Les suspentes du pont Pierre-Laporte, à Québec, sont de moins en moins résistantes et certaines pourraient céder à tout moment, d’après des informations obtenues par l’émission Enquête. Malgré des données préoccupantes et les signalements répétés de ses experts, il n'y a pas d'urgence selon le ministère des Transports (MTQ
), qui n’envisage toujours pas de remplacement complet à court terme.À la demande du MTQ
, les cinq suspentes retirées du pont Pierre-Laporte puis remplacées au cours des deux dernières années ont été testées dans les laboratoires de Polytechnique Montréal.Chaque suspente est composée de deux câbles d'acier verticaux qui relient les deux immenses câbles porteurs au tablier du pont.
Enquête a obtenu des vidéos et les résultats des essais qui ont présenté les résistances les plus faibles jamais vues depuis les premiers tests réalisés en 2015 sur des câbles de suspentes.
Deux des cinq suspentes ont été remplacées en urgence l’automne dernier et un des câbles avait perdu 57 % de sa résistance d’origine. Il ne lui restait que 43 % de capacité, soit le pire résultat obtenu à ce jour.
Le test consiste à tirer progressivement sur chaque câble jusqu’à ce qu’il cède, ce qui permet de connaître sa résistance résiduelle.

Des suspentes ont été testées à Polytechnique Montréal au cours des derniers mois
Un rapport signé par deux ingénieurs du MTQdiminution importante et accélérée de la résistance des suspentes
. L’endommagement et la perte de capacité évoluent et continueront d’évoluer de façon accélérée
, lit-on.
On apprend dans ce document que les câbles des 160 suspentes du pont Pierre-Laporte sont vérifiés lors des inspections générales du pont, mais que certaines parties étant inaccessibles, il est impossible de connaître leur état réel sans les enlever.
Les dernières inspections visuelles et les récents tests le confirment : ces câbles sont de plus en plus rouillés.
Ce rapport, de plus de 100 pages, a été transmis à des gestionnaires et à de hauts fonctionnaires du Ministère le 21 avril. Selon nos informations, ils avaient toutefois été informés des faibles résultats des tests de résistance bien avant de recevoir le document.
Les auteurs recommandent le remplacement de toutes les suspentes. Le plus tôt sera le mieux, écrivent-ils, certaines doivent l’être à court terme pour éviter les remplacements en urgence ou des impacts importants au niveau de l’exploitation du pont.
Ils évoquent également dans le rapport le risque de rupture en cascade étant donné l’incertitude quant à l’état des suspentes. Les ingénieurs expliquent que si un câble cède, les câbles voisins doivent être en mesure de supporter cette charge.
La redistribution de charge à des éléments voisins endommagés peut causer la rupture de ces derniers éléments, et ainsi de suite, jusqu’à causer une potentielle rupture généralisée des suspentes.
« Il faut absolument éviter la rupture d’une ou de plusieurs suspentes avec comme finalité, peu probable, mais potentielle, une catastrophique rupture en cascade [...] pouvant ultimement causer l’effondrement de l’ouvrage. »
La rapidité avec laquelle les dommages progresseront est quasi impossible à estimer. La gestion du risque de rupture de suspentes n’est pas acceptable sur une longue période.