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Les cachettes de l’empire Irving dévoilées

Publié le 3 novembre 2022

Pendant des décennies, les entreprises de la famille Irving, du Nouveau-Brunswick, ont fait disparaître une partie de leurs revenus aux Bermudes afin de minimiser leurs impôts à payer au Canada. Elles ont aussi récolté des centaines de millions de dollars en subventions gouvernementales. Grâce à une fuite, Enquête révèle les secrets fiscaux d’une famille milliardaire parmi les plus influentes au Canada.

En pleine pandémie de COVID-19, en avril 2020, l’envoi d’un courriel inusité intitulé Don de papier de toilette a mis le feu aux poudres, faisant éclater au grand jour un débat sur les pratiques fiscales d’une des familles les plus riches au pays.

Ce courriel, destiné à tous les élus du Nouveau-Brunswick, provenait de la compagnie JD Irving, le plus gros employeur du secteur privé de cette province, qui exploite entre autres l’usine de papier hygiénique de marque Royale à Dieppe.

Le courriel louangeait le travail important effectué par les politiciens en cette période difficile.

La compagnie annonçait ensuite qu’elle effectuerait pour chacun des députés fédéraux et provinciaux du Nouveau-Brunswick un don de boîtes de papier hygiénique à des refuges et à des maisons de transition de la province.

Kevin Arseneau dans un fauteuil.
Le fermier Kevin Arseneau est l'un des trois députés du Parti vert du Nouveau-Brunswick qui siègent à l'Assemblée législative à Frédéricton.Photo : Radio-Canada / Paul Émile d'Entremont

J’ai été extrêmement insulté par ça, se rappelle le député du Parti vert du Nouveau-Brunswick, Kevin Arseneau, un des destinataires du courriel.

Insulté que les Irving s’arrogent le droit de faire un don de papier hygiénique au nom des politiciens afin d'exercer leur influence auprès de la classe dirigeante.

Mais surtout indigné par cette opération de relations publiques orchestrée par une famille de milliardaires dont la fortune est évaluée à plus de 8 milliards de dollars et dont les pratiques d’évitement fiscal ont fait les manchettes dans le passé.

Votre charité masque peu le mal fait par l’usage éhonté de paradis fiscaux par les entreprises que vous contrôlez, leur a-t-il rétorqué par courriel. Bien peu de Néo-Brunswickois auraient besoin de votre charité si vous aviez préféré payer vos impôts sur vos profits corporatifs au Canada.

Un rouleau de papier hygiénique géant devant un bâtiment.
Le papier hygiénique de marque Royale est produit dans l'usine de Dieppe appartenant aux Irving.Photo : Radio-Canada

La réponse des Irving n’a pas tardé.

Dès le lendemain, le grand patron, Jim Irving, lui a fait parvenir une lettre dans laquelle il disait déplorer que M. Arseneau ait trouvé ce don offensant et affirmait que le conglomérat J. D. Irving appartient à des entités et à des citoyens canadiens qui vivent dans les provinces de l’Atlantique et paient leurs impôts au Canada.

Les Irving auraient-ils donc cessé d’avoir recours aux paradis fiscaux?

Leur empire est constitué d’entreprises privées, dont les états financiers ne sont pas publics. Il est difficile de déterminer avec certitude l’ensemble de cette structure organisationnelle.

Toutefois, l’émission Enquête, de concert avec CBC, a découvert plusieurs sociétés liées à l’empire Irving en fouillant dans les Paradise Papers, une fuite de documents confidentiels provenant de paradis fiscaux qui a été obtenue par le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung et qui a été communiquée au Consortium international des journalistes d’enquête ainsi qu'à Radio-Canada.

Ces révélations jettent un nouvel éclairage sur la face cachée de l’empire Irving, dont le recours aux paradis fiscaux remonte aux années 1960.

Portrait de K C Irving.
K. C. Irving, patriarche de la famille, a quitté le Canada en 1971 pour s'installer quelques mois plus tard aux Bermudes. Cette décision est prise quelques jours avant l'entrée en vigueur de l’impôt fédéral sur le gain en capital et d’un impôt sur les droits de succession au Nouveau-Brunswick. Photo : La Presse canadienne / BILL BECKER

Pionniers de l’évitement fiscal

Les Irving règnent sur le Nouveau-Brunswick.

