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Une femme se tient sur une scène, tient un micro et lance un regard de côté.
par Jean-Claude Angers, Journal de Québec (Archives nationales à Québec)

De Chicago à Sainte-Agathe en passant par Thetford Mines et Longueuil, parcours d’une précurseure du style musical qui a marqué le tournant des années 80 et qui s'est éteinte en octobre dernier dans un relatif anonymat.

Automne 1979, Montréal, angle Saint-André et de la Gauchetière. En retrait du quotidien grouillant de la rue Sainte-Catherine, un bâtiment anonyme de briques rouges de deux étages. De l’extérieur, impossible de s’imaginer qu’il s’y cache une importante fabrique à succès disco, un véritable petit temple du groove.

Bien que les étages supérieurs soient occupés par des bureaux gris et fades, le sous-sol, lui, vibre de musique, d’ondulations de basse, d’excitation, de cris, de vie : c’est le studio Marko. Ce jour-là, Geraldine Hunt et son entourage sont en train d’y enregistrer ce qui deviendra l’un des plus grands hits disco de l’histoire de Montréal, alors deuxième ville en importance en Amérique du Nord pour la musique disco après New York : Can’t Fake the Feeling.

Le gigantesque succès que sera Can’t Fake the Feeling fera de Geraldine Hunt une vedette internationale, mais lui permettra aussi de devenir la première femme afrodescendante à être propriétaire d’une maison de disques au Québec. Pourtant, rien ne destinait cette femme de Chicago au parcours qui allait la mener à Thetford Mines, puis à Longueuil, avant de la propulser vers les plus grandes scènes et plateaux de télé du Québec et du monde entier, pour finalement aboutir, près de 45 ans plus tard, à Sainte-Agathe, dans les Laurentides, où elle a écoulé ses derniers jours.

Temps du média: 0:00:27
Écoutez un extrait de « Can't Fake the Feeling »

Collaboratrice de René Simard, de Boule Noire et du groupe Toulouse, artiste visionnaire, chanteuse au talent remarquable et au charisme redoutable, réalisatrice musicale affirmée et négociatrice féroce, Geraldine Hunt avait tout pour être perçue comme un fleuron culturel du Québec. Mais lorsqu’elle s’est éteinte, le 27 octobre 2022, à 77 ans, peu de médias ont relayé la nouvelle. Pourquoi cette géante du domaine culturel a-t-elle ainsi été occultée de la mémoire collective?

Parcours d’une précurseure dont l’émergence est survenue dans une période marquée par l’affirmation identitaire québécoise et les tensions politiques autour du premier référendum.

South Side Chicago

Sa légendaire intensité au travail, Geraldine Hunt l’a probablement développée pendant sa jeunesse, à Chicago, dans le « South Side », une partie de la ville réputée pour sa misère et sa violence.

Sa fille, Rosalind Hunt, voit aujourd’hui dans cette ardeur une expression profonde de liberté et d’autodétermination prenant racine dans la fin de l'esclavagisme, ainsi que dans les luttes afro-américaines pour les droits civiques qui ont suivi.

Nos racines familiales sont dans le sud des États-Unis, le Mississippi, le Tennessee, explique-t-elle. Ayant vécu l'abolition de l'esclavagisme, mes grands-parents ont développé une mentalité selon laquelle il fallait découvrir ses forces et ses talents afin de les mettre en œuvre dans le monde auquel on était maintenant libre de participer.

Une femme regarde au loin.
Rosalind HuntPhoto : Radio-Canada / Denis Wong

« Dans cet esprit, ma mère a saisi les occasions qui se sont présentées à elle. Elle avait un excellent instinct pour ça, et lui dire non était la pire chose que vous pouviez faire, parce qu’elle avait la détermination de vous prouver que vous aviez tort. »

— Une citation de  Rosalind Hunt

Meilleur exemple de cet opportunisme : c’est après avoir répondu à une annonce parue sur une boîte de céréales que Geraldine, alors adolescente, lance son tout premier 45 tours, pour lequel elle adopte d’ailleurs le nom d’artiste Hunt, qui lui restera par la suite.

La chanson ne soulève pas l’intérêt espéré. Le travail acharné ne fait que commencer pour elle. Rien ne lui sera donné.

Une femme regarde au loin en pointant l'index hors du cadrage.
Geraldine Hunt en 1970Photo : Redferns / Gilles Petard

La nécessité de trouver du travail dans son domaine s’impose au début de la vingtaine : en 1964, elle met au monde son premier enfant, Freddie, puis, l’année suivante, sa fille Rosalind. Elle a maintenant deux bouches à nourrir. Déterminée, elle fait paraître plusieurs autres 45 tours avec différentes petites étiquettes, sans jamais toucher la cible.

