Automne 1979, Montréal, angle Saint-André et de la Gauchetière. En retrait du quotidien grouillant de la rue Sainte-Catherine, un bâtiment anonyme de briques rouges de deux étages. De l’extérieur, impossible de s’imaginer qu’il s’y cache une importante fabrique à succès disco, un véritable petit temple du groove.
Bien que les étages supérieurs soient occupés par des bureaux gris et fades, le sous-sol, lui, vibre de musique, d’ondulations de basse, d’excitation, de cris, de vie : c’est le studio Marko. Ce jour-là, Geraldine Hunt et son entourage sont en train d’y enregistrer ce qui deviendra l’un des plus grands hits disco de l’histoire de Montréal, alors deuxième ville en importance en Amérique du Nord pour la musique disco après New York : Can’t Fake the Feeling.
Le gigantesque succès que sera Can’t Fake the Feeling fera de Geraldine Hunt une vedette internationale, mais lui permettra aussi de devenir la première femme afrodescendante à être propriétaire d’une maison de disques au Québec. Pourtant, rien ne destinait cette femme de Chicago au parcours qui allait la mener à Thetford Mines, puis à Longueuil, avant de la propulser vers les plus grandes scènes et plateaux de télé du Québec et du monde entier, pour finalement aboutir, près de 45 ans plus tard, à Sainte-Agathe, dans les Laurentides, où elle a écoulé ses derniers jours.
Collaboratrice de René Simard, de Boule Noire et du groupe Toulouse, artiste visionnaire, chanteuse au talent remarquable et au charisme redoutable, réalisatrice musicale affirmée et négociatrice féroce, Geraldine Hunt avait tout pour être perçue comme un fleuron culturel du Québec. Mais lorsqu’elle s’est éteinte, le 27 octobre 2022, à 77 ans, peu de médias ont relayé la nouvelle. Pourquoi cette géante du domaine culturel a-t-elle ainsi été occultée de la mémoire collective?
Parcours d’une précurseure dont l’émergence est survenue dans une période marquée par l’affirmation identitaire québécoise et les tensions politiques autour du premier référendum.