Ils possèdent entre autres la plus grande raffinerie de pétrole au Canada, située à Saint-Jean, et gèrent un réseau de 900 stations-service en Atlantique et dans l’est du Québec.

Ils exploitent plus d’un million d’hectares de terres publiques et détiennent des papetières qui approvisionnent le reste du pays.

L’énorme chantier naval d'Halifax qui a décroché le fameux contrat des frégates de la Marine royale canadienne, c’est à eux.

Ils dominent l’économie du Nouveau-Brunswick et y exercent une influence politique considérable, ayant en quelque sorte un droit de veto sur ce qui peut se faire politiquement, estime Alain Deneault, professeur de philosophie à l’Université de Moncton.

Portrait d'Alain Deneault.
Alain Deneault, essayiste et professeur de philosophie à l’Université de Moncton, a publié de nombreux ouvrages sur les paradis fiscaux.Photo : Radio-Canada / Paul Émile d'Entremont

Ils sont aussi des pionniers de l’évitement fiscal.

Dès 1968, le patriarche de la famille, Kenneth Irving, a choisi le paradis fiscal des Bermudes pour y incorporer des sociétés de portefeuille détenant les entreprises canadiennes du conglomérat. Le taux d’imposition des sociétés aux Bermudes est nul.

Il a été un des premiers à transférer l'administration de tout son groupe d'entités aux Bermudes de façon à gérer ses actifs à l'abri de toute surveillance étatique et surtout à l'abri du fisc, constate M. Deneault, qui a publié de nombreux ouvrages sur les paradis fiscaux.

En décembre 1971, Kenneth Irving a soudainement quitté le Canada pour s'installer aux Bermudes peu de temps après. Son départ est survenu quelques jours avant l’entrée en vigueur de l’impôt fédéral sur le gain en capital et d’un impôt sur les droits de succession au Nouveau-Brunswick. Il craignait l'impact de ces mesures sur la santé financière de ses entreprises, selon son petit-fils, Jim Irving.

John (Jack) Irving, James Irving et Arthur Irving
Les frères John (Jack), James et Arthur Irving en 1987Photo : La Presse canadienne / Scott Perry

Dans la ligne de mire du fisc

Rapidement, les Irving se sont attiré les foudres des autorités fiscales canadiennes.

Un des stratagèmes fiscaux employés par les Irving dès les années 1970 consistait à faire l’achat de pétrole brut extrait en Arabie saoudite par la Standard Oil of California.

Cependant, plutôt que de faire l’achat de manière directe, la transaction passait par l’entremise d’Irvcal, une société des Bermudes contrôlée par les Irving et par leur partenaire américain.

Irvcal achetait le pétrole de Standard Oil à bas prix pour le revendre à prix plus élevé à la raffinerie canadienne. La raffinerie de Saint-Jean pouvait ensuite déduire ces dépenses de sa facture d'impôt. Les profits, eux, étaient donc réalisés aux Bermudes, libres d’impôt.

Dans les années 1970, les Irving ont utilisé un stratagème fiscal pour déplacer des profits aux Bermudes.

Ce stratagème a attiré l’attention du fisc, qui leur a réclamé 142 millions de dollars. Les Irving ont contesté devant les tribunaux et ont obtenu gain de cause, même si le juge a dit estimer qu’il s’agissait de transactions artificielles et d’un stratagème d’évitement fiscal pur et simple.

Selon Geoffrey Loomer, professeur de droit fiscal à l’Université de Victoria, cette cause a entraîné des changements aux règles afin de mettre fin à ce que les autorités fiscales canadiennes considéraient comme de l’abus.

Kenneth Irving est mort en 1992. Une part de la fortune familiale s’accumulait déjà dans des fiducies, toujours aux Bermudes, dont les bénéficiaires étaient ses trois fils – John, James et Arthur – ainsi que leurs descendants.

Toutefois, l’étendue de leur recours aux paradis fiscaux est un secret qu’ils ont toujours bien gardé de génération en génération.

Un homme fait du surf cerf-volant près de la côte.
Les Bermudes, une destination de rêve pour les millionnaires en raison notamment du taux d'imposition de 0 % sur les sociétés qui n'ont aucune activité économique sur place.Photo : Getty Images

Des profits au paradis

Nos recherches dans les Paradise Papers nous ont permis de découvrir près d’une dizaine de sociétés des Irving dans des paradis fiscaux dont l’existence n’était pas publiquement connue auparavant.