Le succès lui sourit pour la toute première fois en 1970. Son nom paraît au prestigieux palmarès Billboard américain avec la chanson You and I, qu’elle interprète en duo avec le chanteur soul Charlie Hodges. Le disque culmine en 45e position du palmarès R&B de Billboard.

Temps du média: 0:00:22
Écoutez un extrait de « You and I »

Cette réussite lui vaut un contrat avec la grande étiquette américaine Roulette Records, avec laquelle elle lancera une série d’autres singles au cours de la première moitié des années 70. Elle arrive à répéter l’exploit de s’inscrire au palmarès Billboard en 1972, puis encore en 1973. Les années de travail commencent enfin à rapporter.

Une femme chante sur une scène avec, derrière elle, deux musiciens.
Une femme chante sur une scène avec, derrière elle, deux musiciens.
fournie par Rosalind Hunt
Photo: Geraldine Hunt  Crédit: fournie par Rosalind Hunt

De Chicago à Thetford Mines

En 1975, une série de hasards l’amène à se produire à Québec, en tournée, où un membre du public tombe éperdument amoureux d’elle. Après quelques jours à la suivre dans les villes que la chanteuse visite, il la demande en mariage.

Contre toute attente, Geraldine Hunt accepte. Elle téléphone alors à Chicago et annonce à sa mère et à ses deux enfants qu’à la fin de l’année scolaire, le clan en entier va déménager… à Thetford Mines. Le Thetfordois devait être d’un charme rare pour arriver à convaincre une femme de caractère comme Geraldine Hunt de le suivre jusque dans une région rurale du Québec, ne serait-ce que parce qu’elle ne parle alors pas un mot de français.

Cette histoire invraisemblable n’était effectivement pas très rationnelle, racontent aujourd’hui ses deux enfants. Après quelques mois, Geraldine met le cap sur Montréal et la famille atterrit à Longueuil. La chanteuse se trouve beaucoup plus à l’aise dans un milieu urbain. Elle peut également naviguer en anglais plus facilement dans le Grand Montréal, bien qu’elle ait suivi des cours de français et qu’elle soit très ouverte à la langue de Gerry. Je suis tombée en amour avec les Canadiens français , déclarera-t-elle en entrevue, en 2013.

Elle décroche son premier véritable contrat musical au Québec en 1976. Le chanteur Georges Thurston, alias Boule Noire, alors en plein processus d’enregistrement de son album Les années passent, a besoin de choristes en studio de toute urgence. En 24 heures, Geraldine Hunt apprend plusieurs chansons en français, un défi qu’elle sera plus tard très fière d’avoir surmonté. C’est aussi par l’entremise de Boule Noire qu’elle fait la rencontre d’un jeune bassiste timide et nerveux, Peter Dowse. Il deviendra l’un de ses principaux partenaires musicaux. L’entourage se construit.

En parallèle, la chanteuse décroche un contrat de choriste avec le jeune René Simard, l’idole québécoise des années 70. Avec lui, elle foule les plus grandes scènes. Elle fait maintenant partie intégrante de l’industrie musicale d’ici.

D’ailleurs, René Simard garde un souvenir chaleureux de Geraldine. Dans son jeune âge, il voyait en elle une femme toujours positive, qui souriait constamment. C’est elle qui m’a fait découvrir la musique Motown et qui m’en a fait comprendre l’importance, dit-il. Ensuite, j’ai toujours aimé le rhythm and blues. J’ai même mis en scène un spectacle autour de cette musique, Génération Motown.

Un homme regarde la caméra en souriant.
Freddie JamesPhoto : Radio-Canada / Denis Wong

Can’t Fake the Feeling : le hit

Le producteur Yves Martin remarque le talent de Geraldine Hunt et l’invite à enregistrer quelques chansons oscillant entre disco et soul avec lui. Deux 45 tours chantés en français en résultent en 1977. La carrière solo de Geraldine Hunt est officiellement lancée en sol québécois. Au cœur du Montréal disco, Geraldine est au centre de l’action.

En 1978, c’est au tour de l’important producteur montréalais Tony Green de proposer à Geraldine de travailler avec lui. Leur collaboration donne lieu à l’enregistrement de l’album Sweet Honesty. Le disque connaît un bon succès localement en 1978, continuant de mousser la carrière de la chanteuse.

Pendant l'enregistrement de l’album, une occasion émerge… pour son fils.

J’avais appris toutes ses chansons parce qu’elle les chantait tout le temps à la maison pour les apprendre, raconte Freddie James. Quand j’allais en studio avec elle, quand elle allait enregistrer dans la cabine, je la regardais par la vitre et je chantais pour l’aider, au cas où elle oublierait les paroles. Le producteur, Tony Green, a été surpris de voir que je savais chanter!

