nommé directeur des programmes.
À la veille de l’inauguration de la première chaîne de télévision au Canada, c’est à Henri Bergeron que l’on propose d’en être le visage et la voix.
En août 1955, Henri Bergeron est de passage dans sa province natale pour donner une entrevue à l’émission « Spotlight » de la nouvelle chaîne de télévision CBWT à Winnipeg.Photo : Radio-Canada / Portigal & Ayers
Comme premier et unique annonceur de la télévision, il présente les émissions à l’horaire et assure l’ensemble des transitions de la diffusion qui se déroule entièrement en direct.
C'est sa voix que l’on entend sur les indicatifs de la station et qui, accompagnée d’un papillon, signifiera quelques années plus tard aux téléspectateurs : une émission couleur de Radio-Canada!
« Si les téléspectateurs croient que la TV a transformé leur vie, elle a littéralement bousculé la mienne », déclare Henri Bergeron au magazine Radio-TV à l’occasion du cinquième anniversaire de la télévision de Radio-Canada.
« Depuis le programme inaugural du 2 septembre 1952, j’ai appris à connaître les objectifs des caméras, l’objectivité d’un annonceur qui ne veut pas subir les objections des hôtes dans leurs salons. Le trou de la lentille est petit et sombre, mais il donne sur un écran grand et bien illuminé. »
Henri Bergeron fait la narration de contes pour enfants, notamment pour l'émission radio « Le marchand de sable ».Photo : Radio-Canada / André Le Coz
La voix joviale et incarnée
« La caméra, si l’on se sent obligé de lui adresser la parole, devient un personnage à qui l'on parle avec plus de facilité. »
Une piste cyclable qui dérange
Dans cet extrait d’entrevue à l’émission Maisonneuve à l’écoute du 14 décembre 1999, Henri Bergeron revient sur son rôle de pionnier au tout début de la télévision canadienne.
L’annonceur doit adopter le style radio-canadien et incarner la télévision publique.
Si ses collègues de la radio lui reprochent au départ de sourire à la télévision, Henri Bergeron comprend qu’il vaut mieux entrer dans le foyer des téléspectateurs de façon douce et cordiale.
J'ai toujours dit que je serais moi-même en tout temps, explique Henri Bergeron à l’animateur Pierre Maisonneuve. Et je ne voulais pas parler autrement qu’à ma façon de dire les choses.
La télévision de Radio-Canada proposait à ses débuts une programmation à teneur culturelle et familiale.
Dès 1953, Henri Bergeron anime notamment dans les deux langues l’émission L’heure du concert qui offre rayonnement et prestige aux artistes d’ici.
Cette émission musicale sera remplacée en 1966 par Les beaux dimanches qui, on le sait, deviendra à son tour un grand rendez-vous culturel chéri par les téléspectateurs jusqu’en 2004.
Comme annonceur à Radio-Canada, Henri Bergeron doit emprunter une multitude d’autres chapeaux.
Et bien qu’il apprécie ce rôle de pont entre le public et les artistes, Henri Bergeron se considère d’abord comme un généraliste.
Il se plaît autant à animer des jeux qu’à narrer un documentaire, et ce, à la télévision comme à la radio.
Le marchand de sable (audio), 27 septembre 1965
Écouter|3 min 45 sec
Comme en témoigne cet extrait de l’émission Le marchand de sable, Henri Bergeron se distingue également à l’animation de programmes pour enfants.
Pour cette émission radiophonique qui tient l’antenne de 1963 à 1967, il est d’ailleurs sacré meilleur animateur d’une émission jeunesse.
En 1967, « Oncle Henri » enregistrera même un album de contes pour enfants.
C’est aussi à lui que l’on fait appel en 1968 pour narrer un disque d'éducation sexuelle s'adressant aux jeunes de 10-12 ans : Ton sexe et l’autre.
Henri Bergeron anime la première soirée télévisée des élections du Québec, le 22 juin 1960.Photo : Radio-Canada / André Le Coz
Au cours de sa carrière de près de quarante ans à Radio-Canada, Henri Bergeron assure l’animation de nombreux et prestigieux reportages spéciaux.
Il est de tous les grands événements : visites officielles, premières et inaugurations, soirées électorales et, bien sûr, captations des missions spatiales américaines.
C’est ainsi que le 20 juillet 1969, il assiste et commente en direct les premiers pas de l’homme sur la Lune en compagnie de l’analyste Marcel Sicotte pour l’émission spéciale Apollo 11.
Henri Bergeron anime les émissions spéciales sur les missions spatiales en compagnie du scientifique Marcel Sicotte.
Photo : Radio-Canada / André Le Coz
Henri Bergeron s’est dûment préparé pour cette émission, s’évertuant avec son collègue scientifique à dénicher des termes en français pour décrire la mission dans tous ses détails.
