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Un athlète de surf des neiges dévale une pente pendant une compétition.
CIO

Texte : Jacinthe Taillon

Sur le coup, la manœuvre de Maxence Parrot semble parfaite.

Suspendu dans les airs à sa deuxième descente du parcours de slopestyle des Jeux olympiques de Pékin, en finale, l’athlète étire son bras gauche et saisit l’avant de sa planche pour ainsi réussir ce qu'on appelle, dans le jargon du sport, un grab, tout en tournoyant à vive allure sur lui-même. Il conclut son parcours pratiquement sans faille sous les yeux éblouis des commentateurs comme des téléspectateurs du monde entier.

Les juges rendent leurs notes, tout va bien… Mais tout juste avant qu'elles soient officiellement dévoilées, les télés montrent, au ralenti, des images auxquelles les juges n'ont pas eu accès.

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Ce qu'on y voit est clair : Parrot n'a pas réussi sa prise. Au lieu d’attraper solidement sa planche sur le Cab Triple Cork 1620, il ne l’a tenue que quelques fractions de seconde avant de prendre son genou droit de ses deux mains, pour compenser. Après avoir poursuivi la manœuvre dans cette position, il réussit un atterrissage parfait.

L'erreur est importante, mais les juges, privés des prises de vue révélatrices, l'ont ratée.

Peu après, grâce à cette descente, Parrot est couronné champion olympique devant une poignée de spectateurs chinois et d’athlètes venus encourager les planchistes au Parc de neige de Genting. Le Chinois Su Yiming remporte l’argent et le Canadien Mark McMorris, le bronze.

Les juges auraient-ils dû voir l'erreur? Auraient-ils pu modifier leurs notes après avoir vu les nouvelles images?

Et s'ils avaient vu la prise ratée du premier coup, Parrot aurait-il quand même remporté l'or?

Être juge dans une compétition olympique, c’est détenir une partie du destin des athlètes entre ses mains. Réaliser que l’on vient de commettre une erreur irréparable constitue donc le pire des cauchemars.

Deux de ceux qui étaient chargés de juger la finale olympique du slopestyle ont accepté, pour Podium, de revenir sur la controverse qui a marqué le surf des neiges aux Jeux de Pékin.

Un athlète de surf des neiges attend au portillon de départ.
Radio-Canada
Photo: Max Parrot  Crédit: Radio-Canada

Pressés par le temps

Un homme se tient debout sur une piste de surf des neiges devant les anneaux olympiques avec, derrière lui, 10 auteres personnes.
fournie par R Philippe Pilon

La médaille d’or de Parrot en Chine, le 7 février dernier, a soulevé les passions. Plusieurs ont été éblouis par la performance de celui qui avait vaincu le cancer trois ans plus tôt. D’autres, au contraire, ont crié à l’injustice.

Une controverse qui, selon les juges, n’aurait jamais dû exister.

L’un d’entre eux, Philippe Pilon, en était à ses premiers Jeux olympiques à titre de juge, mais il œuvre dans le milieu depuis plus de 20 ans. À Pékin, sa tâche consistait à noter l’impression globale de chaque performance.

« Les Olympiques, c’est une émission de télé, explique-t-il. Nous les juges, on a [environ] 120 secondes entre le moment où l’athlète arrive au départ et le concurrent suivant. Le temps que l’athlète s'installe, arrange son équipement et fasse sa descente, 80 secondes se sont envolées. On est limités dans le temps. Pendant que la compétition se déroule, les juges qui évaluent segment par segment envoient leur pointage dès l’atterrissage des tricks. »

Le défi, c’est qu’à l’épreuve de slopestyle en surf des neiges, les juges ne voyaient pas directement le parcours. Ils étaient plutôt réunis dans une salle où ils suivaient la compétition en direct sur des écrans.