Green écrit une chanson pour le jeune homme et l’invite à l’enregistrer. Ensemble, ils créent un autre des plus grands succès disco au Québec : Get Up and Boogie. Au cours de l’automne 1979, la chanson gravit les palmarès dans plusieurs pays.

Temps du média: 0:00:21
Écoutez un extrait de « Get Up and Boogie »

C’est au cours de ce même automne que le plus gros succès de Geraldine Hunt se prépare. C’est Kat [Dyson] qui est arrivée avec la musique et le titre, si je me souviens bien, raconte Peter Dowse. Elle a demandé à Geraldine si elle pouvait y ajouter des paroles. Je me rappelle de Geraldine étendue sur son lit, plein de papiers griffonnés autour d’elle, plein d'idées. En 48 heures à peine, elle avait terminé le texte.

Le groupe commence les enregistrements de ce qui deviendra l’album No Way, au studio Marko. C’est là que Can’t Fake the Feeling est enregistrée. Les bandes sont ensuite amenées à New York où des cordes y sont ajoutées. Quand j’ai entendu le résultat final, j’ai eu l’impression qu’on tenait quelque chose, se remémore son bassiste et collaborateur Peter Dowse.

Assurée de la qualité de son produit, Geraldine propose la chanson à un ami producteur à Montréal. Ce dernier refuse de lancer la pièce, n’y voyant pas de potentiel. De plus en plus branchée à New York, elle se tourne vers la petite étiquette américaine Prism, qui accepte de prendre le risque de produire la chanson.

Le succès se dessine rapidement. Un spectacle de lancement est donné au légendaire club Copacabana de New York à l’été 1980.

Freddie James se souvient très bien de l’explosion de popularité du titre.

« Ça a été un choc! Ça a commencé à jouer dans le Village de New York et c’est vraiment la communauté gaie qui en a fait un hit. Ma mère était une diva et la communauté gaie l’adorait. »

— Une citation de  Freddie James

Cet été-là, Can’t Fake the Feeling grimpe les échelons du palmarès Dance de Billboard. Fin septembre, elle atteint le numéro un et y trône durant sept semaines. À titre comparatif, parmi les autres chansons qui occupent le numéro un en 1980, on peut relever Funkytown de Lipps Inc., Upside Down de Diana Ross et Celebration de Kool & The Gang - de véritables classiques de l’époque disco. Can’t Fake the Feeling est de cette trempe et demeure au sommet du palmarès plus longtemps que ces derniers.

Dans cette foulée, la diva montréalaise est invitée à Los Angeles, où elle interprète son tube à l’émission de télévision culte Solid Gold. À 35 ans, la néo-Québécoise goûte enfin au vrai succès alors que son disque No Way est distribué d’Europe jusqu’en Asie, d’Amérique du Sud jusqu’en Océanie.

Extrait du passage de Geraldine Hunt à l'émission Lautrec 81

Un refrain en accéléré

Gonflée à bloc par ce fait d’armes et frustrée par des ennuis légaux liés aux droits sur sa musique, Geraldine Hunt décide de fonder sa propre maison de disques, Six AM Records. Avec ce label, elle lance une quinzaine de disques entre 1982 et 1986.

Le plus grand succès de Six AM est aussi l’une de ses premières parutions : la chanson Murphy’s Law du duo Chéri, composé de Rosalind, fille de Geraldine, et Lise Cullerier. Lancé au printemps 1982, le disque fait un malheur sur les palmarès, conservant la 1re place au palmarès Dance de Billboard pendant trois semaines et faisant même son entrée au Billboard Hot 100 pour y culminer en 39e position, et à la 5e position du palmarès R&B.

L’une des principales forces de cette chanson réside dans une idée amenée par Geraldine Hunt. Freddie James, également crédité pour la réalisation du titre, se souvient très bien du choix esthétique inhabituel qu’elle a fait avec l’utilisation d’une version accélérée du refrain.

Ma mère avait des idées innovantes. Par exemple, lors de l’enregistrement de Murphy’s Law, un choix est survenu par accident. En studio, on s’amusait… Le technicien voulait qu’on soit plus sérieux. Il nous a dit : “Guys, come on" et il a fait jouer l’enregistrement des voix au ralenti pour attirer notre attention. Nous nous sommes mis à rire! Il a donc fait jouer les voix en accéléré pour continuer la blague. C’est là que ma mère a dit : "Une minute! Refaites jouer ça! On garde ça!" Nous ne comprenions pas : "Quoi?! Mais non! On ne peut pas faire ça!" Elle a insisté.

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Écoutez un extrait de « Murphy's Law »

La notoriété acquise avec les succès Can’t Fake the Feeling et Murphy’s Law permet au duo mère-fille de continuer durant de nombreuses années. Au cours des décennies 90 et 2000, Rosalind et sa mère déménagent là où se trouve la demande : pendant quelques années, elles habitent ensemble au Japon, au Brésil et jusqu’au Kazakhstan.

