Les juges de la Cour du Québec en ont assez.
Assez de siéger dans des locaux vétustes et malpropres. Assez de la toilette qui coule au milieu d’une salle d'audience. Assez de se sentir vulnérables en marchant parmi le public. Assez de voir des avocats incapables de parler à leurs clients en privé.
L’an dernier, la Cour du Québec a amorcé un boycottage de trois des neuf communautés du Nunavik où elle siège de manière itinérante.
Selon une lettre obtenue par Radio-Canada, les juges refusent de voyager vers ces villages tant et aussi longtemps que les installations ne sont pas remises à niveau et qu’ils ne peuvent s’y sentir en sécurité.
« Les enjeux en cause dépassent largement le confort et la commodité; ils concernent plutôt la sécurité, le respect des droits des justiciables, une utilisation efficace des ressources judiciaires ainsi que "l’image" de la justice. »
La décision de la Cour du Québec est emblématique de l’état de crise dans lequel est plongée la justice au Nunavik.
Depuis des années, l’appareil judiciaire prend de l’ampleur dans le nord du Québec. Le nombre de semaines de cour est à la hausse, de nouveaux juges sont nommés, de jeunes procureurs y lancent leur carrière.
Malgré tout, le système n’arrive plus à gérer adéquatement les centaines de dossiers des Inuit qui sont judiciarisés chaque année, affirment plusieurs intervenants impliqués directement dans le système.
Selon ce qu’a découvert Enquête, la croissance actuelle du système n’est tout simplement plus soutenable aux yeux de plusieurs acteurs clés. L’appareil judiciaire est au bord de la crise, et les fondements mêmes de la justice au sein des populations inuit du Québec sont remis en cause.
Aux yeux des Inuit, qui composent 90 % de la population du Nunavik, la situation ne fera qu’empirer tant que la justice des Blancs
ne sera pas remplacée par un système adapté à leur culture et à leurs traditions.
Je crois que nous devrions avoir notre propre système en place, que nous pourrons gérer nous-mêmes
, lance Pita Aatimi, le président de la Société Makivik.
Face à la crise, le gouvernement du Québec a récemment commandé un rapport sur la situation, disant chercher des solutions qui n’aboutiront pas sur des tablettes.