Son grand drame, qui a tant participé au mythe (et à la réalité) du héros tragique, est la surdité qui commence à 28 ans, puis va s’accentuer jusqu’à devenir totale à l’aube de la cinquantaine.
Les pertes auditives se manifestent non par un glissement continu vers le silence, mais par des sifflements, bruits d’impacts et bourdonnements
qu’il ressent de plus en plus fréquemment dans ses oreilles.
Dans une lettre de 1801 à son grand ami d’enfance Franz Wegeler, il se confie : « Je mène une vie misérable. Presque depuis deux ans, j’évite toute société, car je ne peux dire aux gens : je suis sourd. Si j’avais n’importe quel autre métier, ce serait encore possible. Mais dans le mien, c’est une situation terrible. »
L’hérédité familiale, sans doute. Une santé défaillante qui aiguise son sens du combat, certainement. Une vie intime ratée. La surdité, évidemment. Mais aussi, toute une existence où, de façon consciente et délibérée, un artiste doté de la plus haute idée de son rôle, de sa mission sur Terre
, proclame que cette vie misérable, il va la sublimer dans l’Art.
Il n’y a peut-être pas, dans l’histoire de la création humaine, meilleur exemple de sublimation, y compris dans le sens que Freud donnera plus tard à ce concept.
Côté religion, c’était un semi-croyant, catholique non pratiquant, changeant selon ses humeurs, ayant une trop haute idée de l’Homme
(dans le sens du genre humain
) pour s’agenouiller devant Dieu. Son mysticisme sera investi dans l’art plus que dans la divinité.
Par exemple, sa , une de ses dernières œuvres, qui va jusqu’à dépasser dans le registre choral l’ampleur déjà inouïe de la Neuvième symphonie, a été jugée, au XIXe siècle, trop profane pour être jouée dans les églises.
Alors que de son propre aveu, Bach rend constamment gloire à Dieu, cette rare mais monumentale pièce religieuse
de Beethoven évoque certes l’être suprême… mais aussi l’être humain qui lui fait face, se bat et se tient debout.
Dans l’ (le dernier mouvement avec chœurs qui conclut la Neuvième), il est aussi question de Dieu, mais c’est surtout la fraternité entre humains qui est exaltée et qui est la solution
.