Une affaire de famille

Pour Peter Dowse, la plus grande force de Geraldine Hunt et ce qui la rendait unique, c’était la solidité du lien qui unissait son clan, sa manière de tout faire en groupe et de mettre en valeur les forces de chacun des membres.

Quand Geraldine arrivait en studio, elle venait avec toute sa famille. Jamais seule. Ses enfants Freddie, Roz… et même la grand-mère venait parfois!, se souvient-il.

L'ingénieur de son faisait toujours très attention pour ne pas, disons, laisser un Coca-Cola traîner près de la console et risquer de l’endommager. Mais quand il savait que Geraldine arrivait, j’ai l’impression qu’il se disait : "Oh boy!” Geraldine s’assurait que personne n'ait faim. Je me souviens très bien être dans la cabine pour enregistrer des pistes de basse et de voir, de l’autre côté de la vitre, toute la bande manger des frites et toutes sortes de choses comme ça. L’ingénieur ne pouvait même pas utiliser le talk-back pour me parler parce que les cris l’enterraient!

Elle était une matriarche. Pas exactement le type de mère qui restait à la maison pour nous cuisiner des biscuits et des muffins, illustre Freddie James, qui, comme sa sœur, a fait sa vie au Québec.

Souvent sur la route, Geraldine pouvait compter sur l’aide de sa mère pour s’occuper des enfants pendant leurs jeunes années. L'aïeule de la famille habitait leur maison, qui était donc menée par des femmes. Au début des années 80, quand ma mère partait en tournée, nous devions continuer d’aller à l’école, explique Freddie. Grand-mère était là pour s’occuper de nous. Alors, tu vois, ma mère jouait en quelque sorte le rôle du père, alors que ma grand-mère jouait celui, traditionnel, de la mère. Ma mère payait les factures, elle s’assurait qu’on ait un toit au-dessus de la tête et qu’il y ait toujours de la nourriture dans le réfrigérateur. Elle trimait très dur.

Plus qu’une chanteuse

Mis à part une distinction remise par la SOCAN en 2014, l’industrie québécoise a pratiquement ignoré la carrière de Geraldine et Rosalind Hunt. Nous sommes déçues du Québec , admet aujourd’hui Rosalind. Elle estime que la province n’a pas suffisamment reconnu les réussites de sa mère et ne l’a jamais vraiment considérée comme « l’une des siennes », étant donné ses racines américaines.

Il est vrai qu’il a longtemps existé deux solitudes à l’intérieur de l'industrie musicale québécoise, particulièrement à partir du premier référendum. Geraldine faisait partie de l’industrie québécoise avant 1980, mais lorsque son succès explose, cet été-là, le scrutin vient tout juste de connaître son issue. La fracture sociale entre anglophones et francophones est à vif. La famille Hunt estime s’être retrouvée isolée de l’industrie francophone, placée par défaut dans le côté anglais , victime collatérale d’un combat politique qui n’était pas le sien.

Maintenant que Geraldine n’est plus de ce monde, il reste la mémoire. Et Rosalind Hunt aimerait que l’on se souvienne que sa mère était plus qu’une chanteuse. Ma mère était humaine. Elle ouvrait sa maison aux gens. Elle aimait les gens. Oui, elle avait cet autre côté; si tu cherchais le trouble avec elle, elle pouvait te détruire. Mais avant tout, elle se tenait debout pour les underdogs. Les gens qui avaient du talent, elle voulait les encourager. Les jeunes chanteurs, les jeunes musiciens… Elle voulait prouver aux gens que si tu veux vraiment faire quelque chose, que si tu as un rêve, tu peux le réaliser.

Un homme et une femme sourient en tenant l'encadrement d'une page de la revue Billboard.
Rosalind Hunt et Freddie James tenant un souvenir des succès de leur mère Geraldine.Photo : Radio-Canada / Denis Wong

Photo d'en-tête par Jean-Claude Angers, Journal de Québec (Archives nationales à Québec)

Extraits musicaux :
Can't fake the feeling
Interprétée par Geraldine Hunt
Autrice(s)/compositrice(s) : Kathleen Dyson, Geraldine Hunt
Hygroton Music Publishing, Rebera Music Publishing, Harpstrings Music Group
Unidisc Music

You and I
Interprétée par Geraldine Hunt
Auteur(s)/compositeur(s): M. Gentile, C Hodges
Hygroton Music Publishing Calla Records/EMI/Universal

Get up and boogie
Interprétée par Freddie James
Auteur/compositeur : Tony Green
Cicada Music, Rebera Music Publishing, Get Ready Music
Warner Bros Records

Murphy's Law
Interprétée par Chéri
Autrice/compositeur : Geraldine Hunt, Daniel Joseph
Hygroton Music Publishing, LoPressor
Venture Records

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