Le prix de l’huile d’olive atteint des records, avec une augmentation moyenne de 74 % par rapport à la même période l’an dernier pour les trois principaux pays producteurs (Espagne, Italie et Grèce).
Cent kilos d’huile d’olive extra vierge espagnole se négociaient à 617 euros (910 $ CA) en juin 2023, comparativement à 333 euros (491 $ CA) en juin 2022.
Au Canada, le prix de détail moyen d’un litre d’huile d’olive était de 11,96 $ en mai 2023, alors qu’il était de 9,12 $ un an plus tôt, selon Statistique Canada.
Et c’est loin d’être fini, puisque la sécheresse a eu des conséquences dramatiques sur la floraison des oliviers espagnols (Nouvelle fenêtre) ce printemps. L’Espagne est le premier producteur mondial, avec environ 40 % de l’offre.
Les autorités anticipent une récolte pire pour 2023-2024 que la saison précédente, où elle avait déjà été très décevante.
L’Espagne n’est pas le seul producteur d’huile d’olive touché par les changements climatiques. En Italie et au Portugal aussi, les récoltes sont en très forte baisse.
Et cela n’ira pas en s’améliorant. Selon les modèles du Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le bassin méditerranéen pourrait subir une hausse de la température moyenne de l’ordre de 2,3 °C d’ici la fin du siècle, ainsi qu’une augmentation des vagues de chaleur et des sécheresses, conjuguée à une diminution des précipitations.
Dans certains départements du sud de la France, on constate déjà une perte de rendement des oliveraies d'environ 60 %, explique David Kaniewski, maître de conférences à l’Université Toulouse III-Paul Sabatier, spécialiste du climat.
Les oliviers sont capables de supporter la sécheresse, mais s’ils manquent d’eau au printemps, ils produiront moins de fleurs et, au final, moins d’olives, note M. Kanieswki.
De plus, la chaleur qui s’étire trop longtemps modifie le goût de l’huile, explique le chercheur.
« Quand les gens boivent de l'huile d'olive, ils s'attendent à trouver un goût; sauf qu’à l'heure actuelle, il est complètement différent, soit beaucoup plus gras, soit beaucoup plus rance. »
On perd en qualité gustative et les gens n'achètent plus
, constate-t-il.
Confrontés aux rendements en baisse, certains agriculteurs espagnols délaissent l’olivier pour se tourner vers d'autres cultures plus appropriées au climat subtropical, comme les palmiers dattiers, les citronniers, les orangers ou l’aloès.
Ce n’est pas encore le cas en France, mais un changement est nécessaire, estime le chercheur.
On n’a pas une boule de cristal; on ne peut pas prédire l’ampleur de la diminution, mais on voit bien le chemin que ça prend
, remarque le chercheur. Mieux vaut commencer à s'adapter maintenant et expérimenter avec de nouvelles cultures plutôt que d’attendre que la situation empire, souligne-t-il.
La culture des oliviers, pour sa part, se déplace vers des pays comme la Bosnie ou la Croatie, où l’on commence à les cultiver avec succès, puisque la température, là aussi, augmente. Le climat méditerranéen va s'étendre et l'olivier va suivre, tout simplement
, remarque M. Kaniewski.
Mais d’ici à ce qu’on atteigne les niveaux de production de l’Espagne, de la Grèce ou de l’Italie, les prix de l’huile risquent de continuer à augmenter. Elle pourrait donc se transformer en un produit réservé aux plus fortunés.
« S’il n’y a pas d'adaptation, d'ici 10 ans, ça va devenir le luxe absolu de pouvoir s'offrir un repas avec de l'huile d'olive. À Noël, vous aurez le champagne, le caviar et l'huile d'olive. »