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Qui est Wab Kinew, le premier membre d’une Première Nation à diriger une province?

Le chef du Nouveau Parti démocratique du Manitoba, Wab Kinew, dans les studios de Radio-Canada, le 7 septembre 2023.

Le chef du Nouveau Parti démocratique du Manitoba, Wab Kinew.

Photo : Radio-Canada / Mario De Ciccio

Le journaliste Thibault Jourdan
Thibault Jourdan

Ancien rappeur et journaliste, le chef du Nouveau Parti démocratique du Manitoba, Wab Kinew, est devenu le premier membre d’une Première Nation à diriger une province au Canada, mardi soir.

Fils d’un grand chef régional du traité 3, Tobasonakwut Kinew, et d’une mère analyste politique, Kathi Avery Kinew, Wab Kinew, 41 ans, a passé les premières années de sa vie dans la communauté de la Première Nation Ojibway de Onigaming, près de Kenora, en Ontario.

Les parents de Wab Kinew avaient reçu une bonne éducation et voulaient la même chose pour leur enfant. Ils se sont donc installés à Winnipeg lorsque celui-ci a eu l’âge d'aller à l'école.

Il a grandi dans un quartier cossu du sud de Winnipeg et a fréquenté le Collège Béliveau, une école secondaire d’immersion française de la capitale manitobaine. Aujourd’hui, Wab Kinew est trilingue : il parle couramment l’anglais, le français et l’ojibwé.

Le chef néo-démocrate est aussi diplômé en économie de l’Université du Manitoba, et a obtenu, par la suite, une maîtrise en gouvernance autochtone.

Démêlés avec la justice

Pendant ses études, au début des années 2000, alors que Wab Kinew était dans la vingtaine, il a adopté ce qu’il a admis être un style de vie autodestructeur qui l'a conduit à la dépendance et à la violence. J’avais vraiment touché le fond sur le plan personnel, disait-il en 2016 à La Presse canadienne.

C’est dans ces années qu’il est rattrapé par la justice pour des actes criminels. Il a notamment été accusé de conduite en état d’ébriété et d’agression envers un chauffeur de taxi, des faits qu’il reconnaît dans son livre The Reason You Walk, sorti en 2015, et pour lesquels il s’est plusieurs fois excusé.

Cependant, les documents judiciaires donnent une version moins édulcorée de ce qu’il raconte dans son livre, notamment l’agression du chauffeur de taxi, durant laquelle il aurait proféré des insultes racistes et frappé le conducteur au visage.

Il reste qu’en 2016 il a obtenu une réhabilitation de la justice pour ses condamnations criminelles.

Son livre ne mentionne pas non plus deux accusations pour violence conjugale contre sa conjointe de l’époque, en 2003. Elles ont été suspendues quelques mois plus tard, et Wab Kinew a toujours nié avoir agressé cette dernière.

Artiste reconnu

Wab Kinew a aussi été un musicien reconnu dans le monde du rap. À la fin des années 1990, il a formé le groupe Dead Indians. Même si le groupe n’a jamais sorti d’album complet, il a fait des tournées en Amérique du Nord et était connu parmi la jeunesse autochtone.

Plus tard, il a sorti deux albums solo, dont Live by The Drum, pour lequel il a gagné le prix du meilleur album de rap/hip-hop aux Prix de la musique autochtone

Néanmoins, quelques années plus tard, il a dû faire face à ses textes de chanson misogynes et homophobes, qu’il a dit regretter à plusieurs reprises.

Des critiques sont ainsi apparues en 2016, lorsqu’il briguait la direction du Nouveau Parti démocratique manitobain, concernant des paroles qu’il a écrites dans une chanson sortie dans les années 2000 et dans laquelle il parlait de frapper des femmes au visage et dans les parties génitales.

Des vieux tweets avaient aussi semé la consternation. Dans une publication datant de 2009, il se demandait s’il était possible d’attraper la grippe aviaire en embrassant de grosses femmes, tandis que dans un autre tweet, il tenait des propos homophobes.

Un homme nouveau

Avant de se lancer en politique, Wab Kinew a été journaliste à Canadian Broadcasting Corporation à Winnipeg. Il a notamment animé plusieurs émissions, dont The 204 et la série documentaire 8th Fire.

Plus tard, il a été engagé par l’Université de Winnipeg en tant que premier directeur de l’inclusion des Autochtones. Il a aussi été le premier président du cercle consultatif autochtone du maire de Winnipeg, Brian Bowman, créé à la suite d’un article du magazine Maclean’s désignant la capitale du Manitoba comme ville la plus raciste du Canada.

C’est au début de la trentaine qu’il a décidé de se lancer en politique. Il affirme qu’il s’est rendu compte que ce serait dans ce domaine qu’il pourrait faire bouger les choses.

Wab Kinew a aussi été inspiré par l’histoire familiale de sa femme, Lisa Monkman. La mère de cette médecin de famille vivait de l’aide sociale dans les années 1980. Un programme gouvernemental a permis à sa famille de sortir de la pauvreté et d’offrir une éducation et une carrière à sa femme.

La trajectoire de leur vie a été modifiée pour le mieux grâce à leur propre travail acharné, avant tout, mais aussi grâce à quelques interventions de politique publique qui ont été faites à cette époque, racontait Wab Kinew dans une entrevue à La Presse canadienne récemment.

C'est quelque chose qui me parle : l'éducation, l'économie… Les gens le font eux-mêmes, mais peut-être qu’un petit coup de pouce du côté des politiques publiques [peut aider].

Aujourd’hui quadragénaire, Wab Kinew affirme avoir complètement changé de vie il y a plusieurs années et que c’est la raison pour laquelle il briguait la tête du Manitoba.

Je crois que j'ai réussi à avoir une seconde chance dans la vie. [Je pense] que j'ai quelque chose à apporter pour que nous puissions améliorer les choses.

Avec des informations de La Presse canadienne

Le journaliste Thibault Jourdan
Thibault Jourdan

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