À ces Jeux olympiques là, spécifiquement, on avait accès à un total de 10 caméras, explique Philippe Pilon. Il y en avait sept sur le parcours, puis trois autres qu’on pouvait ajouter pour visionner une reprise. [Les réseaux de télévision] avaient au moins 20 caméras de plus. Nous, on n’a pas accès aux images de ces caméras-là.

En finale, chacun des 12 athlètes effectue trois descentes, et seul le meilleur pointage est retenu (Nouvelle fenêtre).

Sur le coup, lorsque Maxence Parrot a fait sa deuxième descente, les commentateurs et analystes de partout dans le monde y ont vu une performance sans faille. Les juges aussi.

« Si tu écoutes n’importe quelle diffusion dans n’importe quel pays, tous les commentateurs ont dit que la run était parfaite et qu’il avait réussi son grab. C’est seulement après, en voyant une reprise dans un autre angle auquel nous n’avions pas accès, que le monde a fait : "Woh! Il y a eu quelque chose de pas correct." »

— Une citation de  Philippe Pilon

Les commentateurs de Radio-Canada, de CBC et d'OBS réalisent l'erreur de Max Parrot

Carter Smith est juge international depuis une douzaine d’années, mais c’était la première fois qu’on lui confiait un mandat à des Jeux olympiques.

On a trouvé que la performance était très propre. Initialement, on a vu Maxence prendre sa planche et Max est très bon en prises, alors on a supposé qu’il l’avait bien faite. C’est ce qu’on a vu. On juge ce que l’on voit et c’est ce qu’on a vu , explique-t-il.

Avant de soumettre leurs notes finales, les juges auraient pu demander une reprise ou même un ralenti de ce segment du parcours. Mais comme les rotations se font à une vitesse vertigineuse et que tout avait semblé parfait, ils ne l'ont pas fait. Les reprises servent à revoir un élément s'il y a un doute. Mais dans ce cas-ci, il n'y en avait pas.

Toutefois, quelques instants plus tard, la vérité apparaissait sur les écrans du monde entier, tout comme sur des moniteurs disposés près des juges, entassés dans cette petite salle temporaire sans vue directe sur le parcours.

Des neuf juges attitrés à l’événement, deux – le Canadien Carter Smith et le Suédois Fredrik Westman – devaient noter spécifiquement les troisième et quatrième segments du parcours, qui en comptait six.

C’est précisément dans cette quatrième portion de sa performance que Maxence Parrot a commis son erreur.

Deux caméras sont postées de chaque côté de la piste de l'épreuve de slopestyle.
L'emplacement des deux camérasPhoto : Fédération internationale de ski (graphisme : Radio-Canada)

Tout d’un coup, ce que les gens ont vu à la maison, c’est une image différente. En fait, pendant que les athlètes attendent leur pointage en bas, des ralentis sont montrés aux téléspectateurs. À ce moment-là, nos pointages sont déjà envoyés. Et là, juste avant que Max reçoive son score, on a vu un autre angle de caméra. Un angle auquel nous n’avions pas accès en direct , dit Smith.

Parrot a reçu une note totale de 90,96, la plus élevée ce jour-là.

« Nous avons demandé si nous pouvions changer notre pointage, mais il était trop tard.  »

— Une citation de  Carter Smith, juge du 4e segment
Illustration du podium de l'épreuve avec le pointage de chaque médaillé (Parrot, or, 90,96 points - Yiming, argent, 88,70 - McMorris, bronze, 88,53).

Contacté par Podium, le Canadien Mark McMorris, médaillé de bronze à l’épreuve, n’a pas souhaité revenir sur l’événement. De son côté, Maxence Parrot, nouvellement papa d’un garçon, profite d’une pause médiatique jusqu’à l’automne.

Sébastien Toutant participait lui aussi à la compétition ce jour-là et s'est classé 9e. Le Québécois s’est aperçu que quelque chose clochait avant même de quitter le site de la compétition.