Je devais essayer de trouver les mots pour dire toutes ces réalités-là, expliquait Henri Bergeron à l’animateur Pierre Maisonneuve en 1999. J'avais fait des lexiques. Nous en avions parlé beaucoup. Et un moment donné, c'est devenu tout naturel de raconter cette histoire-là tout à fait en français.
L’annonceur René Lecavalier avait précédemment construit un lexique sportif en français pour décrire les matchs diffusés à La soirée du hockey. À Henri Bergeron, l'on doit l’élaboration d’un vocabulaire pour décrire en français les missions spatiales.
Un lexique qu’Henri Bergeron partagera d’ailleurs avec le ministère des Affaires culturelles du Québec, qui en fera un ouvrage publié en 1971, juste à temps pour la mission Apollo 15.
Henri Bergeron s’amusant avec les mots pour le jeu-questionnaire « Baterum ».
Photo : Radio-Canada / Jean-Pierre Karsenty
La voix amoureuse de la langue française
Tout au long de son parcours, Henri Bergeron a eu à cœur la recherche du mot juste et, plus largement, la défense de la langue française.
Comme Franco-Manitobain élevé dans les années 20, Henri Bergeron avait appris le français à la maison, mais cette langue lui avait été interdite sitôt son entrée à l’école…
Bien que son parfait bilinguisme ait été un tremplin pour sa carrière à la Société Radio-Canada, Henri Bergeron a toujours lutté pour garder bien vivante sa langue maternelle.
Sur les ondes de Radio-Canada, Henri Bergeron se voit confier plusieurs émissions consacrées à la langue française : La parole est d'or, Langage de mon pays, Sur le bout de la langue, Le français d'aujourd'hui.
Langage de mon pays (audio), 15 janvier 1969
Écouter|7 min 40 sec
Dans notre extrait de l’émission Langage du pays du 18 juillet 1971, Henri Bergeron s’intéresse à l’utilisation de la langue française dans son coin de pays, le Manitoba.
Au sein même de Radio-Canada, il devient rapidement une référence tant pour la qualité de sa langue que pour son élocution.
Nommé annonceur de l’année en 1955, 1957 et 1958, Henri Bergeron participe à la formation des animateurs et des journalistes engagés par le diffuseur public.
En 1968, alors qu’il succède à l’animateur Miville Couture comme annonceur-conseil pour Radio-Canada, il va jusqu'à breveter une invention destinée à améliorer « le geste de la parole ».
Le mont Pinacle, dans la région de Coaticook
« Je l'ai appelé Mirovox parce c'est en fait le miroir de notre voix. »
Dans le cadre des émissions Au jour le jour et Connexion, Henri Bergeron détaille l’appareil tout simple qu’il a mis au point.
Quand on veut travailler sa voix, sa prononciation, son articulation, on sent le besoin de s'écouter, explique Henri Bergeron en 1975.
Le Mirovox permet de juger de sa voix et d’en corriger la pose et les imperfections.
Ce qu’il faudrait que tu ajoutes maintenant, c’est plus de rythme à tout ça, lance Henri Bergeron à l’animateur François Blain qui fait l’essai de son Mirovox.
C’est le communicateur doublé d’un formateur que l’on voit ici à l’œuvre.
Henri Bergeron, maître de cérémonie en 1984 d’un pow-wow organisé au Studio 42 pour le centenaire de La Presse. Photo : Radio-Canada / André Le Coz
La voix qui résonne
Henri Bergeron adorait communiquer et transmettre son art de la communication.
Une passion qu’il a partagée bien au-delà des limites de Radio-Canada.
Dans les années 70, il participe à plusieurs biennales de la langue française en se rendant notamment au Luxembourg, au Sénégal ou en Tunisie comme ambassadeur de Radio-Canada.
Puis, de 1979 à 1981, Henri Bergeron donne un cours d’initiation à la communication à l’Université de Montréal.
Il publiera plus tard aux Éditions de l’Homme l’ouvrage La communication, c’est tout… qui constitue la synthèse de son enseignement de l’art du bien-parler.
Henri Bergeron assiste à la première Biennale des arts et des lettres à Dakar, en décembre 1990.
Photo : Radio-Canada / Fonds Henri Bergeron
En 1983, à la veille de sa retraite, Henri Bergeron est fait docteur honoris causa de l’Université du Manitoba pour sa contribution à la langue française.
Un honneur parmi d’autres, mais qui revêt une valeur toute particulière pour le Franco-Manitobain qui revenait fréquemment en pèlerinage dans sa province natale.
Le livre Un bavard se tait... pour écrire qui relate son enfance au Manitoba sera d’ailleurs le premier projet de retraite du grand communicateur.
Henri Bergeron participe ensuite à la fondation de Radio Ville-Marie, la radio religieuse de Montréal.
Il anime encore sur les ondes de cette radio deux mois à peine avant d’être emporté par un cancer, le 10 juillet 2000, à l’âge de 75 ans.
La voix d’Henri Bergeron, exemplaire, cordiale et raffinée, continue vingt ans plus tard de résonner dans nos mémoires, comme dans nos archives.