L’une d’elles, nommée F.M.A. Ltd, est une société d’assurances que les Irving ont fait incorporer aux Bermudes en 1973 afin d’assurer leurs navires. C’est ce qu’on appelle une société d’assurance captive.

Selon les documents de la fuite, cette société n’avait pas d’employés ni de bureau. L’adresse de F.M.A. était celle d’un cabinet d’avocats aux Bermudes qui offrait des services d’incorporation et de gestion de sociétés dans des paradis fiscaux.

Les primes que les compagnies canadiennes des Irving payaient à leur propre compagnie d’assurances des Bermudes étaient déductibles d’impôts au Canada.

Ce sont des sociétés qui permettent à des groupes de s'assurer eux-mêmes. Imaginez que les conditions sont avantageuses, fait remarquer Alain Deneault.

Selon le professeur Loomer, il s’agit d’une stratégie qui permet à une multinationale canadienne de payer moins d’impôts parce qu’il s’agit d’une dépense au Canada, ce qui réduit vos profits ici mais augmente ceux de votre société aux Bermudes, où les impôts sont nuls, dit-il.

Portrait de Geoffrey Loomer.
Geoffrey Loomer, professeur de droit fiscal à l’Université de VictoriaPhoto : Radio-Canada / Paul Émile d'Entremont

La fuite contient les états financiers de F.M.A. de 1974 à 2001. Pendant cette période, F.M.A. a accumulé plus de 13 millions de dollars en revenu net, libre d’impôts.

La compagnie J .D. Irving, qui gère la division forestière de l’empire Irving, a décliné notre demande d’entrevue.

Par courriel, sa porte-parole dit avoir cessé d’utiliser F.M.A. pour assurer ses navires il y a plus de 10 ans. Elle ne précise cependant pas si une nouvelle société a été créée pour la remplacer, mais elle suggère que J. D. Irving Ltd considère toujours l'assurance captive comme une stratégie utile.

Une compagnie d'assurances captive était alors et continue d'être une bonne approche commerciale pour réduire les coûts d'assurances et pour assurer la meilleure couverture d'assurance possible, écrit-elle.

Elle ajoute que F.M.A. vendait ses primes d’assurance à J. D. Irving Ltd à la valeur marchande.

La raffinerie et les réservoirs de pétrole d'Irving Oil à Saint-Jean.
La raffinerie et les réservoirs de pétrole d'Irving Oil à Saint-Jean, au Nouveau-BrunswickPhoto : Radio-Canada / Jean-Philippe Hughes

Irving Oil et les Bermudes

L’empire mis sur pied par le patriarche Kenneth Irving a été scindé entre trois clans familiaux.

De nos jours, Irving Oil appartient entièrement à Arthur Irving, qui a lui aussi décliné nos demandes d’entrevue.

Par courriel, sa compagnie a affirmé que l’ensemble de la structure de propriété d'Irving Oil est entièrement imposable au Canada.

Toutefois, nous avons trouvé un autre indice en consultant les plus récents états financiers d’une division d’Irving Oil en Irlande, où la compagnie a fait l’acquisition d’une raffinerie et de stations-service en 2019.

On y apprend que l’ultime propriétaire d'Irving Oil est une fiducie appelée The ALI Family No. 1 Trust. A. L. I. sont les initiales d'Arthur Leigh Irving.

Il est dit que « l'entreprise mère ultime de la société est Irving Oil Company, Limited, qui appartient à The ALI Family No. 1 Trust, soit la partie contrôlante ultime. Les états financiers d'Irving Oil Company, Limited ne sont pas accessibles au public ».
Il est dit que « l'entreprise mère ultime de la société est Irving Oil Company, Limited, qui appartient à The ALI Family No. 1 Trust, soit la partie contrôlante ultime. Les états financiers d'Irving Oil Company, Limited ne sont pas accessibles au public ».Photo : Radio-Canada

Selon un document confidentiel que nous avons trouvé dans les Paradise Papers, cette fiducie qui contrôle Irving Oil a été constituée aux Bermudes. Il s’agit d’une fiducie qui a été mise sur pied pour Arthur Irving pendant le processus de division de l’empire.