« Pour ma part, je focalisais sur mon riding, raconte-t-il. Sur le coup, je n'avais rien vu. Je sais juste qu'il y avait du monde qui en parlait. Ça n'a pas été long avant que la reprise soit publiée un peu partout. Dans le monde entier, c’est sûr que ça en a fâché plusieurs qui ont à coeur notre sport. Disons que ça ne parlait pas nécessairement en positif des juges, des Olympiques ou de Max. Ce n'est pas la faute de Max, ce n'est rien contre lui, mais disons que ça a fait jaser rapidement. »

La tempête venait de commencer.

Un athlète de surf des neiges lève le regard au ciel et tire la langue.
Radio-Canada
Photo: Max Parrot  Crédit: Radio-Canada

Les juges pris pour cible

Ce nouvel angle de caméra fait vivement réagir la communauté du surf des neiges. En quelques heures, les réseaux sociaux s’enflamment.

Les juges, dont Carter Smith, qui avait demandé sans succès de changer son score, sont montrés du doigt. Certains commencent même à recevoir des messages haineux.

Les 48 heures suivantes, on s’est fait ramasser sur les réseaux sociaux. Et ça, ç’a joué dans notre tête, raconte Philippe Pilon. Ç’a mis un doute et on s’est demandé si on a vraiment fait la bonne affaire.

Un amateur critique les juges sur Instagram

Quatre jours plus tard, Mark McMorris déclare aux médias qu’il aurait dû remporter l’or au lieu du bronze. Bien sûr, ça aurait été plaisant d’avoir une médaille d’une autre couleur, affirme-t-il alors. Mais sachant que j’ai effectué la meilleure descente de la journée et l’une des meilleures de ma vie et que tout le milieu sait ce qui s’est produit... Pas mal fou.

Oui, c'est fâchant. Je comprends un peu le ressentiment que Mark peut avoir. Ça fait trois fois qu’il termine 3e aux Jeux olympiques [en slopestyle] et je pense qu’il aimerait bien en gagner un, concède Toutant. Mais disons que tu enlèves Maxence du podium [à Pékin], Mark finit 2e et non 1er. Dire qu’il aurait dû gagner, c’était dire que Su Yim [le médaillé d’argent Su Yiming] méritait moins. C’était amener la controverse à un autre niveau. Mark aussi, à son premier rail, il est sorti vraiment tôt. Il n’a pas été parfait.

Je crois qu’il a beaucoup pensé à lui et il aurait dû garder ça pour lui, poursuit Toutant. Mais personne n'est parfait et je pense qu'il a appris de cette erreur-là.

Un grand nombre d’amateurs chinois croyaient plutôt que c’était leur favori, Su Yiming, qui méritait les grands honneurs.

Carter Smith a été ciblé personnellement. Il se souvient de certaines publications sur Weibo, un site chinois de microblogage (un peu comme le Twitter chinois), où sont apparues des images trafiquées de la mascotte des Jeux de Pékin, Bing Dwen Dwen. Sur ces images, le panda s’en prend au juge ou à Smith, identifié comme responsable par plusieurs partisans de Yiming.

Le fait que le Chinois a terminé 2e a contribué à échauffer les esprits. Les gens se sont dit : "Maxence est Canadien, Carter est Canadien, Su Yiming s’est fait voler." J’ai reçu beaucoup de messages haineux, raconte Smith. Je me suis fait traiter de raciste. Normalement, ce genre de chose ne m’affecte pas trop, mais subir ça alors que tu es en Chine est une autre histoire. Je ne savais pas de quoi ces gens étaient capables. Dans leur tête, j’étais responsable.

Maxence Parrot était-il digne de la médaille d’or? Le classement aurait-il été le même si les juges avaient disposé des bons outils pour faire leur travail?

Honnêtement, je dirais que le classement aurait été différent, dit Carter Smith. Je ne vous dirai pas qui aurait dû gagner, parce que ça reste mon opinion. Mais mon pointage aurait été beaucoup plus bas si j’avais vu cette erreur à temps.

