Les quatre instruments scientifiques du télescope sont regroupés dans un châssis de métal de la taille d’un lave-vaisselle adossé au miroir principal.
Le châssis de métal est placé derrière le miroir principal, à l'abri de la chaleur du Soleil.Photo : NASA
Le Canada fournit à cette mission l’un de ces instruments, le NIRISS, mais aussi le détecteur de guidage de précision (FGS) du télescope qui joue un rôle central dans toutes les observations réalisées avec le télescope.
On est au cœur même de la machine avec le FGS. C’est une contribution exceptionnelle du Canada. C’est rare que la NASA fasse confiance à un partenaire externe pour fournir un élément aussi critique que le FGS
, fait remarquer Martin Bergeron.
Des ingénieurs préparent le détecteur de guidage de précision (enveloppé dans une pellicule noire) avant des tests menés au Laboratoire David-Florida de l’ASC à Ottawa.Photo : ASC
Cet outil permet de déterminer la position des objets célestes étudiés. Il peut suivre des cibles en mouvement, demeurer stable et pointer vers une cible particulière avec une extrême précision.
C’est une caméra infrarouge qui est relativement simple, mais extrêmement précise. Si on veut, toutes les observations et découvertes qui seront faites par Webb auront été obtenues grâce aux yeux canadiens
, estime le Pr Doyon.
Le télescope, en raison de sa taille et de ses nombreux composants, n’est pas une structure extrêmement stable. Le rôle du FGS est d’absorber toutes les vibrations qui empêcheraient d'obtenir des images claires.
Si le télescope vibre le moindrement, les images que l’on obtiendrait seraient floues. On ne veut pas ça. Évidemment, on va avoir les images les plus fines que le télescope peut nous donner. C’est ce que permet le FGS
, ajoute-t-il.
Ainsi, chaque fois que Webb va pointer un objet céleste, il va transmettre l’information au moteur de contrôle du télescope pour qu’il reste bien pointé avec une précision extrême. On parle ici d’un millionième de degré. L’idée est de rester longtemps et précisément fixé sur un point dans le ciel pour accumuler le plus de lumière possible
, explique pour sa part M. Bergeron.
Les responsables du FGS et du NIRISS : René Doyon (UdM), Begoña Vila (NASA), Chris Willott (NRC-Herzberg) et Neil Rowlands (Honeywell) discutent des instruments au Goddard Space Flight Center. Photo : Agence spatiale canadienne/Honeywell/Julia Zhou
L’autre contribution canadienne est l’instrument NIRISS (pour imageur et spectrographe sans fente dans le proche infrarouge).
Il permet d’étudier les objets célestes les plus lointains de notre Univers, mais sa sensibilité spectroscopique dans l’infrarouge va aussi lui permettre d’étudier les exoplanètes aussi petites que la Terre et leurs fines atmosphères.
Une réussite encore plus grande pour l’équipe canadienne serait que le NIRISS permette de déterminer la composition de l’une de ces atmosphères en y détectant la présence de vapeur d’eau ou de CO2, ou de voir potentiellement des marqueurs biologiques comme le méthane ou l’oxygène.
Lorsque la lumière passe à travers l'atmosphère d'une planète, les éléments qui la composent en absorbent certaines parties. En examinant les parties absorbées par la lumière, il est possible de déterminer la composition de l'atmosphère.Photo : Gracieuseté : ASC/MIT/Christine Daniloff/Julien de Wit
Ainsi, NIRISS pourrait aider l’humanité à détecter les premiers indices de l’existence de mondes potentiellement habitables
à l’extérieur de notre système solaire.
Avec son imageur sensible aux infrarouges, le NIRISS captera le rayonnement infrarouge émis par des objets et recueillera des renseignements sur le spectre de planètes lointaines.
L’objectif est de savoir si, oui ou non, il y a de la vie ailleurs. Cela va d’abord passer par déterminer si, sur cette planète qui ressemble à la Terre, il y a une atmosphère dans laquelle se trouvent des marqueurs, des biosignatures
, soutient Olivier Hernandez, du Planétarium Rio Tinto.
Les deux éléments canadiens ont été conçus pour l’Agence spatiale canadienne par la compagnie Honeywell. Des experts de l’instrumentation pour le domaine de l'infrarouge de l’UdeM et du Conseil national de recherches du Canada ont participé à la confection des instruments.
La contribution de l’Université de Montréal a été de concevoir les éléments optiques et de les tester dans nos laboratoires pour vérifier qu’ils fassent bien ce qu’on veut. […] Les mécanismes des instruments canadiens ont été qualifiés pour qu’on puisse opérer une bonne dizaine d'années
, affirme M. Doyon.
La NASA fournit le NIRCam, le dispositif infrarouge proche qui agit en quelque sorte comme le système d’imagerie principal du télescope. La vaste majorité des images obtenues avec Webb le seront avec cette caméra
, explique René Doyon.
L'instrument NIRCam lors de son arrivée au centre Goddard de la NASA.Photo : NASA
L’instrument peut observer l’Univers dans deux parties différentes de l’infrarouge proche. Grâce à lui, il sera possible de capter les images les plus profondes (les plus lointaines) jamais obtenues de l’Univers. Cet instrument sera essentiel dans la détection de la lumière des premières étoiles et galaxies.
Il étudiera aussi la formation des galaxies très lointaines et mesurera la distorsion de la lumière due à la matière noire. Il gardera également un œil sur les étoiles dans les galaxies proches et les étoiles jeunes de notre Voie lactée. Il observera les astres de notre système, dont les objets de la ceinture de Kuiper.
La NASA et l’ESA (Agence spatiale européenne) fournissent le MIRI. Il s’agit du seul instrument qui travaille dans l’infrarouge moyen. Qualifié de très polyvalent, il va permettre l’observation de systèmes solaires, dont le nôtre, mais aussi de l’Univers primordial. Il permettra également de détecter l'émission d'hydrogène et participera aussi à la recherche des premiers objets lumineux. Il sera aussi utilisé pour étudier différents types d’étoiles, comme les naines brunes et les planètes géantes.
Le MIRI va étudier différents types d’étoiles, comme les naines brunes.Photo : NASA/JPL-Caltech
L’ESA fournit le NIRSpec, le spectrographe infrarouge proche. Cet outil étudiera la lumière d’un objet dans ses différentes longueurs d’onde pour déterminer sa composition, sa densité et sa vitesse. Il permet, entre autres, d’étudier la formation des étoiles et l'abondance des éléments chimiques dans les jeunes galaxies lointaines.
Ces quatre instruments travailleront en équipe. Ils sont conçus pour aborder les quatre thèmes scientifiques d'une manière complémentaire. Par exemple, lorsque NIRCam prendra des images, NIRISS prendra des spectres du champ de vue qu’il observe. Presque en tout temps, il y aura deux instruments qui sont utilisés en parallèle
, explique M. Doyon.
Le coût de la mission
La NASA estime sa contribution totale à la mission à près de 14 milliards de dollars canadiens.
Pour sa part, l’Agence spatiale canadienne a investi environ 178 millions de dollars entre 1998 et 2021 dans la conception et la construction des deux composantes canadiennes, et 16,5 millions de dollars pour soutenir les programmes scientifiques canadiens. Une quinzaine de millions de dollars s’ajouteront d’ici 2028 pour aider les scientifiques canadiens qui analyseront les données obtenues grâce aux temps d’observation au télescope Webb.
La contribution européenne s'élève à un peu plus d'un milliard de dollars canadiens.