C’est une crise. Une crise qui échappe à l’attention extérieure. Certains ne se souviennent plus où ils sont, et même pourquoi ils y sont. Au coeur de cet enjeu : la dignité humaine.
Les pénitenciers canadiens n’ont pas été construits pour répondre aux besoins de centaines de détenus âgés et de plus en plus malades, chez qui la détresse est souvent flagrante.
Dans la rangée 1M d’un des établissements de Laval, Daniel Jolivet exprime son calvaire. Je m'habituais à vivre avec la douleur, sauf que là c’est pire que pire. Ça veut dire que je souffre les saints martyrs.
Une scène frappe l’imaginaire dans le corridor qui mène aux cellules. Les fauteuils roulants et les déambulateurs font partie du quotidien.
Un de ces déambulateurs appartient à Daniel Jolivet. Ce n’est pas adapté. Il ne passe pas dans la porte.
À 60 ans, il se déplace avec difficulté. Sa cellule est trop petite.
Un fond de rage l’habite. Un rapport médical indique qu’il a besoin d’une injection – un bloc foraminal – pour soulager la douleur récurrente. La dernière qu’il a reçue remonterait à 2015.
Il déplore les conditions dans lesquelles il se trouve. Fuck, c’est assez. Avoir des soins prend une éternité. Ils m’ont découvert une tumeur dans le dos, pis là j’ai une hernie discale. Ça ne peut plus continuer comme ça.
L’histoire de Daniel Jolivet est inscrite dans les annales judiciaires. Le détenu est en prison depuis presque 28 ans pour un quadruple meurtre. Il clame son innocence depuis le jour de son arrestation. L’autre accusé dans cette affaire a plaidé coupable et l’a incriminé en échange d’une peine réduite.
En théorie, le détenu pourrait faire une demande de libération conditionnelle. Mais pour y avoir droit, il lui faudrait reconnaître avoir commis ces meurtres alors qu’il cherche toujours à faire renverser le verdict de culpabilité.
Mais le temps passe, et Daniel Jolivet fait partie de tout un segment de la population carcérale condamné à mal vieillir.