Est-ce que ça aurait enlevé complètement Max du podium? Je ne le sais pas, affirme Sébastien Toutant. Sur un jump [saut], si tu fais la figure et que tu atterris bien, mais qu’il n'y a eu aucune prise de planche, ce n’est pas nécessairement considéré comme si tu n’avais pas fait le truc, mais disons que c'est plus que la moitié de ton score qui vient de tomber à l'eau. Ce n'est pas moi le juge et ce n'est pas moi qui peux dire ce qui se serait réellement passé, mais c'est sûr que c'est quelque chose de flagrant.

Philippe Pilon, qui jugeait l’impression globale, n’est pas du même avis. Selon lui, la déduction aurait eu un impact minime puisque plusieurs éléments sont évalués, puis pondérés dans le calcul précédant l’attribution de la note finale.

C’est un peu dans le néant, la discussion entre les athlètes, les coachs et les juges dans le monde présentement, explique Philippe Pilon. C’est à quel point un knee grab [prise de genou] vaut une déduction.

Un athlète de surf des neiges effectue un saut pendant une descente.
Maxence Parrot pendant la finale de l'épreuve du slopestyle des Jeux de PékinPhoto : Getty Images / Clive Rose

Tout comme Toutant, Pilon rappelle que Mark McMorris a lui aussi commis des erreurs sur les rails. Il ajoute que certaines figures exécutées par Su Yiming étaient plus simples, moins difficiles.

Pour l’amateur occasionnel, il est impossible de valider ou de comparer les performances. Le système de pointage, appelé SLS (Snowboarding Live Scoring System / système de notation en direct de la planche à neige), n’établit aucun degré de difficulté pour les manœuvres ou les sections du parcours, contrairement au patinage artistique ou au plongeon, par exemple. C’est laissé à la discrétion des juges.

On tient le gros bout du bâton et on ne veut pas que ça change. Les athlètes, c’est comme des artistes et ils peuvent faire ce qu’ils veulent. C’est à nous de départager les meilleurs. Dans certains sports, comme le patinage artistique, ils se sont barrés à cause des degrés de difficulté. Ça enlève de la créativité , affirme Philippe Pilon.

Carter Smith explique que le pointage sert donc uniquement à déterminer le classement. Ce qui vaut 100 points une journée pourrait en valoir 15 de moins le lendemain.

Il n’y a donc toujours pas de consensus entre les juges, les athlètes et les entraîneurs sur le résultat de l’épreuve masculine de slopestyle en surf des neiges des Jeux de Pékin. Maxence Parrot ne nie pas sa faute, mais il défend la couleur de sa médaille.

J’admire Mark (McMorris), j’admire Su. La différence, c’est qu’ils ont fait plusieurs petites erreurs, et moi, seulement celle-là, qui est plus grosse, j’en conviens, avait déclaré le Québécois.

Mais au final, c’est un sport jugé et j’ai réussi la descente la plus technique du jour à presque tous les chapitres. Non, ce n’était pas parfait, mais ce n’est pas comme si on m’avait donné une note de 100 non plus.

Les juges admettent leur erreur, mais n’en sont pas responsables, selon Smith et Pilon.

Ce n’était pas notre faute, mais les gens ne nous croient pas. Ils croient qu’on accuse à tort la production et les angles de caméras. C’est en plein ce qui s’est passé , insiste Carter Smith

Une chose semble faire l’unanimité : de telles situations se reproduiront fréquemment si les choses ne changent pas.

Oui, les juges sont compétents, dit Sébastien Toutant. Est-ce qu'il y a des erreurs à chaque compétition? Oui. Est-ce que c'est tout le temps flagrant? Pas nécessairement. Mais on ne se le cachera pas, le niveau de snowboard que l’on montre, ce n'est pas facile à juger. Il n'y a pas beaucoup de monde qui est capable de faire ce travail. Si on se met à basher tout le temps les juges, et que les juges ne jugent plus [...] Que les juges n'aient pas les outils pour donner les jugements les plus fair [justes] pour tous les athlètes, c'est un peu triste quand on y pense.