Dans une décision de décembre 2012, un tribunal des Bermudes a déclaré que de nouvelles sociétés de portefeuille familiales qu'Arthur était en train de créer et qui allaient être détenues par sa nouvelle fiducie seraient des véhicules fiscalement avantageux pour la distribution des bénéfices engendrés par les activités d'Irving Oil au Canada.

Un monument de K. C. Irving.
Une statue à l'effigie de K. C. Irving à Bouctouche.Photo : Radio-Canada

Course contre l’impôt

Lorsque l’empire a été divisé entre les différents clans familiaux, les procédures légales aux Bermudes ont été effectuées sous le sceau du secret.

Cependant, grâce aux Paradise Papers, nous avons obtenu de nombreux documents soumis au tribunal. Ces documents révèlent que les questions fiscales étaient au cœur des préoccupations.

Le processus a nécessité des négociations délicates avec l'Agence du revenu du Canada, selon des déclarations déposées au tribunal en 2009.

La menace imminente d’une facture fiscale colossale au Canada en décembre 2013 a été un facteur clé pour que les frères se partagent la fortune dès que possible, a indiqué un avocat dans un document déposé à la cour en février 2010.

De nouvelles règles canadiennes concernant les fiducies extraterritoriales allaient entrer en vigueur en 2013.

Si les bénéficiaires [de la fiducie des Bermudes] étaient des résidents canadiens, ils allaient devoir payer de l'impôt sur les revenus de placement, selon le professeur Loomer.

Le processus de fractionnement de la fiducie testamentaire du patriarche Kenneth Irving – qui détenait des actifs d’une valeur de 3 milliards de dollars – a nécessité une batterie d'avocats internationaux spécialisés en fiscalité et en fiducies.

Ce fut probablement le réarrangement de fiducie le plus long et le plus coûteux de l'histoire, a écrit Frank Hinks, un avocat d'Arthur Irving, dans des déclarations soumises au tribunal.

La facture finale des frais juridiques s'élevait à environ 100 millions de dollars, selon une décision de 2012 du juge en chef des Bermudes, Ian Kewley.

Jim Irving et un travailleur.
Jim Irving, co-chef de la direction du chantier naval Irving d'Halifax, dont l'entreprise a bénéficié d'un prêt non remboursable de 260 millions de dollars de la Nouvelle-Écosse pour l'aider à obtenir un contrat de frégates de la marine canadienne.Photo : La Presse canadienne / Darren Calabrese

Champion des subventions

En plus d’être parmi les pionniers de l’évitement fiscal au Canada, les Irving sont passés maîtres dans l’art de recevoir des fonds publics.

Par exemple, en mai dernier, le milliardaire Jim Irving, un des héritiers de l’empire familial, était au côté du ministre fédéral des Transports pour recevoir une subvention de 21 millions de dollars afin de moderniser son chemin de fer.

En 2005, les Irving ont reçu une réduction de la taxe foncière d’une valeur de 112 millions de dollars pour leur port méthanier.

En 2011, la Nouvelle-Écosse leur a octroyé un prêt non remboursable – essentiellement une subvention – de 260 millions de dollars pour aider leur chantier maritime à décrocher le lucratif contrat de construction des navires de la Marine royale canadienne, un des plus gros contrats publics de l’histoire du Canada.

En 2014, J. D. Irving a bénéficié d’une augmentation de 20 % des terres publiques de la province que la compagnie pouvait exploiter.

Puis, en pleine pandémie, pendant que les Irving offraient des dons de papier hygiénique au nom des politiciens, leurs entreprises ont réclamé des subventions.

Nous avons découvert que les entreprises de J .D. Irving, y compris sa filiale de produits de consommation qui fabrique le papier hygiénique Royale, ont obtenu 12 millions de dollars en subventions fédérales d’urgence pour les employeurs touchés par la COVID-19.

Vue aérienne de la papetière et du cours d'eau qui l'entoure.
La papetière d'Irving Pulp and Paper à Saint-Jean, au Nouveau-BrunswickPhoto : CBC / Roger Cosman

Les Irving ripostent

Le député Kevin Arseneau dénonce de tels octrois de fonds publics à une famille de milliardaires qui pratique l’évitement fiscal depuis plus de 50 ans.

Dans ma tête, c'est un ou l'autre, dit-il. Vous ne pouvez pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Vous ne pouvez pas éviter de payer des impôts et, en plus, en récolter.

