Il faut marcher plusieurs heures à travers une forêt de bambous pour finalement voir apparaître de petits points noirs au loin.
Les gorilles regardent avec curiosité notre micro, mais ils ne s’en inquiètent pas outre mesure. Ce groupe a été familiarisé avec la présence humaine. Chaque jour, un petit groupe de touristes, formé d’un maximum de huit personnes, vient passer une heure à les observer.
Les règles sont strictes. Une distance de plusieurs mètres est imposée entre les animaux et le visiteur qui doit porter un masque, compte tenu des craintes liées à la transmission de maladies respiratoires. Lors de notre passage, en juin 2022, un test de dépistage négatif à la COVID-19 était obligatoire pour accéder au parc national des Volcans.
En conservation, la préservation est nécessaire. Même si nous n’avons pas eu de cas de COVID chez les gorilles, nous voulons les protéger
, explique Patrick, notre guide.
Les quelques centaines de gorilles vivant au Rwanda sont suivis sur une base quotidienne par des pisteurs, qui observent leurs mouvements et peuvent ainsi avertir les touristes de l’endroit où ils se trouvent, mais qui peuvent aussi alerter de toute irrégularité.
Les efforts ne sont pas ménagés pour protéger cette espèce, longtemps menacée d’extinction. Au début des années 1970, les chercheurs américains Amy Veder et Bill Weber ont constaté qu’entre 1959 et 1973, la population de gorilles de montagne était passée d’entre 400 et 500 individus à moins de 300.
Aujourd’hui, la Fondation pour la protection de la nature dénombre plus de 1000 gorilles de montagne dans les trois pays qui les abritent : le Rwanda, l’Ouganda et la République démocratique du Congo.
Derrière les efforts qui ont permis ce revirement impressionnant de situation se trouvent des experts de conservation comme Eugène Rutagarama.
Aujourd’hui retraité, ce spécialiste de biologie a occupé différentes fonctions au cours de sa longue carrière. Eugène Rutagarama a notamment dirigé le parc de Nyungwe, célèbre pour sa population de chimpanzés, en plus de travailler au parc national des Volcans et d’être à la tête d’organisations transnationales de protection des gorilles.
« Vous sentez vraiment que la nature est grande et que vous ne pouvez que faire partie de cette nature; et la détruire, c’est détruire une partie de soi. »
Pendant des années, Eugène Rutagarama a tenté d’améliorer la cohabitation avec les populations vivant à proximité des parcs nationaux. Faute de ressources suffisantes, certains habitants allaient s’y approvisionner en nourriture et en eau, ce qui contribuait à détériorer l’habitat naturel des gorilles.
Pour illustrer l’importance de cette problématique, Eugène tient à nous emmener à la lisière du parc national des Volcans, dans un petit village traversé par une route en terre battue.
Un groupe de femmes nous y attend pour nous montrer le dernier ajout à une maison du village : une citerne à eau financée par une coopérative qui reçoit notamment de l’aide internationale.
Voici un exemple du son capté de manière immersive.
Vous pouvez écouter le balado complet réalisé au Rwanda.
Ils avaient besoin d’eau, il n’y avait pas d’alternatives. Ils avaient besoin de bambou, il n’y avait pas d’alternatives. C’était parler sans résultat. C’est en répondant à leurs besoins de première nécessité que les gens comprennent
, explique Eugène Rutagarama, qui, bien que retraité du monde de la conservation, s’implique toujours dans ce projet.
Cette initiative s’ajoute à une politique menée par le gouvernement du Rwanda, qui vise à redistribuer une partie des revenus générés par le tourisme, et ainsi faire réaliser la valeur de ce secteur à la population. En 2022, les autorités estimaient que les activités liées au tourisme allaient rapporter plus de 350 millions de dollars américains au pays.
Depuis 2005, Kigali reverse une partie de ces recettes à des projets dans des communautés avoisinant ses grands parcs nationaux, dont celui des Volcans. La proportion redistribuée, d’abord fixée à 5 %, a désormais atteint 10 %.
Je crois que c’était essentiel de le faire
, lance le chercheur américain Bill Weber, un ami d’Eugène Rutagarama, qui se consacre depuis des décennies à l’étude des gorilles de montagne avec sa femme Amy Veder, elle aussi scientifique.
L’Américain a milité pour le développement du tourisme à une époque où cette industrie était très peu développée. Il se souvient qu’à une certaine époque on surnommait le parc des Volcans le parc de l’Enfer vert
, tellement l’idée de visiter cet espace mal aménagé était peu attirante.