Un athlète sourit en brandissant sa médaille d'or.
Radio-Canada
Photo: Max Parrot  Crédit: Radio-Canada

À qui la faute?

Un homme se tient un genou par terre sur une piste de surf des neiges, devant les anneaux olympiques.
fournie par Roberto Moresi

J’étais dans l’abri des juges pendant la compétition de slopestyle. Leur conduite a été irréprochable. Je suis convaincu qu’ils ont fait le meilleur travail possible dans les circonstances et avec les outils qu’on leur a fournis.

Roberto Moresi est le directeur des courses de la Fédération internationale de ski (FIS) pour les épreuves de parc et de demi-lune. Malgré la controverse, il est convaincu que le spectacle offert aux Jeux olympiques a été à la hauteur des attentes.

Il n’a pas eu connaissance de la demande des juges pour ajuster leur pointage en finale du slopestyle, mais il explique pourquoi il n’aurait pas été possible de le faire dans cette conjoncture.

Quand tu juges en direct un événement, les règles et les règlements sont préétablis, explique-t-il. Évidemment, lorsque tu soumets ton pointage et que, soudainement, il surgit quelque chose que tu n’as jamais vu parce ce que ce n’était pas offert à ce moment-là, tu ne peux pas te mettre à rajuster à cause de cette nouvelle donnée. Sinon, il faudrait retourner en arrière et le faire pour tous les athlètes. Vous imaginez les précédents que ça pourrait créer.

Les juges sont donc tributaires de la technologie qui leur est offerte et des angles de caméras choisis par les producteurs de télévision, qui doivent aussi s’assurer d’offrir le meilleur spectacle télévisuel possible au public. Aux Jeux olympiques, c’est le Service olympique de radiotélévision (Olympic Broadcasting Services ou OBS) qui est responsable de procurer les images aux diffuseurs détenteurs de droits de tous les pays.

Des caméras sont disposées sur els bors du parcours.
Radio-Canada
Photo: Le positionnement des caméras sur le parcours de slopestyle des JO de Pékin  Crédit: Radio-Canada

Selon moi, une grande partie du blâme revient à OBS, lance Carter Smith. Nous aurions dû nous lever et dire : "Si on n’a pas de meilleures conditions pour travailler, nous partons. Trouvez-vous d’autres juges." C’était ridicule.

Les irritants ont été nombreux pour Philippe Pilon également, qui mentionne entre autres certains plans de caméras, différents d’un athlète à l’autre.

Si on prend un exemple pendant les qualifications : le directeur [réalisateur] d’OBS a décidé que wow, ce serait vraiment hot de voir l’image d’un drone qui suit les athlètes à travers le parcours! Donc, nous, on a jugé toute la compétition avec un certain angle de caméra, et pour les 10 derniers athlètes, le réalisateur a décidé de changer de caméra et de prendre un drone qui suit l’athlète une trentaine de pieds en arrière. Notre point de référence a changé. Ça ne faisait aucun sens.

Roberto Moresi est plus tempéré. Il croit que les juges ont eu les bons outils pour travailler, mais rappelle la difficulté de présenter et de juger un événement en direct.

Malheureusement, d’une année à l’autre, on travaille avec des gens différents, rappelle-t-il. Certains sont plus expérimentés que d’autres. Les Olympiques sont les Olympiques, et il faut accepter que tout ne soit pas parfait. C’est dans la nature de notre sport d’être créatif et d’essayer d’être différent des autres, ce qui ajoute une couche de complexité. Si les 12 personnes présentes n’ont pas vu quelque chose, c’est que ce n’était pas destiné à être vu à ce moment-là.

Heureusement, depuis les Jeux de Pékin, le vent semble avoir tourné.

Il y a eu beaucoup de gens qui se sont excusés auprès des juges depuis les Jeux, affirme Moresi. Certains avaient peut-être bu quelques bières en regardant la compétition et s’étaient exprimés un peu trop vite et trop fort. Notre sport n’est pas déterminé par des chronomètres et nous avons besoin des juges. C’est notre réalité.