En avril 2020, lors d’un discours en Chambre, il a proposé que le gouvernement provincial cesse de verser des subventions aux entreprises qui utilisent les paradis fiscaux, comme celles des Irving.

Piquée au vif, la compagnie J. D. Irving a riposté dans une lettre adressée à David Coon, le chef du Parti vert du Nouveau-Brunswick, en lui suggérant d’avoir une discussion avec son député afin de corriger ce que la compagnie estime être des commentaires absolument incorrects.

Pour moi, c’est une menace, c’est une façon de dire : "On vous a à l’œil". C’est clair que je les dérange, estime Kevin Arseneau.

Dans cette lettre, James K. Irving (père de Jim) affirme que le conglomérat J. D. Irving a toujours payé tous les impôts dus au Canada, que ses entreprises ne sont pas détenues ni contrôlées à partir des Bermudes et qu’elles sont possédées et gérées par des Canadiens.

Cette déclaration a été rédigée avec soin, selon le professeur Geoffrey Loomer. Ils nous disent la vérité, dit-il. Ces entités sont probablement détenues par des Canadiens. Mais ça masque le fait qu’il y a, dans leur structure, plusieurs sociétés dans des paradis fiscaux.

M. Loomer ne met pas en doute que les Irving payent les impôts qu’ils doivent au Canada, mais selon lui, ils s’assurent aussi que leur facture fiscale est fort peu élevée.

Au même moment où les Irving se plaignaient des propos du député Arseneau, leurs propres rapports soumis au registre fédéral des lobbyistes indiquaient que la société mère du conglomérat J. D. Irving était F.M.W., une société de portefeuille dont l’adresse était à Hamilton, aux Bermudes.

Cette inscription au registre n’a été modifiée que 16 mois plus tard, soit en octobre 2021.

Par courriel, Anne McInerney, la vice-présidente des communications de l'entreprise, nous a répondu que F.M.W. a cessé d'être la société mère de J. D. Irving en 2012 et que, pendant neuf ans, la compagnie n'a pas pensé à modifier l'inscription au registre des lobbyistes.

Portrait de Kevin Arseneau.
Le député Kevin Arseneau propose d'abolir les subventions gouvernementales aux entreprises qui ont recours aux paradis fiscaux.Photo : Radio-Canada / Paul Émile d'Entremont

« Du vol légalisé »?

Toutes les sociétés des Irving aux Bermudes que nous avons nommées ont été dissoutes au cours des 10 dernières années.

Les Irving ne veulent pas expliquer pourquoi. Et ils n’ont pas non plus répondu lorsque nous leur avons demandé quelles sont les sociétés auxquelles ils ont encore recours dans les paradis fiscaux.

Lors d’une activité publique, Jim Irving a refusé de répondre aux questions de nos collègues de CBC. Je ne parlerai pas de ça aujourd’hui, a-t-il lancé avant de monter à bord de son véhicule.

Selon le professeur Geoffrey Loomer, l’histoire des Irving est aussi une histoire de politiques publiques. Les gouvernements permettent l’évitement fiscal des multinationales à des fins de compétitivité internationale.

Les lois permettent aux multinationales qui utilisent les paradis fiscaux d’éviter de payer une partie de leurs impôts canadiens. Les lois ont été conçues ainsi, Irving n’est pas seul, précise-t-il.

Cette question hante le député Kevin Arseneau.

« Même si c’est légal, est-ce éthique? »

— Une citation de   Kevin Arseneau

Il estime qu’il est grand temps que les législateurs agissent. C'est du vol légalisé. Pourquoi est-ce qu'on ne réforme pas? Réformons ces règles-là au plus sacrant, lance-t-il.

Il ne se fait toutefois pas d’illusions quant à l'introduction de changements législatifs de sitôt dans sa province.

Ni le gouvernement conservateur au pouvoir – dont le premier ministre Blaine Higgs est un ancien gestionnaire d’Irving Oil – ni l’opposition libérale n’ont appuyé ses démarches jusqu’à maintenant.

Avec la collaboration de Paul Émile d’Entremont

Le reportage de Frédéric Zalac et de Paul Émile d'Entremont est diffusé à Enquête le jeudi à 21 h sur ICI Télé. Il est aussi disponible en rattrapage sur ICI Tou.tv (Nouvelle fenêtre).

Un document réalisé par Radio-Canada Info

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