Le 29 novembre 2021, le groupe de pression Québec Fier partage sur Facebook une photo du chef du Parti conservateur du Québec (PCQ), Éric Duhaime, à ses 85 000 abonnés. Une citation de M. Duhaime concernant les mesures sanitaires abusives
est superposée sur la photo. Les passages importants du texte, écrit entièrement en majuscules, sont surlignés en rouge. Êtes-vous en accord avec le chef du Parti conservateur du Québec?
, peut-on lire dans la description qui accompagne la publication. Pensez-vous qu’il est temps d’arrêter de paniquer à chaque fois qu’un nouveau variant de COVID-19 est découvert?
, renchérit-on.
Quatre heures plus tard, le Parti conservateur de M. Duhaime publie une image identique sur sa page Facebook, accompagnée de la même description : Êtes-vous en accord avec le chef du Parti conservateur du Québec? Pensez-vous qu’il est temps d’arrêter de paniquer à chaque fois qu’un nouveau variant de COVID-19 est découvert?
Ce n’est pas un cas isolé. Selon notre analyse des activités en ligne de Québec Fier et du PCQ, il s'agit d'un phénomène récurrent : les deux organisations ont publié des images identiques sur leurs pages Facebook respectives à 65 reprises depuis avril dernier, parfois accompagnées d’une description identique, et parfois publiées sur les deux pages avec 15 minutes d’écart.
C’est un exemple concret de comment l’univers numérique en général peut être utilisé à des fins politiques de façon efficace pour mobiliser des gens
, analyse Philippe Dubois, doctorant en science politique à l’Université Laval et étudiant-chercheur au Groupe de recherche en communication politique (GRCP).
Sans dire qu’ils ont une influence à tout casser, Québec Fier a probablement eu un rôle dans l’émergence du Parti conservateur. Ce parti-là n’existait pas, à proprement parler, il y a quelques mois. Aujourd’hui, ils sont premiers dans le financement populaire
, ajoute M. Dubois. Il faut le prendre pour ce que c’est : 85 000 personnes sur une population de 8 millions, mais ce sont des personnes qui peuvent être mobilisées.
Une enquête de Radio-Canada révèle d’ailleurs que le président de Québec Fier, Nicolas Gagnon, a milité pour la candidature d’Éric Duhaime dans la course à la direction du PCQ et qu’il a publié plus de 270 fois dans un groupe Facebook de militants du chef, dont il était également le modérateur. Dans des publications que nous avons retrouvées sur les réseaux sociaux, M. Gagnon a invité les sympathisants de M. Duhaime à entrer leurs coordonnées et un montant maximal de dons dans un formulaire en ligne. Ces informations devaient ensuite être transmises à l’équipe de campagne de l’ancien animateur de radio.
Dans une déclaration écrite fournie à Radio-Canada, Nicolas Gagnon nie pour sa part tout lien entre Québec Fier et le PCQ ou l’entourage de son chef. En mon nom, je tiens à mentionner que je n’ai aucun lien avec la course au leadership d’Éric Duhaime ni avec sa direction actuelle à la tête du PCQ. Je n’ai d’ailleurs aucun membership actif, que ce soit au provincial ou au fédéral.
Nicolas Gagnon soutient que Québec Fier partage des opinions qui s'alignent parfois sur certaines positions du PCQ, mais cela n'est pas coordonné ni même délibéré
, ajoutant que le groupe appuie des politiques et non des partis.
En ce qui concerne le matériel de Québec Fier que le PCQ aurait partagé, que ce soit en reprenant nos images ou certains de nos textes, sachez que nous n’y voyons aucun inconvénient. Les médias sociaux ont été créés dans le but de partager du contenu et nous sommes heureux de voir que notre matériel est souvent viral, grâce aux partages des gens ordinaires comme de certaines personnalités publiques ou politiques
, a déclaré le président du groupe de pression par écrit.
Les activités partisanes de Nicolas Gagnon et de Québec Fier n’enfreignent aucune loi électorale au Québec.
Le Parti conservateur du Québec n’a pas répondu aux multiples demandes d’entrevue de Radio-Canada.