Mark McMorris s’est aussi excusé auprès de Maxence Parrot quelques jours après avoir critiqué le travail des juges et dit qu’il avait eu la meilleure performance du jour.

J'ai laissé mes émotions prendre le dessus dans les jours qui ont suivi le slopestyle et je tiens à m'excuser sincèrement auprès de Max, a-t-il écrit. Je suis émerveillé par ce que tu as surmonté et je suis extrêmement fier d'avoir partagé le podium avec toi. Allons en chercher une autre pour @équipecanada

Parrot, qui n’a jamais cherché à cacher son erreur, ne lui en a pas tenu rigueur et a accepté les excuses.

Il est venu me voir plus tôt dans la journée et il s’est excusé pour son manque d’esprit sportif, avait déclaré Parrot. Je lui ai dit de ne pas s’en faire.

Un athlète de surf des neiges lève le regard vers le ciel et pousse un soupir.
Radio-Canada
Photo: Max Parrot  Crédit: Radio-Canada

Des changements nécessaires

Parmi les améliorations réclamées, Carter Smith croit que les juges devraient disposer de plus de temps avant de devoir rendre leur pointage. Il mentionne le surf, nouveau sport olympique à Tokyo, à titre d'exemple.

Je regarde beaucoup de surf présenté par la WSL (World Surf League / Ligue mondiale de surf), et il peut y avoir un athlète qui attaque une vague alors que celui qui s’est élancé plus tôt n’a pas encore reçu son pointage. Il peut s’écouler plusieurs minutes avant que le score soit disponible. Les juges semblent avoir tout le temps du monde pour s’assurer qu’ils font la bonne chose. Ils ne font pas toujours la bonne chose puisque c’est un sport jugé, mais j’ai le sentiment que c’est ce dont nous aurions besoin. Plus de temps.

Bien sûr, on dira que c’est incompatible avec des compétitions de l’envergure des Olympiques parce qu’il faut voir la réaction des athlètes qui reçoivent leurs notes : "Oh mon dieu! J’ai gagné! tout de suite après leur performance, poursuit Smith. Mais pour nous, les juges, ça ne fonctionne tout simplement pas. Je pense que cette solution nous aiderait beaucoup.

Smith mentionne aussi que le sport évolue et progresse plus vite que les méthodes offertes aux juges pour bien faire leur travail. Sébastien Toutant abonde dans le même sens.

Le niveau où on est rendu... On fait tellement de grosses figures, ça va tellement vite, fait remarquer le planchiste. Pour ma part, je lève mon chapeau aux juges parce que non, ça ne doit pas être facile. Encore une fois, je me répète, mais donnez-leur les bons outils et je suis certain que ça va régler pas mal de problèmes.

Est-ce que j'ai espoir que ça change? Oui, continue Toutant. Est-ce que ça va changer pour le mieux? Je l'espère. Avec le temps que l'on met [comme athlètes] pour être là et le risque que l’on prend chaque fois qu'on fait une descente… Il y a tellement de choses sur la ligne que c'est le fun, quand tu atterris une bonne descente, d'avoir le score que tu mérites, puis d'avoir le positionnement que tu mérites aussi.

Finalement, la tempête n'aura duré que quelques jours. McMorris a fait son mea culpa, les juges ont retrouvé leurs lettres de noblesse auprès de la communauté de la planche à neige et l’histoire de résilience de Parrot, qui a vaincu le cancer avant de remporter l’or olympique, n’a pas été véritablement entachée. Pour l'amateur moyen de sports olympiques, la mésaventure est oubliée. Il n'empêche que ce petit tremblement de terre, survenu sur la plus grande scène sportive du monde, a peut-être un peu forcé ce sport de libres penseurs à réévaluer certaines de ses façons de faire pour les Jeux à venir.

Images de l'épreuve : Comité international olympique

Images du parcours : Fédération internationale de ski

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